dimanche 27 décembre 2020

PLEINE LUNE de Antonio Muñoz Molina


 LIVRE***

Molina est sûrement un des grands écrivains espagnols contemporains.Son polar "Pleine Lune" a obtenu le prix Femina étranger en 1998.Et donc ma première lecture date d'il y a 20 ans.J'avais oublié l'intrigue et la relecture a ressemblé à une découverte.

Quelle plume!!!....Quel roman!!! ...époustouflant de maîtrise narrative et de profondeur humaine.C'est bien ce que l'on nomme un"Thriller psychologique".Un inspecteur récemment arrivé dans une ville du Sud de l'Andalousie est à la recherche d'un meurtrier qui a sauvagement assassiné une fillette.Il arpente les rues,les parcs,les sorties d'écoles,les coins reculés,espérant croiser le regard criminel qu'il pense reconnaître parmi tous.

"..Il cherchait des yeux un visage qui serait le miroir d'une âme embusquée,un miroir vide qui ne reflétait rien,ni le remords ni la compassion,peut-être même pas la peur de la police..." p14

Et donc il y a bien une enquête avec les recueils de témoignages,les pistes trop rares,les rebondissements aussi...mais surtout c'est plein de réflexions sur la vie,la destinée,l'amour,la complexité de l'âme humaine,car l'inspecteur qui a vécu dans cette ville,enfant, retrouve un prêtre devenu vieux avec lequel il regarde des photos anciennes ou récentes (espérant y voir ce visage criminel) et auquel il se confesse? se confie (Chapitre vraiment bouleversant que ce chapitre 26 où un être fait les comptes,s'analyse,regarde sa vie avec lucidité,sans indulgence ...)

C'est un être tourmenté,incapable d'être heureux,alors qu'un nouvel amour se présente à lui.Il y a du Dostoïevsky dans ce roman tendu à l'extrême.Les digues se rompent.On suit différents personnages dont l'assassin à la vie misérable,minable,lui qui vit chez ses parents qu'il hait,qui le dégoûtent...Terrible chapitre 20 où le lecteur découvre ce jeune homme chez lui,ensuite dans sa folle entreprise.C'est écrit dans un style incroyable,prenant,terrifiant et aussi flamboyant.

Une lecture que je recommande donc vivement pour sa densité émotionnelle,sa fine analyse psychologique,la brillance de son style. 

Voici la critique de 2008 publiée par  "CritiquesLibres.com":                                                                                                                                                                                       Si je devais partir dans une lointaine île déserte et qu'il me fallait choisir UN SEUL roman... c'est bien "Pleine Lune" de Munoz Molina que je prendrais avec moi... 

A partir d'un "fait divers" abject (cela nous rapproche d'autant plus de la narration parce que c'est justement du "quotidien") l'auteur nous livre un récit époustouflant qui nous atteint au ventre et nous échappe de la raison. C'est là, à mon avis, l'Art du Roman. Le Lecteur devient alors "prisonnier" du récit et ne sait plus s'évader de la trame. Attention, coeurs sensibles s'abstenir : l'histoire est terrifiante par son réalisme. Munoz Molina fait partie de cette élite d'écrivains qui savent séduire. 

Comme Italo Calvino, Saramago ou Faulkner. Incontournable donc. Munoz Molina est né en 1956. En 1996, il devient membre de la " Real Academia de Lettras " et a obtenu plusieurs grands Prix littéraires dans son pays, ainsi que le Prix Femina en France pour son roman " Pleine Lune ".



jeudi 10 décembre 2020

Revenir à Vienne de Ernst Lothar


LIVRE

Nous sommes en 1946,l'heure pour le héros de ce récit,exilé depuis 8 ans à New York de regagner sa chère patrie,l'Autriche et Vienne,ville chérie de son enfance.Après l'euphorie du départ,la traversée en paquebot vers l'Europe,c'est le contact brutal avec une Europe en ruines.Au Havre,ensuite à Paris et l'arrivée à Vienne défigurée,méconnaissable.

