vendredi 12 février 2021

BROADWAY de Fabrice CARO


 LIVRE

Ça se déguste comme une praline,ça fond en bouche.

Bienvenue dans le monde de l'absurde,de l'auto-dérision,du non-sens.Un monde entre Woody Allen et Jean-Pierre Bacri.Notre narrateur,Axel,bon père de famille,employé modèle,46 ans se débat dans l'espace et le temps de sa vie,il est à la ramasse.Les choses,les êtres lui échappent,comme s'il n'avait pas reçu le mode d'emploi.Il subit,il n'ose pas,il n'entreprend rien de tangible.Incapable d'engueuler son fils qui a quand même bien merdé,de dire non à des projets de vacances avec un couple ami,il dérive gentiment comme sur un paddle.Sans cesse,il donne le change,se met dans des états pas possibles dès qu'il s'agit de s'affirmer.Il oscille entre angoisse,prostration et désespoir serein.

Car tout ça est raconté avec énormément d'humour,de légèreté.Pas de quoi se prendre la tête.C'est jubilatoire et écrit avec le ton juste et des mots pleins de tendresse et de réalisme mélancolique.Voici  extraits:

"N'espère rien et tu seras exaucé:tu n'auras rien."

"Rien ne ressemble jamais à ce qu'on avait espéré, rien ne se passe jamais comme on l'avait prévu, le résultat est toujours à des années-lumière de ce qu'on avait projeté, nous sommes tous dans une comédie musicale de spectacle de fin d'année, dans un Broadway un peu raté, un peu bancal, on se rêvait brillants, scintillants, emportés, et on se roule les uns sur les autres, et nos coudes dans nos bouches et nos cuisses entremêlées et nos diadèmes qui tombent sur nos yeux, et on s'extrait de son corps, on se regarde, impuissants et résignés, et on se dit : c'est donc ça la réalité. Tout est foireux par essence, mais on continue de se persuader qu'atteindre son but est la règle et non l'exception."

Et au moment où il aurait dû avoir une conversation sérieuse avec son fils,voici:

"Je sors de sa chambre,comme j'y suis entré,un courant d'air,les dix minutes les plus inutiles de l'histoire de l'humanité,en dix minutes Stendhal avait déjà écrit une page de la Chartreuse de Parme." p86.

dimanche 7 février 2021

LES LUMIÈRES DE L'AUBE de Jax Miller


 LIVRE

C'est une histoire vraie que nous raconte Jax Miller (auteur américaine qui a déjà publié plusieurs polars),un fait divers d'il y a 20 ans en Oklahoma.
Un mobile home brûle la nuit du Nouvel An 1999,on retrouve 2 victimes assassinées...et 2 jeunes filles ont disparu.
Plusieurs pistes: drogue/règlements de compte/corruption policière... mais rien n'aboutit.
Jax Miller n'a pas ménagé sa peine pendant plusieurs années pour retrouver des témoins, interroger des proches,arpenter ces terres du Midwest...mais souvent les gens ont peur,préfèrent se taire.On sent qu'une chape de plomb pèse sur cette enquête bâclée qui enchaîne fausses pistes et déceptions.L'écrivaine elle-même a reçu des avertissements,on a tenté de la décourager dans son entreprise.Cela ne l'a pas empêchée de poursuivre inlassablement ses recherches qu'elle nous partage dans ce récit minutieux,fouillé et si empathique surtout,car la souffrance des parents d'une des deux jeunes filles disparues,elle l'a faite sienne,elle en a fait "son" combat.
A l'heure où le livre paraît (2019),les filles n'ont pas été retrouvées,ni elles,ni leurs corps.

Ce récit est d'une grande noirceur,car il s'approche de régions peuplées de ranchs et de fermes où des individus louches,peu recommandables s'adonnent à la drogue,ne se privant pas d'extras clairement sexuels.
Où chercher?Qui interroger?Comment convaincre des gens apeurés de parler?autant de questions et de défis pour cette infatigable femme lancée sur les routes de l'Oklahoma et du Kansas.
On ne peut s'empêcher de faire un parallèle avec le best-seller "De sang froid" de Truman Capote:

mardi 2 février 2021

ARÈNE de Négar Djavadi


 LIVRE

Quel livre!!!.....Juste incroyable.Cette densité,cette construction du roman en toile d'araignées.Les araignées en l'occurence,ce sont cette foule de personnages qui se croisent,se recroisent,se ratent ...et surtout se mentent:des flics,des pdg,des politiciens,des migrants des quartiers Est de Paris.Tous sont défaillants,misérables,souvent lâches.C'est l'humanité qui est vraiment mise à mal.

Le fil rouge,c'est un portable volé qui entraîne une série de rebondissements,de soubresauts qui n'épargneront personne,ni la policière "bouc émissaire" lâchée par sa hiérarchie,ni le fanfaronnant dirigeant d'une plateforme américaine,figure-phare du récit,ni les mères des gamins des cités,ni la voleuse d'images...

Non...,"Paris n'est plus une FÊTE"...
Paris est devenu un terrain gangréné par la violence où les règlements de compte sont légion,où s'affrontent des êtres totalement imbibés par les réseaux sociaux,par leur sauvagerie et leur bêtise.
Les thématiques sont en effet multiples:cette addiction aux réseaux sociaux bien sûr,mais aussi la généralisation d'une violence qui concerne tous les niveaux de la société:petits et grands,riches et pauvres...aussi,la difficile,voire l'impossible communication entre générations.
Ce livre a été applaudi par la critique à la rentrée littéraire de septembre 2020.L'écriture est dynamique,elle emporte tout sur son passage comme un torrent,mais l'histoire elle-même part vraiment dans tous les sens,c'est embrouillé,plein de détails qui alourdissent,mais comme toujours on veut connaître le fin mot de l'histoire😎C'est le deuxième roman de cette auteure iranienne qui s'est fait connaître par "Désorientale" en 2016.