mercredi 27 janvier 2021

BABYTEETH de Shannon Murphy


 FILM

Film australien,présenté à la Mostra de Venise en 2019.On ne peut pas ne pas être touché par le destin de cette adolescente et sa relation improbable avec un jeune homme plus âgé qu'elle et plus que marginal.Relation que les parents de la jeune Milla acceptent avec difficulté.

Il ne faut pas trop en dire sur le contexte et les éléments de cette histoire.En tout cas,la réalisatrice a évité les pièges de la mièvrerie sentimentale en nous proposant des portraits très crédibles et sensibles de chaque personnage.Elle s'est intéressée à la personnalité du père et de la mère qui sortent de l'ordinaire,à leur évolution et réactions dans des moments délicats.Une belle mosaïque familiale donc.L'interprétation du jeune homme,Moses est aussi très convaincante et fine.Souvent les plans jouent sur la lumière (on est en Australie),sur les couleurs,celles des vêtements,de la coiffure,des plantes...J'ai retenu ce long jeu de lumière sur le visage de Milla,mi-éclairé,mi-sombre.Très beau.

Dans une interview accordée au journal L'Echo*,la cinéaste évoque sa proximité avec les ados.Elle leur a donné des cours d'art dramatique et connaît bien leur univers,leurs interrogations.Elle a instauré sur le tournage un grand climat de liberté,dirigeant fort l'un,laissant à l'autre un maximum de créativité et d'initiatives.On sent cela à travers ce film bouleversant.

*Lien vers l'article:https://www.lecho.be/culture/cinema/babyteeth-folle-maturite-de-la-jeunesse/10254684.html


 

jeudi 21 janvier 2021

L'Attaque du Calcutta-Darjeeling de Abir Mukherjee

LIVRE

Il fait chaud,on étouffe,on transpire abondamment...Bref,on est à Calcutta avant l'arrivée de la mousson et le capitaine Wyndham,inspecteur de Scotland Yard,fraîchement débarqué de son Écosse natale est chargé d'élucider l'assassinat d'un haut fonctionnaire Mac Auley retrouvé mort dans une ruelle sombre à proximité d'un bordel.

Mobiles nombreux:économiques,amoureux,politiques???...Tout est possible et vu les réticences des interrogatoires de témoins,de proches,l'affaire s'avère complexe.Ajoutons un contexte historique tendu.On est en 1919 et l'autorité britannique commence à être remise en question,ce sont les premiers soubresauts de la future dé-colonisation et on entend parler de désobéissance civile,de manifestations non-violentes...Gandhi n'est pas loin.Bref,notre enquêteur suit plusieurs pistes,celle d'un chantage exercé par la victime,celle d'un acte politique commis par un dissident indien déjà accusé d'actes terroristes,celle d'un mobile bassement économique lié à des taxes supplémentaires sur le caoutchouc ...Mais sans doute faut-il remonter plus haut vers ceux qui détiennent un pouvoir réel,qu'il soit économique ou politique et là,la liste des suspects s'allonge...surtout si l'un d'eux a un secret inavouable à préserver.

L'enquête suit un train soutenu,accumulant rebondissements,fausses pistes,concurrence entre niveaux de pouvoir et bien sûr comme dans tout bon polar: la surprise du chef en point d'orgue.L'écrivain,Abir Mukherjee,indien immigré qui a grandi en Écosse,a déjà publié 4 romans en anglais et ce volet est le premier à avoir été traduit en français.Il coche toutes les cases des policiers anglais avec aussi cet humour "so british",si fin et si efficace (j'en reproduis un extrait*ci-après).Un peu comme Sherlock et son cher Watson,le capitaine peut compter sur la perspicacité de deux assistants dont un sergent Banerjee,dit Sat ,indien qui a fait ses études à Cambridge.On retrouvera la même équipe de fins limiers dans les volets suivants que l'on a hâte de découvrir.

*L'extrait à propos du "chant des oiseaux" le matin:

                                   




 

mardi 12 janvier 2021

L'ÉPIDÉMIE de Åsa Ericdotter


 LIVRE

L'écrivaine suédoise,très connue dans son pays, a publié cette farce glaçante en 2016,le roman a été traduit en français au début 2020 et édité par ACTES SUD,et donc bien avant le Covid 19.L'épidémie dont il est question est celle de l'obésité.Un premier ministre suédois,Johan Svärda a mis à son programme une chasse implacable au surpoids,voulant éviter à la Suède de ressembler à terme au continent américain.Les citoyens d'abord dubitatifs deviennent rapidement inquiets,voire atterrés.On suit plusieurs personnages,un homme Landon,jeune chercheur,spécialiste des États-Unis et deux femmes à l'embonpoint notoire qui s'affolent devant cette campagne massive de perte de poids...très vite,des emplois sont menacés,des habitations refusées si on dépasse les indices de masse corporelle,les fameux IMC...le récit s'organise et le lecteur suit de plus en plus médusé les péripéties de cette dérive totalitaire,car on songe bien sûr à Hitler et à d'autres programmes de sinistre mémoire.