A l'emballement,à l'excitation toute juvénile,succèdent la désillusion,le constat de réalité,la déception.Bien sûr,il marche à nouveau dans les rues de Vienne,il passe devant l'Opéra,retrouve le Volksgarten où enfant,il jouait au ballon devant la statue du poète Grillparzer( p157:"...il devait y avoir des roses en fleur à droite et à gauche...il s'arrêta devant les rosiers qui fleurissaient plus abondamment que jamais,et il respira à pleins poumons le parfum du souvenir") mais les quartiers sont dévastés et la belle cathédrale Saint-Étienne a été bombardée:"Les visages étaient maigres et hostiles,les maisons misérables ou en ruine,tout était infiniment gris." Même au cimetière, la tombe de son père a disparu,l'emplacement vide.

De même,une ambiance délétère règne chez les gens.Méfiance,rancoeurs,suspicions,voire règlements de compte sont au programme.Ils se déchirent,tous sont à fleur de peau.Les Viennois privés de tout sont soupçonneux,envieux vis-à-vis de ces exilés revenus au pays,apparemment en forme et nantis et que dire des familles dont les leurs ont été gazés par les Nazis.C'est terrible.

Dès lors,la jeune fille retrouvée,amour de sa jeunesse et restée à Vienne n'a-t-elle pas collaboré?n'a-t-elle pas été complaisante avec les Allemands,voire plus?C'est en tout cas ce que certains soupçonnent.Ce retour au pays natal,à Vienne commencé sous les meilleurs auspices se révèle de plus en plus problématiques et douloureux.

Le récit date de l'après-guerre.L'écrivain,proche d'Arthur Schnitzler et Stefan Zweig s'est inspiré de sa propre expérience.La traduction en français est récente:2019.L'écriture est d'une grande modernité,elle est légère,alerte,avec des passages pleins d'humour,de dérision (p64:"On trouverait bien le moyen de venir à bout de ces petites cicatrices blanches du visage...on était bien venu à bout d'Hitler..."!!!) et bien sûr,les thèmes et les leçons du passé ne peuvent qu'éclairer notre présent et notre avenir.

dimanche 22 novembre 2020

L'ANOMALIE de Hervé Le Tellier

LIVRE

L'Anomalie... ou ... "Un avion peut en cacher un autre..."

A partir d'une situation bien réelle (Un vol Paris-New York avec à son bord 243 passagers échappe de justesse à la traversée d'une zone de turbulences majeures),l'écrivain construit un récit incroyable qui nous transporte dans un monde proche de la Science-Fiction.Nous faisons connaissance avec une galerie de personnages pendant une centaine de pages,après quoi nous "atterrissons" dans une sorte de monde parallèle,étrange où ils sont retenus par la sécurité des USA,un hangar...Il semblerait qu'un autre avion avec le même trajet,les mêmes passagers ait vécu un phénomène semblable trois mois plus tôt.

Secret défense,enfermement,interrogatoires,contact avec les grands de ce monde,effacement des traces rythment la suite avec les confrontations inédites de duos:le moi rencontre un autre moi,son double?,son sosie,son clone.Lequel est le vrai?lequel est le faux,la copie?

On se doute que ce sont des questions éminemment  philosophiques qui accompagnent cette suite:le lien entre le réel et l'illusion/la simulation/la réponse à l'inexplicable...Le roman présente d'indéniables qualités de créativité,d'érudition (références appropriées à Shakespeare,connaissance de la terminologie militaire,aéronautique...),de style aussi souple,direct,agréable.C'est original,divertissant,mais les rencontres des duos de la dernière partie me sont apparues artificielles,répétitives surtout,comme si la mécanique était trop lourde,comme si l'écrivain n'avait pas eu les moyens de sa politique.La fraicheur du début est devenue de la grosse artillerie,apprêtée.C'était lassant.

En tout cas,le roman fait le buzz comme on dit et on évoque déjà une possible série,genre LOST des années 2000...Et il fait partie des 4 livres retenus par le Jury du Prix Goncourt,attribué ce 30 novembre.

