lundi 28 février 2011

BIUTIFUL de Innaritu


FILM

Le visage quasi-impénétrable de X. Barden emplit de bout en bout le film.
Film noir, sombre, déprimant où tout n'est qu'errements, chaos, déchirements....
Aucun salut, aucun espoir pour personne. Le pessimisme du réalisateur atteint cette fois un sommet. Aucun espoir pour cet homme qui vient d'apprendre qu'il est condamné ( cancer généralisé ) ni pour des clandestins exploités qui "sur"vivent dans une cave insalubre...
Le personnage central est poignant, car complexe : ni vraiment un héros, ni un "vrai" salaud.
Capable d'émotion, de vraies ouvertures vers les autres ( ses enfants, une femme africaine sans logis....) , il vit néanmoins du travail au noir de clandestins , dont le destin se soldera dramatiquement.
Il y a donc plusieurs strates dans ce film : sociale, familiale ( face à une épouse immature , il se révèle père protecteur et aimant ), personnelle.
L'action se passe à Barcelone, pas la ville riche et coquette des ramblas, plutôt ses bas-quartiers poisseux, ses logis miteux occupés par une population étrangère misérable et ghettoïsée...

On est loin du psychopathe incarné par X.Barden dans " No country for old men" , mais l'interprétation est tout aussi intense. Celui-ci a reçu , cette année le prix de l'interprétation masculine à Cannes.

dimanche 20 février 2011

TRUE GRIT des frères Coen


FILM
D'une facture beaucoup moins originale que le "déjanté" : No country for old men" , le western des frères Coen est cependant plaisant à regarder...
Une classique histoire de vengeance sur fond de superbes paysages ....l'originalité venant du fait qu'elle est menée par une jeune fille de 14 ans qui a engagé , péniblement d'ailleurs , les services d'un marshall , peu fiable de prime abord , surtout intéressé par le whisky....pour retrouver le meurtrier de son père.
Sur leur route, ils croiseront un jeune "Texas ranger", naïf et appliqué dont les méthodes divergent de la manière brutale du Marshall. Lui aussi piste le meurtrier pour d'autres méfaits.
Et donc s'ensuivent des affrontements, des échanges orageux entre les 2 hommes que la gamine arbitre et temporise... L' ADULTE, c'est elle ...et c'est là , l'intérêt du film : le rôle-titre a été confié à une toute jeune actrice, nominée aux Oscars , dans la catégorie " Meilleur second rôle".
L'humour est bien sûr au rendez-vous, avec ses situations cocasses , décalées et ses quelques dialogues absurdes ( notamment une scène de négociation au tout début du film !!! ).
C'est donc un western rigolo à la morale toute classique , mais dépourvu de ce grain de folie, qui habite les autres films des Coen ....un peu trop "clean"!!!
Jeff Bridges frise trop la caricature à mon goût et Matt Damon est mal à l'aise et peu crédible dans le rôle du "pigeon" , figure qui est quand même le fil rouge et la marque de fabrique des films des Coen.

jeudi 10 février 2011

L'HOMME INQUIET de H.Mankell


LIVRE

H.Mankell a l'art d'insuffler à son récit la juste dose de psychologie et d'intériorité.
Tout en développant la trame policière, il nous livre les questionnements, les faux pas, les soucis de santé de son héros. Pour celui-ci, c'est l'heure des bilans qui a sonné, l'heure d'évaluer les choix qu'il a faits , tant amoureux que professionnels, car tout policier qu'il est, Kurt Wallander n'en reste pas moins un homme sensible et fragile qui, à 60 ans , s'interroge sur sa solitude, sur son couple brisé, sur son devenir à la pension...
C'est un être terriblement humain et attachant que nous suivons pas à pas.
En même temps, l'enquête policière autour de la disparition inexpliquée d'un couple est passionnante de bout en bout....Inutile de dévoiler la fin du récit , le dénouement de l'enquête, conséquences logiques du flair, de la perspicacité et de l'obstination du célèbre inspecteur

lundi 7 février 2011

NAISSANCE D'UN PONT de Maylis de Kerangal

LIVRE
Récompensé par le PRIX MEDICIS.

L'écriture est flamboyante, le verbe précis, la phrase ciselée......mais la beauté formelle de cette écriture si distanciée fait barrage.
On lit en se répétant sans cesse :" Comme c'est beau, comme c'est bien écrit...."
Et ça, à la longue, ça devient lassant.
L'histoire, elle , tourne autour de la construction d'un pont . Les protagonistes nous sont minutieusement présentés : ouvriers , architectes, grutier, plongeur.... Le problème, c'est qu' à la page 100, il n'y a toujours pas le début du commencement d'une intrigue, d'une action haletante..
Plus avant dans le récit surviendront une grève, un arrêt du chantier pour 3 semaines, une tentative de sabotage avorté, une romance avortée....Pas vraiment de quoi fouetter un chat ou tenir le lecteur en haleine.
Bref, j'ai lu ce roman , partagée entre un sentiment d'irritation et d'admiration : quel phrasé!!!
MAIS : trop de style TUE le style!!!
Le récit progresse à coups d'énumérations, parfois incroyables, sans dialogue aucun...
Le vocabulaire d'un haut niveau ( exemple p. 149: un bâtiment coruscant ???...) , le niveau de langue ne facilitent vraiment pas l'apprivoisement, ni une quelconque identification aux acteurs de cette construction titanesque.
L'histoire m'a laissée DE MARBRE!!! ............


Sur le plan du STYLE, je ne résiste pas à l'envie de retranscrire une demi-page époustouflante consacrée à la première rencontre d'un couple dans une chambre d'hôtel...:

"...une chambre qui est une parmi d'autres, absolument semblable aux autres, exactement comme eux qui sont un homme et une femme parmi des milliards d'autres, et une fois entrés la sensation d'un soulèvement scandé, ils se déshabillent en silence, sont assis chacun d'un côté du lit mais s'entreregardent toujours par-dessus l'épaule -- c'est long tous ces vêtements à enlever, ces épaisseurs de tee-shirts, ces lacets à défaire, chaque geste libérant des odeurs d'épidermes par-dessus quoi émane celle du chantier, comme un fluide commun --, ils sont nus maintenant, et leurs peaux que l'obscurité fusionne prennent même température et mêmes nuances carbone, ils se tendent une main jusqu'à se toucher par-dessus le lit, jusqu'à se rapprocher l'un contre l'autre, alors c'est le grand tâtonnement, l'opéra tactile, et les corps à fragmentation multiple qui se débrouillent parfaitement bien dans la pénombre." p.242.

N'est-ce pas magnifique?