L'Épidémie est une métaphore de toute exclusion et la lecture d'un tel récit rendra chacun plus prudent à l'égard de toute incitation à garder une bonne condition physique,une alimentation saine,à pratiquer le sport...incitation louable,légitime bien sûr quand elle reste dans des limites acceptables,car le problème des soins de santé et de leur remboursement est posé en toile de fond.Nécessité de veiller à son corps,sa santé,de limiter malbouffe/cigarette/alcool....pour ne pas alourdir le budget de la santé.Thèse forte qui traverse ce roman noir??? Et c'est là le problème.Je n'ai toujours pas compris qu'on ait édité ce roman dans la collection "Actes noirs"...certains parlent de thriller.Franchement non.Pas de thriller,juste le récit d'une invraisemblable dérive à laquelle des êtres humains tentent tant bien que mal de résister.Cette thèse forte est précisément la faiblesse de ce roman,on a du mal à l'oublier,on est sans cesse ramené à ce message profond de l'écrasement de l'Humain en général par toute tentative totalitaire,eusse-t-elle un fond de bien-pensance...

Donc,ceci n'est pas un "thriller"....C'est un roman à thèse soutenue par une histoire assez tendue,car on redoute la fin et on a raison.

 

THE GAME de David FINCHER


 FILM

J'ai récemment vu (ou revu?) ce film de 1997 qui est sorti après l'immense succès de Seven et avant Fight Club.C'est suite à une publication de l'excellent site "Blow up" sur la thématique de "l'anniversaire au cinéma" qui place la scène inaugurale du film cad l'anniversaire de 48 ans du père qui se suicide ce même jour dans son Top 5.

Lien: https://www.arte.tv/fr/videos/092096-060-A/blow-up-l-anniversaire-au-cinema/

Ce film ne fait pas l'unanimité.Pour preuve,une récente émission du "Masque et la plume" qui revisitait quelques films cultes aux avis contrastés.D'abord le sujet:pour fêter ses 48 ans,le frère de Nicolas lui offre un cadeau sous la forme d'un JEU.Cadeau empoisonné évidemment qui tourne rapidement au cauchemar,car le héros,homme d'affaires richissime voit sa vie peu à peu lui échapper.Certains cinéphiles trouvent intéressante cette descente aux enfers d'un être qui est devenu le jouet,le pantin d'une sorte de machination diabolique qui le met au tapis.Il perd tout:ses cartes de banque,son téléphone,ses amis...tout lui devient suspect et les questions s'accumulent:qui s'acharne ainsi sur lui?quelle est cette mystérieuse agence CRS qui,au départ du jeu,lui a soumis d'interminables questionnaires?... des réponses à ces questions après +/- 2h de film.Des spectateurs et critiques moins emballés formulent différents reproches:le jeu monocorde de Michael Douglas qui porte le film de bout en bout,l'invraisemblance des situations,puis la fin si lourde,si énorme qu'elle ruine toute cette mécanique nerveuse et haletante mise en place.

Perso,j'ai été prise par ce film au rythme effréné enchaînant des situations de plus en plus rocambolesques et inquiétantes pour ce malheureux Nicolas Van Orten pris comme une proie ( « GAME » en anglais signifie « jeu » bien entendu mais également « gibier ».)Héros dupé,passif certes mais qui se débat quand même comme un lion pour se sortir de tous les pièges qui lui sont tendus dans ce jeu diabolique.Et puis cette morale prononcée à la fin par le petit frère Conrad:"Il fallait que je fasse quelque chose...,tu devenais vraiment très con" légitimant ainsi ce cadeau d'anniversaire quelque peu sulfureux.

vendredi 8 janvier 2021

MAFIOSO de Ray Celestin /2019


 


LIVRE

C'est le 3ème volet d'un opus qui en comportera 4,écrit par Celestin RAY,écrivain britannique,mais aussi linguiste,scénariste.Le premier tome est sorti en 2015.Chaque histoire se passe dans une ville et à une époque particulière.Elle peut être lue indépendamment des autres.Carnaval avait pour cadre La Nouvelle-Orléans en 1919.Mafioso se passe à New York l'année 1947.

Ces enquêtes policières sont passionnantes,richement documentées,très longues aussi (il faut tenir jusqu'au bout!!!...). Dans MAFIOSO,on en apprend beaucoup sur le jazz,la mafia américaine,ses rivalités de clans et les incontournables "taupes".On se promène dans les rues de Manhattan,ses quartiers,dans les clubs de jazz de Greenwich Village,on prend le métro jusqu'à Harlem,on se perd dans un blizzard historiquement célèbre de la fin 47...

Mais présentons les faits,les protagonistes...les enquêteurs.Un mystérieux tueur a assassiné de sang-froid tous les occupants d'un hôtel de Harlem. Ça ressemble à un meurtre rituel, lié au vaudou.Un suspect est arrêté et emprisonné.Coupable?Rien n'est moins sûr.
En tout cas,son père Michael qui forme un tandem de détectives privés avec une jeune métisse, Ida Davis, va enquêter et découvrir une affaire bien plus vaste qui implique le monde de la drogue,de la politique avec des liens remontant à la guerre en Italie,une affaire liée au crime organisé.On croise Louis Amstrong plus tout jeune,un grand parrain de la mafia,Frank Costello.....dont voici une citation:

" Peut- être que si je vous donne une image, vous comprendrez mieux ma vie. Imaginez quelqu'un au volant d'une voiture sur une route inconnue. Il ne peut pas arrêter la voiture. Sur son trajet, il n'y a que des événements inattendus, inédits, totalement différents de ce qu'il s'attendait à vivre. C'est terrible pour un homme de se rendre compte qu'il est au volant de sa vie, et que les freins ne marchent pas."

FRANCK COSTELLO, MAFIOSO
(1891 - 1973)