 
 

 

 

 

 

 

 

 

samedi 21 novembre 2020

THÉSÉE,sa vie nouvelle de Camille de Toledo


 LIVRE***

 Ce texte,c'est un cri de souffrance et de désespoir,

Thésée tente de "survivre" au suicide de son aîné,en cherchant le pourquoi et le comment,en interrogeant l'histoire des ancêtres,les noeuds et les non-dits familiaux,la dérive du couple de ses parents...,en s'éloignant aussi de la France.Il réclame des comptes,il réclame la lumière,il interroge les ancêtres au travers des documents/photos/journaux...dans les cartons emportés avec lui,mais "son corps le lâche"p 65.C'est une plongée en enfer.Il a si mal au dos qu'il n'arrive plus à marcher.Il a 43 ans!!!Thésée,c'est un corps qui tombe.
Que lui dit ce corps?ce corps qui sait ce que lui ignore encore."...le corps tombe car la blessure est le sens qui nous reste...la douleur est là pour nous relier au monde,à la matière,à ce que le corps sait que nous ne voulons pas voir..."p150
Que lui disent ceux qui avant lui,ont souffert et ont cadenassé cette souffrance?

Ce récit,c'est la somatisation des souffrances physiques,c'est la psychogénéalogie,c'est l'impact des générations précédentes,la non-résolution des problèmes,les tabous,les secrets,les non-dits...c'est l'impossibilité définitive de réparer,...de sortir du labyrinthe.

Le livre de Camille de Toledo fait partie de la dernière sélection du GONCOURT.
Le jury osera-t-il récompenser un récit si bouleversant, à la limite du supportable ???Pas sûr.

 Voici les photos éparpillées....certaines sont reproduites dans le livre,dont la photo des 2 frères sur la plage.Thésée en blanc.





samedi 14 novembre 2020

Les secrets de ma mère de Jessie BURTON


 LIVRE****

A partir de "Qui était ma mère?" vient "Qui suis-je?".Telle est la vertigineuse question qui porte ce récit attachant,brillant. Pour Rose qui n'a jamais connu sa mère,il est vital de retrouver des êtres qui l'ont connue... et des pistes et indices.Une célèbre écrivain l'aurait connue,aimée?...s'engage alors un récit qui s'articule sur deux périodes:celle de la jeunesse de sa mère,Elise dans les années 80 ...et 2017,celle de Rose en quête de réponses.

La question de l'identité,de la construction de soi est au coeur du roman.Roman féministe qui a des accents à la Virginia Woolf notamment quand l'écrivain interroge la maternité:les malaises de la grossesse,le désarroi en présence du bébé,les failles,les doutes de la jeune mère.P431:"Elle n'admettait pas les pensées qui la hantaient;les cauchemars de la journée...qu'elle exerçait un pouvoir sur ce bébé impuissant...Qu'elle avait une fille dont elle n'arrivait pas à s'occuper...qu'elle était aimée,mais ne savait pas comment accueillir cet amour.On ne pouvait pas compter sur elle.Elle en était incapable,incapable..."  

La dynamique du couple,hétéro ou homo est aussi fort présente.Les rapports de force,la jalousie,les scènes,la lassitude...tout ça est vécu par les différents protagonistes du roman.A un moment,Rose s'affronte à Joe,son compagnon à propos des cadeaux qu'elle prépare pour Noël...cette scène de dispute est génialement écrite,décrite dans son crescendo dévastateur qui aboutit aux immanquables injures et leur point de non-retour ...car bien sûr,Rose n'ira pas passer Noël dans sa belle-famille et elle quittera leur appart pour de bon.Pas évident une scène de dispute qui ne soit pas trop "cliché",qui soit crédible!!! (p266 à 268).

D'autres extraits révèlent ce style si agréable,plein d'élégances et de naturel.Jessie Burton est une immense conteuse,elle l'avait déjà prouvé dans ses précédents romans aux thèmes très différents. 

Voici:après une cuite,Elise se réveille et se sent très mal:"Elle était prostrée comme un crapaud,agonisant dans la faible lumière de cette maison de location."P311.

Lors d'une conversation avec son père,Rose se pose des questions sur lui:"Je me demandai s'il s'agissait d'un début de sénilité.Les sophismes de la conversation,l'attrait soudain pour les objets du passé,l'envie de tirer de l'eau au puits de sa propre existence pour s'apercevoir que personne ne veut regarder le contenu du seau.p47. 

jeudi 29 octobre 2020

Les Traducteurs de Regis Roinsard


 FILM

Une dizaine de traducteurs/traductrices sont accueillies dans un manoir-bunker pour traduire dans leurs langues respectives le Tome 3 d'un best-seller qui est sur le point de sortir.Voilà pour le sujet,mais la situation de ces "confinés"!!! privés de leur téléphone et coupés d'Internet va se révéler de plus en plus problématique et tendue.Affrontements et dérapages se succèdent,notamment face à l'éditeur brutal,cynique,arrogant qui a engagé cette bande.

