lundi 31 janvier 2022

Le pouvoir du chien de Thomas SAVAGE-1967

                           LIVRE
 

Quelle belle surprise que ce roman paru en 1967 et qui défraya la chronique à sa sortie.Il mettait à mal le mythe du cow-boy viril et tout puissant,il montrait les failles d'un machisme primaire.                                                                                                                                                    Une belle surprise après le film vu en décembre et qui n'a en rien entaché ma lecture.C'est même un plus,car le roman nous offre quelques clés supplémentaires pour appréhender l'histoire.Sa construction diffère de celle du film et l'on découvre les choix subtils qu'a faits Jane Campion en s'emparant de cette histoire si forte,si pleine de symboles.

Le début du roman s'intéresse à l'histoire de Rose et de son fils Peter avant qu'ils n'apparaissent dans la vie de George et du ranch.On découvre le père de Peter avant son suicide,la façon dont il exerçait son métier de médecin,on évoque l'enfance de Peter,sa difficile croissance physique et mentale.Ce n'est pas inintéressant.Comme dans le film,le malaise monte progressivement et les différences psychologiques entre les deux frères nourrissent la tension qui s'installe au ranch quand Rose devenue la femme de George subit l'hostilité permanente et insidieuse de Phil,l'éternel cow-boy solitaire qui ne vit que pour ces bêtes et ses compagnons de travail.Cet être autoritaire est le portrait-phare du roman et après qu'il ait obtenu l'intérêt de Peter,voire son amitié,il ne pouvait que se fragiliser,s'effriter...Cela se passe dans les 20 dernières pages du roman et les faits sont plus ramassés.La dernière page est juste sublime.

La réalisatrice australienne s'est montrée très fidèle au roman tout en privilégiant le coeur de l'histoire,certains moments-clés:le pique-nique de Rose et George,le bain de Phil dans la rivière,la réception des parents où Rose,inhibée par la présence-absence de Phil se montre incapable de jouer au piano,le tressage de la corde,sorte de lien ombilical entre Phil et Peter...                                                                                                                                        Là où il y avait des mots précis,des détails de claquement de porte,des adjectifs saisissants,elle a choisi des plans évocateurs,des images superbes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

vendredi 28 janvier 2022

THE FATHER de Florian Zeller


 FILM
Le film encensé par la critique est nommé aux Oscar et César🏆.
La remarquable prestation d'Anthony Hopkins et Olivia Colman est soulignée.
Le duo père/fille fonctionne à merveille et la lente dégradation du père, sa perte des repères dans l'espace et le temps ( la chambre/ la confusion matin et soir/l'identification erronée des siens...) suit son chemin inéluctable.
Pourquoi ai-je alors eu du mal à être réellement touchée par ce film?
Pourquoi me suis-je sentie mal à l'aise?
 
Quelques éléments de réponse:
*Hopkins joue bien, il joue trop bien, c'est du papier à musique...d'où un côté artificiel, trop parfait.
*O.Colman est trop cantonnée à des expressions tristes, songeuses... un côté monocorde.
* Trop de clichés sur cet Alzheimer:les pilules 💊 à prendre, la montre, l'infirmière empathique,...
Et puis cette dernière scène qui a tant ému les spectateurs m'a énervée.
Trop mélo, trop larmoyant...ça m'a vraiment mise mal à l'aise🤔
Je sais que je suis en porte-à-faux avec la plupart, mais j'assume.

mercredi 19 janvier 2022

NITRAM de Justin Kurzel


 FILM

Ce film du réalisateur australien,Justin Kurzel est à la fois glaçant et bouleversant.Glaçant,car on suit,atterré la trajectoire inéluctable suivie par ce futur meurtrier.On sait que le pire va arriver,ne peut qu'arriver.En même temps,on est bouleversé par son histoire chaotique,son milieu familial avec une mère si rigide,si peu empathique que ne contrebalance pas la bonté du père.Nitram,c'est son nom,est un inadapté,inadapté à l'école et à la vie tout court.Seul moment de grâce,une sorte de parenthèse enchantée,sa rencontre d'une jeune femme,originale,riche héritière qui l'accepte tel qu'il est ,sans toujours le comprendre non plus,car Nitram est instable,fantasque,il a des sautes d'humeur,il semble par moments incontrôlable et incontrôlé.

