jeudi 13 mai 2021

THE CAB DRIVER ou "Arrêtez-moi là!" de Iain Levison


 LIVRE***

Enthousiaste de ce roman mené tambour battant et lu en deux après-midi.Belle découverte de cet écrivain écossais,Iain Levison*,auteur de plusieurs polars que je vais m'empresser de lire.Le tout dernier (recommandé par Michel Dufranne dans une émission de la RTBF):"Un voisin trop discret".

C'est l'histoire d'un chauffeur de taxi,tout ce qu'il y a de plus banal dont la vie bascule en quelques instants.Suite à une méprise,il est accusé d'avoir kidnappé... et sans doute tué une jeune fille.Seule preuve tangible: des empreintes digitales laissées sur un appui de fenêtre.C'est mince pour incarcérer quelqu'un,mais suffisant pour des policiers qui bâclent totalement l'enquête et s'acharnent sur ce seul suspect,providentiel.Bref,notre ami se retrouve en prison pour des mois en attendant le procès.Aucune visite,un avocat négligent,peu motivé qui doute visiblement de l'innocence de M.Sutton,son client. 

On est vraiment dans la tête de ce détenu au cours des 250 pages.On vit son arrestation,sa stupeur face à ce qui lui arrive,son arrivée en prison et la découverte progressive de l'univers carcéral,impitoyable:23 heures enfermés en cellule/1h de récréation où il cotoie deux,trois autres détenus,relativement inabordables.

C'est prenant,palpitant,écrit avec légèreté et efficacité.Une réussite.Un malheur traité avec humour aussi,...indispensable pour ne pas tomber dans le mélo.On ne s'appesantit pas,on ne s'apitoie pas, on avance jour après jour dans la peau de Jeff jusqu'au procès dont on ne révélera pas l'issue,bien sûr.

J'ai découvert que le roman a fait l'objet d'une adaptation française de Gilles Bannier en 2016 avec Reda Kateb,choix parfait pour ce rôle.Un lien en anglais sur le roman:https://www.lianalevi.fr/foreign-rights/the-cab-driver/

*Voici les livres de cet écrivain:

  • Ils savent tout de vous [« Mindreader »] (trad. de l'anglais), Trad. Fanchita Gonzalez Batlle, Paris, Éditions Liana Levi, , 232 p. (ISBN 978-2-86746-792-9)
  • Arrêtez-moi là ! [« The Cab Driver »] (trad. de l'anglais), Trad. Fanchita Gonzalez Batlle, Paris, Éditions Liana Levi, , 245 p. (ISBN 978-2-86746-565-9)
  • Trois hommes, deux chiens et une langouste [« How to Rob an Armored Car »] (trad. de l'anglais), Trad. Fanchita Gonzalez Batlle, Paris, Éditions Liana Levi, , 272 p. (ISBN 978-2-86746-503-1)1
  • Une canaille et demie [« Dog Eats Dog »], Trad. Fanchita Gonzalez Batlle, Paris, Éditions Liana Levi, , 246 p. (ISBN 978-2-86746-418-8)
  • Un petit boulot [« Since the Layoffs »], Trad. Fanchita Gonzalez Batlle, Paris, Éditions Liana Levi, , 196 p. (ISBN 978-2-86746-336-5)
  • Tribulations d'un précaire : récit [« A Working Stiff's Manifesto »] (trad. de l'anglais), Trad. Fanchita Gonzalez Batlle, Paris, Piccolo, , 187 p. (ISBN 978-2-86746-454-6)
  • Un voisin trop discret [« Parallax »] (trad. de l'anglais), Trad. Fanchita Gonzalez Batlle, Paris, Liéna Levi,


jeudi 6 mai 2021

LE COLIBRI de Sandro Veronesi


 LIVRE

Beaucoup d'adjectifs peuvent caractériser ce roman: farfelu,virevoltant,brillant,bavard,parfois torturé aussi.L'auteur est italien et donc l'imagination est fertile,mais ça part un peu dans tous les sens.Pas de structure,une accumulation de détails,de faits souvent intéressants,mais le lecteur peine à s'y retrouver,tant il est baladé dans des époques différentes: de 2016,on passe à l'été 1981,puis 2003-2005...et ainsi de suite.Le fil rouge étant la vie du personnage central,Marco Carrera,ophtalmologue dont on suit l'histoire dans un désordre absolu...son enfance,ses parents,son frère,son mariage avec Marina,sa relation platonique avec Luisa, la femme de sa vie... les lettres échangées au cours des ans qui révèlent une distanciation progressive...Beaucoup de personnages gravitent autour de lui dont le psychanalyste de sa femme et un camarade d'école aux pouvoirs extraordinaires.