Vont-ils jouer la carte de la solidarité ou pas? notamment quand on apprend qu'une fuite a eu lieu sur la toile,permettant au public de lire en exclusivité des pages du roman...rendant furax l'éditeur,victime d'un chantage financier.Il devient furax,pète les plombs et surtout traque le traître,le hacker...Qui a osé?Qui le fait chanter?

Le THRILLER" (Ambiance "Dix petits nègres " garantie) répond à ces questions par des chemins détournés,par de multiples rebondissements,revirements,révélations dans le genre Agatha Christie.Même si certains sont maladroitement amenés,on est captivé par ce jeu du chat et de la souris,jeu de cache-cache,jeu du tel est pris,qui croyait prendre...etc

Le film qui devait sortir au début du confinement!!!...s'est fait proprement dézinguer par les critiques,notamment H.Dayez.Moi,ce film,il m'a bien plu.Il est divertissant,intelligemment monté,ça bouge,ça avance et on va de surprise en surprise.

Lambert Wilson,parfois agaçant et facétieux,s'en sort bien dans ce rôle de méchant caricatural et les acteurs qui l'entourent ont été bien choisis.Ils ont des profils variés,suffisamment contrastés pour assurer une nécessaire diversité de look,de caractère,de situation sociale aussi,eux qui sont réunis pour une même et noble cause:la traduction.Un mot du réalisateur:c'est Regis Roinsard qui est aux commandes,il avait réalisé en 2014:Populaire,l'histoire de l'ascension spectaculaire d'une simple dactylo qui devient une championne de la machine à écrire.Le lien:

 https://parlonscinebouquins.blogspot.com/2014/01/populaire-de-regis-roinsard.html



 

samedi 17 octobre 2020

HISTOIRES DE LA NUIT de Laurent MAUVIGNIER

LIVRE

Ce roman est terrible,oppressant.Les mots,les phrases font aussi peur que des images au cinéma.L'effet de cette écriture est incroyable.En effet,elle tient du Nouveau roman,de ses choix esthétiques,mais elle elle est habitée par une densité émotionnelle rarement atteinte.Un cas d'école,vraiment.


C'est une sorte de huis clos campagnard qui réunit une famille et la voisine,un soir d'anniversaire ....la fête quoi...c'est sans compter l'arrivée d'invités surprises qui mélangent agressivité et ton mielleux.
Ce sont 3 frères qui veulent en découdre.
Pourquoi ? On le découvre au cours de ces 600 pages qu'on lit avec effroi.

Impossible de lire le soir
Mais ce style élaboré:longues phrases, monologues intérieurs, projection vers l'après...
est magnifique.

Quel art de décrire l'énorme charge émotionnelle de la frustration, du ressentiment que vit un des intrus quand il comprend que Marion le méprise, qu'elle ne reviendra jamais. L'orgueil du mâle blessé,c'est une bombe humaine. La description de la petite fille,accroupie contre le mur de la salle de bain,tétanisée, entendant les bribes d'une conversation dont le sens lui échappe complètement.p574. "Comme un rideau déchiré "!!! L'écrivain étire les phrases à n'en plus finir il s'attarde,ralentit infiniment chaque geste,chaque sensation... Juste incroyable.Soulignons que la structure du roman est fidèle à la "Règle des 3 unités" (Lieu/Temps/Action),caractéristique notamment de la tragédie racinienne:même lieu,quelques heures pendant lesquelles une intrigue resserrée se noue,se déploie et s'achève.C'est ça.

Pourquoi ce roman n'a-t-il pas été retenu au Goncourt ???
Inexplicable mystère ???

Quelques extraits:

"Ça non,Patrice n'y pense pas.Il s'assied tous les soirs,à l'heure du repas,dans la cuisine de son enfance,et,même entièrement refaite,on n'y peut rien,rien ne change dans le secret du temps,il ne suffit pas de rénover,retaper,cacher sous la peinture et la modernité,il y a toujours qui affleurent,des relents d'une époque qu'on voudrait oublier..."p83.