Le film relate des faits,des instants de vie,sans jamais porter de jugement.Le réalisateur a misé sur la pudeur et la retenue,n'empêchant pas pour autant des réactions violentes de la part des familles de victimes australiennes.

C'est une descente aux enfers qui se déploie sous nos yeux incrédules,une somme de frustrations accumulées,d'humiliations aussi subies dès l'enfance.Une rage grandissante envahit le jeune homme qui n'est plus que ressentiments et désir de vengeance à l'égard d'une société où il n'a jamais trouvé sa place,jamais.

L'acteur, Caleb Landry Jones a été récompensé du Prix d'interprétation masculine à Cannes.Il était incapable de prononcer un seul mot tellement l'émotion l'envahissait.Et c'est ainsi qu'il a interprété ce rôle assurément très dur et plein de nuances.Quelle détresse dans le regard de ce Nitram,dans ses attitudes,ses excès.

Je le répète:c'est bouleversant et glaçant aussi.On a froid partout après un tel film.Terrible. 

                                     


 

samedi 15 janvier 2022

THE LOST DAUGHTER de Maggie Gyllenhall


 FILM

Pour un premier film,c'est une réussite.Un GRAND BRAVO.Impressionnante maîtrise du récit et impeccable direction d'acteurs.Olivia Colman,actrice qui a déjà cartonné dans plusieurs films et dans des séries est juste magnifique.Elle distille dans son personnage ce mélange de joie,de liberté et d'ombre aussi...Elle nous intrigue avec ses sourires avenants,mais aussi ses airs désapprobateurs quand les touristes de la plage dérangent sa tranquillité,car Leda,professeur de littérature comparée est en vacances sur une île grecque et elle compte bien travailler,lire tout en profitant du soleil,de la mer,de la liberté.

On sent qu'elle est intriguée par une enfant,un peu enfant gâtée qui joue avec sa poupée et tente en vain d'attirer l'attention de sa mère visiblement immature.Le regard de Leda n'arrive pas à s'en détacher...La suite du film nous révélera la mère qu'elle a été.Elle a en effet 2 filles... adultes maintenant.

Le thème de la maternité traverse le film,il est abordé avec nuance et réserve.C'est par touches successives que nous sommes invités dans la vie de cette femme qui est loin d'être en paix avec son passé de mère.On la sent tourmentée,prise entre les exigences d'une mère et un énorme besoin de liberté,de libération.Le malaise s'installe de plus en plus pour le spectateur qui comprend au fur et à mesure le désarroi,les manques,les tiraillements,voire les impossibles choix qui s'offrent à toute mère.Ces vacances dont elle attendait détente,solitude,apaisement vont se révéler extrêmement confrontantes pour elle.

Le casting est parfait.Tous les rôles sont convaincants et le film a d'ailleurs été récompensé du Prix du scénario à Venise.Amplement mérité.

                                          



lundi 10 janvier 2022

Au printemps des monstres de Philippe JAENADA


 LIVRE

Si on peut parler "d'écrivain d'investigation",Jaenada en est à coup sûr un.A la lecture de cette enquête de 4 ans,on découvre un fin limier,un fouineur hors pair,de la vraie graine de détective...méthodique et d'une persévérance à toute épreuve avec ça.                  Non seulement il décortique,recoupe,il fouille,il confronte et accumule des faits inexpliqués,mais il part sur le terrain...cad? Il s'assied lui-même au pied du chêne où fut retrouvé le corps de l'enfant,Luc Taron.Il refait des trajets en auto pour démontrer  que ça ne colle pas.

Il ne ménage pas sa peine,il consulte des articles,des interviews,des rapports de psy et de graphologues et nous partage ses interrogations, ses doutes,les pistes inexplorées,ces petits faits,détails que l'enquête a ignorés (ou fait semblant d'ignorer...) comme ce ticket de métro,pas tout à fait ordinaire,retrouvé près du corps (p315) ou l'allégation d'une demande de rançon au père...