Mais c'est comme si toute cette histoire était le prétexte à étaler une culture qui est immense,une vraie encyclopédie digne de Wikipedia qui fourmille de références à des textes, à des écrivains,à des aphorismes,                                                                                              à des termes étrangers ( Miraijin,p159...,Shakul,p218...,Tzadik,p358...),à des cultures,surtout la culture japonaise ...et donc on s'instruit énormément tout en suivant le parcours chaotique de ce Marco aussi passionnant qu'imprévisible.Il en fait des tonnes, cet écrivain pour nous captiver,il accumule les détails,il développe,complète,...quitte à nous assommer aussi!!!

"Italiano vero"...oui,c'est bavard à souhait.Il manque juste les gestes dont les Italiens sont si friands. 

Quelques extraits intéressants:

"...Ils n'étaient pas faits l'un pour l'autre.A vrai dire,personne n'est fait pour personne,et des gens comme Marina ne sont même pas faits pour eux-mêmes.( J'adore!!!...) Elle,elle cherchait un abri,c'est tout,un discours pour faire encore un peu de chemin;lui,il cherchait rien moins que le bonheur.Elle lui avait toujours menti,c'est vrai,c'est très mal  [....] mais lui,il avait fait pire.Il l'avait crue."p143.

Sur leur relation platonique:

"... Ils commencèrent par dormir dans deux hôtels différents, puis passèrent à deux chambres dans le même hôtel, jusqu’au moment où fatalement ils se retrouvèrent à partager la même chambre à Lyon le 24 juin 1998 : et tandis que dans le stade de Gerland, les Bleus battaient le Danemark en dernière phase des championnats du monde, ils mangeaient un club sandwich dans la chambre numéro 554 du Collège Hôtel, 5 place Saint-Paul, assis sur le lit en regardant un vieux film de Jean Renoir ; et, le film fini, tandis que sous leur fenêtre les Français fêtaient la victoire par un concert de klaxons, ils scellaient leur amour impossible par l’acte masochiste suprême, le vœu de chasteté, prononcé avec un enthousiasme absurde...

 Et des liens vers les critiques de France Inter,dithyrambique sur ce roman:

 https://www.franceinter.fr/livres/le-colibri-de-sandro-veronesi-prix-du-livre-etranger-2021-france-inter-le-point

 et celle du journal "le Monde":

 https://www.lemonde.fr/livres/article/2021/01/20/le-colibri-sandro-veronesi-voyant_6066968_3260.html

 


 

mardi 4 mai 2021

UNORTHODOX...Mini-série

MINI-SÉRIE
 
Mini-série très réussie.
C'est court ( 4 épisodes),c'est bien joué,c'est efficace.
On peut facilement s'identifier à Ester,l'héroïne de cette histoire,elle qui fuit le milieu juif new-yorkais enfermant, irrespirable pour elle, qui fuit un mari inadapté...
Ce défi qu'elle relève:conquérir sa liberté parle à toute femme.
Bien sûr,belle-famille et proches ne l'entendent pas ainsi et partent sur ses traces à Berlin.
Les épisodes sont bien organisés:on va de New York à Berlin, on alterne le mariage et les premiers pas dans la nouvelle vie berlinoise.
Un sacré tempérament,cette jeune femme💪
On découvre avec stupeur certains rites/rituels de la religion juive:le rituel du mariage,mariage arrangé,l'omniprésence de la famille du marié,surtout la belle-mère,écrasante,étouffante pour une jeune fille qui très vite s'asphyxie.
OMG😱....Au secours.
Mais Esty est une "guerrière" qui a choisi son destin,un chemin ardu où elle rencontre aide et hostilité.Son courage en impose,elle se bat pour conquérir sa liberté pour laquelle il y a toujours un prix à payer,évidemment.
L'actrice Shira Haas est remarquable,lumineuse,elle porte le film à bout de bras,entourée d'acteurs et actrices talentueux.

                                     



 

samedi 1 mai 2021

EUGENIA de Lionel Duroy


 LIVRE

Ce roman m'a bouleversée.L'histoire elle-même,celle d'Eugenia,jeune et brillante étudiante roumaine qui s'éprend à Bucarest d'un écrivain d'origine juive et par là-même prend soudain conscience de la vague de haine antisémite qui se répand autour d’elle.Par la suite,elle s'engage comme journaliste,relayant des faits parfois atroces,tel le Pogrom de Iassy,ville dont elle est originaire.Revenue dans cette ville,elle sera témoin de ce drame humain:de nombreux Juifs,accusés de collaborer avec Staline et les communistes,sont arrêtés et exécutés ( le nombre est de 13.226 !!!) lors d'une nuit sanglante,la nuit du 27 juin 1941 (voir photos*).

