mardi 10 juillet 2018

CALL ME BY YOUR NAME de Luca Guadagnino

FILM
Nord de l'Italie,été 1983,une villa,un bassin pour se rafraichir et des fruits juteux en profusion dans le verger...
Voilà pour l'ambiance lascive,propice à n'importe quelle romance.
Cette fois,c'est le jeune garçon de la famille qui tombe sous le charme d'un invité américain,intéressé par les recherches archéologiques du père de famille,"il professore".
Il y a du Pasolini dans Teorema* (1968) et du James Ivory dans Room with a view (1986)...Le thème de l'invité ,de l'étranger qui vient chambouler l'ordre établi et remue les passions et aussi cette ambiance sensuelle propre à la Toscane.
Et donc on assiste à la genèse d'un premier amour,fulgurant,dévastateur qui s'empare du jeune homme.Cette lente et implacable montée du désir est filmée au plus près...avec sa maladresse,ses contradictions "je t'attire/je te rejette",ses instants de désespoir puis de ferveur.
On retrouve le jeune Elio à la fin du film si perdu,si désemparé,complètement laminé après les premiers "feux de l'amour".
Très touchant.L'acteur est saisissant de vérité.
On peut reprocher un rien d'esthétisme au film qui accumule les jolis plans,les contrastes savamment photographiés...et cette lenteur qui génère par moments l'ennui.

                                       
Elio méditatif,éploré devant le feu de cheminée.C'est le dernier plan du film.

*Teorema,ce film a marqué notre génération soixante-huitarde. 
Terence Stamp,acteur génial est l'invité qui va bouleverser la vie de chaque membre de la famille,dans une relation interpersonnelle intense.Il est une figure quasi mystique.
Un tout grand film des années 60. Voici une photo.

                                               

 

dimanche 8 juillet 2018

LE LAMBEAU de Philippe LANÇON

LIVRE

Tu lis ce "roman" ... et tu ne te plains plus jamais!!!

PHILIPPE LANÇON,journaliste à Libé,grièvement blessé lors de l'attentat contre Charlie Hebdo,le 7 janvier 2015 partage ce drame terrible qui l'a laminé.
La veille,le matin,l'instant fatal,les secours,l'hôpital...et puis,et puis... la lente et douloureuse reconstruction faciale,l'invraisemblable série d'interventions chirurgicales entre confiance et désespoir.

L'écrivain parvient à garder son lecteur,car au-delà des détails concrets de ce chemin de croix médical,lui reviennent des souvenirs d'enfance,des sensations oubliées et ravivées,mais surtout ce sont des lectures-clés qui l'accompagnent lorsqu'il se rend au bloc:
PROUST ( la mort de la grand-mère),Thomas MANN (la Montagne Magique,p398),mais aussi KAFKA (Lettres à Milena)...Il s'accroche à ces livres,comme un naufragé à ses bouées de sauvetage.
La musique aussi lui est précieuse,celle de Bach.Certains films...
Ses proches,ses parents,sa compagne,ses amis sont là bien sûr,mais des liens humains d'une grande intensité se tissent avec le personnel hospitalier:les infirmières,les kiné,sa chirurgienne Chloé...Ces êtres qui l'accompagnent,le réconfortent,soulagent douleur physique autant que perdition mentale.
Car il ne sait plus exactement s'il appartient encore au monde des vivants... ou si une partie de lui s'en est allée avec les morts.
Cet entre-deux,ce purgatoire flottant,ce sas de décompression sont désormais son quotidien.
Et puis,...c'est le premier yaourt,p400...un "simple yaourt nature avec un peu de sucre".Première nourriture solide qu'il ingurgite depuis le 7 janvier...

Jamais misérabiliste,bouleversant d'humanité,ce livre est surtout remarquablement écrit.
( LE LAMBEAU est un terme qui désigne notamment "une greffe du péroné sur ce qui reste de mâchoire pour combler un déficit d'os."p249.)


Voici quelques extraits qui m'ont touchée:
"Il m’avait fallu atterrir en cet endroit, dans cet état […] pour sentir ce que j’avais lu cent fois chez des auteurs sans tout à fait le comprendre : écrire est la meilleure manière de sortir de soi-même, quand bien même ne parlerait-on de rien d’autre que de soi."

"Mes parents sont arrivés...je les ai regardés d'en bas et perpendiculairement ...Eux souffraient,je le voyais,mais moi,je ne souffrais pas,j'étais la souffrance."p129

Un souvenir du marché de Mogadiscio lui revient,celui d'une fillette avec une kalachnikov,p272...Voici ce qu'il écrit:
"Je me suis rappelé cet instant...je l'ai vu comme né d'un autre,parce que je n'étais absolument plus celui qui l'avait vécu."





IDAHO de Emily Ruskovich

LIVRE

Roman bouleversant,si original dans son écriture et sa construction narrative.
Bouleversant et pourtant sans pathos facile.
Juste des faits,des rencontres,des ambiances toujours poétiques et cette façon particulière de croiser les époques qui donne au lecteur la sensation de grimper sur l'échelle du temps,échelon après échelon pour ensuite mieux redescendre...
Le récit s'organise à partir d'un drame familial:une jeune enfant a été tuée par sa mère.
Meurtre impensable,insensé,inexplicable dont l'élucidation progressive permet à l'écrivaine de maintenir notre intérêt.
Pourquoi ce geste?dans quel contexte?est-ce lié à un air fredonné par la sœur aînée?à une trahison du père? Ces questions hantent la lecture.
Ajoutons à cela une écriture subtile,légère,parfois incantatoire et cette humanité dont la jeune américaine fait preuve dans l'approche de chacun de ses personnages.
C'est son premier roman.
26 ans et un immense talent👏👏