C'est incroyable,c'est sublime,c'est dément.Après 200 pages (sur 750 !!!) d'explication des faits,on est tenté d'abandonner,de renoncer à la suite.On est pris entre saturation et exaltation et puis,on continue et on est récompensé,évidemment.Car son talent d'écrivain est immense (la page 594 est un must sur le "printemps des monstres"),le style accrocheur avec ses pointes d'humour (p220).

Exemple:à propos des parents tétanisés par la nouvelle,il écrit ceci:

"..un reporter se rend au 18 rue de Naples afin de saisir les parents dans leur milieu naturel noir,dans leur jus de deuil,l'atmosphère viciée de  douleur et de colère impuissante dans laquelle ils croupissent immobiles en attendant que les policiers se secouent et trouvent une amorce de piste...." p101.

De plus,Jaenada insère de temps à autre des faits plus personnels de sa vie,de sa santé:un scanner au cerveau,un problème à la jambe,l'arrêt de la cigarette ...et son auto,une Kia blanche.Déjà dans La Serpe,son précédent roman,l'auto louée était un élément du récit.La construction du récit est elle aussi originale.La première partie était une présentation minutieuse de tous les épisodes de ce fait divers dramatique:la victime et ses parents,le meurtrier suspecté,les lettres du meurtrier,,son arrestation, ses interrogatoires,le procès,les volte-faces de l'accusé....Accusé qui passera quand même 41 ans en détention,après plusieurs demandes de remise en liberté conditionnelle...."Le plus ancien prisonnier de France",donc.                                                                                                                                Ensuite vient le démontage de toute cette histoire,point par point,personne par personne,date par date...C'est alors un relevé des incohérences,erreurs,mensonges,oublis,négligences souvent involontaires (untel qu'on n'a pas interrogé,un témoignage qu'on n'a pas vérifié...),des emplois du temps qui ne collent pas...etc. A l'époque,on n'avait pas l'ADN bien sûr.Au cours de ces " 4 années de "contre-enquête",Jaenada a acquis une intime conviction vers laquelle il nous emmène en nous tenant par la main jusqu'au bout,jusqu'à la dernière page...grâce à "une" personne qui détient la clé,qui sait,qui a dit et écrit...,mais qui n'a été ni lue,ni écoutée.En lisant ce roman touffu et passionnant,vous l'apprendrez.

*Voici une courte interview de Philippe Jaenada en octobre dernier à TV5 Monde:

https://www.youtube.com/watch?v=hDT2yMDHPCI&ab_channel=TV5MONDEInfo

*Voici aussi la référence à une analyse du livre, très complète, personnelle qui aborde le projet plus large de l'écrivain : celui de décrypter une époque....et l'Humain au sens large.

https://www.en-attendant-nadeau.fr/2021/11/10/chercher-trouver-jaenada/

 

 

lundi 3 janvier 2022

The hand of God de Paolo Sorrentino

FILM

Le cinéaste italien Paolo Sorrentino nous a habitués à des films hauts en couleur***. On se souvient de "La Grande Bellezza" de 2013 qui était un hommage appuyé à la ville éternelle,Rome (ma critique de l'époque:https://parlonscinebouquins.blogspot.com/2013/11/la-grande-bellezza-de-paolo-sorrentino.html )

Ensuite,en 2016,sort "Youth" film assez loufoque,déjanté par moments qui aborde avec humour le thème de la vieillesse,son lot de tracas et questions existentielles...le film n'avait pas fait l'unanimité au festival de Cannes.

Cette fois,c'est Naples qui est à l'honneur, magnifiquement filmée de jour comme de nuit,Naples où le réalisateur a passé son adolescence.Après un début très "rock and roll", limite débile, comme du mauvais Fellini☹🥳....,le film s'approfondit,devient clairement attachant. Des thèmes-phares comme l'héritage parental,les névroses familiales,l'initiation à l'amour,l'infidélité,les superstitions,l'amitié traversent le film.

C'est une oeuvre très originale,très personnelle,complètement atypique.Beaucoup de clins d'oeil au foot,à Maradona,au film "Stromboli" aussi.                                                                 Un film étonnant entre rire et émotion.