C'est donc ce contexte historique des années 39/40/41...qui est si intéressant.On suit les événements mondiaux,l'ascension du fascisme européen,mois après mois à travers son regard de jeune fille tétanisée par ce à quoi elle assiste:en 39:lepacte de non-agression entre Molotov et Ribbentrop ,ensuite en septembre,l'invasion de la Pologne....Et cette Roumanie qui est dans l'exspectative...Le roi Carol II voudrait la neutralité,mais la Roumanie devra céder en juin 1940 la Bessarabie à Staline...etc

J'en ai davantage appris sur cette Roumanie prise entre 2 feux,entre Staline et Hitler (voir l'extrait,p526)...Hitler qui avait fort besoin du pétrole et des céréales fournies par la Roumanie.La petite histoire d'Eugenia rejoint la "Grande Histoire" de la guerre 40-45.Certains chapitres sont prenants:quand on rançonne les Juifs,quand les hommes dont le frère d'Eugenia sont enrôlés pour combattre les communistes,les doutes qui s'emparent de la jeune fille,ses interrogations sur son ignorance du problème juif,son autre frère ayant adhéré à "la garde de Fer",mouvement pronazi et antisémite qui entend rendre la Roumanie aux Roumains..

                




Quelques extraits significatifs:

" Il y a la fameuse formule de Talleyrand "En politique, il n'y a pas de convictions, il n'y a que des circonstances" je pense l'avoir bien compris, cela se voit tous les jours, mais je préfère la formule de Churchill "Ils devaient choisir entre le déshonneur et la guerre..Ils ont choisi  le déshonneur , et ils auront  la guerre".p133.(Allusion aux accords de Munich en1938..à la trahison des Français et des Britanniques qui laissent la Tchécoslovaquie à Hitler)

L'héroïne,Eugenia est en plein doute et effroi après le Pogrom de Iassi:

"Et moi comment avais-je pu,à seize ou dix-sept ans,ne rien trouver  d'anormal à ce qu'un juif de mon âge se fasse massacrer à coups de pied sur le trottoir?Comment avais-je pu penser à un moment de ma vie que les juifs n'étaient pas nos égaux,qu'ils n'étaient pas des êtres à part entière,qu'on pouvait les frapper impunément,voire les tuer?....Nous croyons aveuglément en la parole de nos parents,et plus tard nous la reprenons à notre compte pour la transmettre à nos enfants.Pourquoi est-il si difficile d'aller contre cette parole,de s'éveiller au doute,puis petit à petit à la conscience d'une vérité différente?"p318.

Le dilemme,l'écartèlement des Roumains pris entre deux maux:

"....Mais nous,Roumains,tout en nous réjouissant de la fin des hostilités,savions que le pire était à venir. Que nous lâchions les Allemands et ils nous anéantiraient en quelques jours,que nous leur demeurions fidèles et les Russes nous écraseraient. Nous étions pris entre le marteau et l'enclume. Combien survivraient à ce qui nous attendait ? La mort n'était pas seulement dans le cœur des juifs,elle était maintenant dans tous les esprits..."p526.

DRUNK de Thomas Vinterberg

FILM

 

Mais qu'est-ce que c'est ce film?

Franchement...,une heure trente de beuverie, de saoulerie pour nous montrer,démontrer quoi?
Que l'alcool à doses de plus en plus fortes entraîne un dérèglement proportionnel du comportement.
" Un verre, ça va...trois verres,bonjour les dégâts"😉
Fallait-il un film pour ça?
Fût-il porté par d'excellents acteurs comme l'exceptionnel MADS MIKKELSEN.
Je me suis ennuyée,
je n'ai pas ri,
je ne me suis pas laissée emporter par la vague éthylique!!!
Le film a pourtant plu à un très large public et les critiques sont pour la plupart élogieuses,voire dithyrambiques.Il a obtenu récemment l'Oscar du meilleur film international,après avoir été récompensé du César du meilleur film étranger.
 
J'ai quand même lu des critiques qui partagent largement mon interrogation,ma déception.Notamment dans un article de Sens critique.
https://www.senscritique.com/film/Drunk/39705124
En voici un extrait:
 
 "...L'idée sur laquelle repose le métrage est aussi un fait. 
Un taux d'alcoolémie de 0.5% permet à l'homme d'améliorer ses relations sociales, son comportement et éviter ainsi de se noyer dans une dépression qui nous pousserait à commettre l'irréparable. 
La question c'est comment le film va traiter ce point par la suite et c'est là que le film fait un plongeon raté
En effet, ce Drunk s'avère au final être une bouteille quasi vide, sans aucune réelle ambition sur le fond (bien qu'il en reste deux trois gouttes pour la forme, qui, qu'on le veuille ou non, sont bien foutues), pire encore, le propos serait dangereux. 
Cette idée de garder un certain taux d'alcoolémie était une porte ouverte pour mettre en avant une forme d'émancipation à cette concupiscence éphémère qui comble le vide existentiel de nos personnages, à savoir l'alcool, car on le sait déjà que ça va mal se terminer et que pour certains, ça peut devenir irréversible. 
Mais non ... plutôt que de montrer une extirpation de cette dépendance par l'art par exemple, Vinterberg préfère nous montrer leur complaisance dans l'alcool en magnifiant certains décors (soleil éblouissant etc ...) jusqu'à ce qu'ils soient complètement inondés par leur bêtise. 
Il est important de noter que la musique n'est présente que pour accroitre les sens auditifs de nos personnages causés par l'alcool donnant ainsi une image méliorative de l'alcool..."