Sur la peur:"...Elle a réussi à maîtriser cette frousse qu'elle avait plus redoutée qu'un danger réel,oui,car au moment d'entrer dans la salle de réunion il lui avait fallu dominer la peur qu'elle avait eue de succomber à sa peur,car elle avait craint de se laisser submerger par elle,de se laisser paralyser par elle,d'être empêchée par elle au point de ne pas savoir répondre quand on commencerait à la mettre sur la brèche,sur le gril..."p270.

"Marion et Patrice,eux, rechignent à lever leur verre qui pèse une tonne de haine et de colère...."p448.




vendredi 16 octobre 2020

Invisible Man de Leigh Whannell


 

FILM 

L'actrice Elisabeth Moss,connue pour son excellente prestation dans la série «The Handmaid’s tale», brille une fois de plus à l'écran.

Dans ce rôle de femme,victime d'un mari  violent,psychopathe qui a le don de lire dans les pensées,elle parvient à proposer une gamme extraordinaire de sentiments,de vécus,...de visages aussi.Celui-ci passe de l'effroi à la colère,de la stupéfaction à la terreur la plus absolue.Et nous aussi,spectateurs,sommes terrifiés par ce qui lui arrive:des traces de présence,des signes,des bruits,des alertes continuant à venir d'un mari dont on a confirmé le suicide suite au départ de Cecilia,c'est son prénom.N'est-il pas mort?Est-il toujours à ses cotés?Le film le laisse supposer.Il est oppressant,haletant,ce film que l'on peut ranger dans le fantastique (cette irruption d'éléments bizarres,irréels,inexplicables dans un réel bien normal),mais aussi dans le thriller avec son suspense croissant et inquiétant.Tous les personnages qui entourent Cecilia et assistent incrédules à sa descente aux enfers sont intéressants et crédibles.La fin tient toutes ses promesses.On peut juste regretter quelques scènes violentes,par trop insistantes et gratuites.

lundi 21 septembre 2020

YOGA d'Emmanuel CARRÈRE


 LIVRE***

Gros COUP DE COEUR ❤️❤️❤️
Non,ce n'est pas un traité sur le Yoga ou la méditation...
C'est un chant d'humanité.
C'est le récit bouleversant, ... parfois déchirant d'un homme qui se bat avec ses démons,sa part d'ombre,qui chaque matin part à la reconquête de lui-même... à tâtons, à reculons parfois...
C'est d'une sincérité absolue....avec aussi des touches d'humour,si indispensables pour des sujets graves.
Emmanuel Carrère ne se prend pas au sérieux,
il ne se la raconte pas...
il se livre,nu, désœuvré, incertain,...dans une écriture accomplie,fluide,vivante.
On se laisse emporter par la puissance émotionnelle de cette prose.

Le livre se développe en trois parties:la première méditative,la seconde autobiographique et la troisième humanitaire et donc il n'est pas question que de Yoga dont l'écrivain "s'amuse" à nous proposer une série de définitions.Voici un extrait:

"...la MÉDITATION, c’est tout ce qui se passe en soi pendant le temps où on est assis, immobile, silencieux. L’ennui, c’est la méditation. Les douleurs aux genoux, au dos, à la nuque, c’est la méditation. Les pensées parasites, c’est la méditation. Les gargouillis dans le ventre, c’est la méditation. L’impression de perdre son temps à faire un truc de spiritualité bidon, c’est la méditation. Le coup de téléphone qu’on prépare mentalement et l’envie de se lever pour le passer, c’est la méditation. La résistance à cette envie, c’est la méditation – mais pas y céder, quand même. C’est tout. Rien de plus. Tout ce qui est en plus est en trop"

Les néophytes en apprennent davantage sur les stages de Vipassana,les vritti,semblables à ces petits singes qui sautent partout,telles nos pensées désordonnées,sur l'importance des narines (Extrait: « Il se passe tout le temps quelque chose dans les narines. On peut méditer deux heures sur les narines, sans s'ennuyer. »,du souffle:Inspire/expire...etc.

La seconde partie ressemble à une descente aux enfers:dépression,hospitalisation,médications fortes,électrochocs,pensées suicidaires...Il coche toutes les cases d'une souffrance morale intense.Terrible.Et ce qui lui arrive nous touche,nous émeut,car l'humain est au coeur de cette tornade personnelle.

On le retrouve enfin sur une île grecque où affluent des réfugiés,notamment afghans et le voilà embarqué dans un atelier d'écriture pour ces jeunes hommes qui ont ainsi l'occasion d'exprimer à l'écrit le cauchemar de leur départ d'Afghanistan,l'arrachement à leurs familles,les conditions apocalyptiques de leur voyage...il assiste une jeune femme,aussi éprouvée par la vie que lui-même et crée avec elle des liens d'amitié,de joie,de ressourcement.

Il fait sienne cette citation de Michaux:

 « Rends-toi, mon cœur, nous avons assez lutté. Et que ma vie s’arrête. On n’a pas été des lâches. On a fait ce qu’on a pu. »Que c'est beau.

dimanche 20 septembre 2020

Nickel Boys de Colson WHITEHEAD


LIVRE

Ce n'est pas le premier,ni le dernier roman qui évoque la dure vie d'un noir qui avant l'âge de 18 ans a déjà rencontré injustices,humiliations et brutalités gratuites...mais il est l'oeuvre d'un grand écrivain américain Colson Whitehead déjà récompensé en 2017 par le prix Pulitzer.

Barak Obama himself a placé "Nickel Boys" dans son top 10 de 2019.

Lien:https://www.washingtonpost.com/history/2019/08/16/boys-were-beaten-abused-florida-reform-school-now-colson-whitehead-fictionalizes-that-history/

C'est donc l'histoire d'un jeune noir,Elwood,élevé par sa grand-mère.Lycéen brillant,il s'imprègne des discours de Martin Luther King et se destine à l'université,mais,la faute à pas de chance!!!,il se fait arrêter après être monté innocemment dans une auto volée...il faisait du stop.Le début de la galère.L'enfermement dans une sorte de maison de redressement pour jeunes délinquants noirs et blancs où il va endurer une série de traitements cruels,livré à l'arbitraire de quelques blancs tyranniques et sans scrupules.Nous sommes dans les années 60 et l'horreur de cette institution ne sera révélée au grand public qu'en 2009,suite à une enquête.

La force de ce récit vient de ce qu'il est écrit sans pathos,sans auto-apitoiement,sans jugement moral non plus...juste des faits et quelques phrases qui tombent par ci par là comme des balles de fusil,imparables.Nous nous attachons pourtant à ce héros,nous nous identifions à ses souffrances,à ses espoirs,à ses valeurs fortes surtout qu'il tient de M.L.King.Une phrase qu'il se répète comme une sorte de mantra:

  "...l’enregistrement At Zion Hill de Martin Luther King lui donna un langage: "Nous devons croire dans notre âme que nous sommes quelqu’un, que nous ne sommes pas rien, que nous valons quelque chose, et nous devons arpenter chaque jour les avenues de la vie avec dignité, en gardant à l’esprit que nous sommes quelqu’un".p37.

Et vers la fin de ce qu'il faut bien appeler le calvaire d'Elwood,cette autre phrase de M.King qui "était devenue réalité":

"Jetez-nous en prison,nous continuerons à vous aimer.Incendiez nos maisons,menacez nos enfants,et même si c'est difficile,nous continuerons à vous aimer.Envoyez vos bourreaux encapuchonnés dans nos quartiers au coeur de la nuit...,battez-nous,laissez-nous pour morts et nous continuerons à vous aimer.

Mais ne vous y trompez,par notre capacité à souffrir,nous vous aurons à l'usure et un jour,nous gagnerons notre liberté.p208.

Voici une photo de ce lieu sinistre,horrible:

                          


 

  

mardi 15 septembre 2020

LES CHUTES de Joyce Carol Oates...Roman de 2005

LIVRE

Récemment,Amélie Nothomb recommandait de relire des livres.
Par exemple,relire Anna Karenine ou... Le rouge et le noir ou...La peste...etc
Cette fois,c'est le roman de l'écrivaine américaine qui m'a tentée,roman récompensé du Prix Femina étranger en 2005. et lu à l'époque.

Je me suis régalée,...vraiment,car j'avais oublié les développements du récit,ses thèmes variés et surtout les différents personnages de cette famille: la mère,Ariah,le second mari, Dick Burnaby,avocat de profession et bien sûr,les enfants,les trois enfants,2 garçons et 1 fille dont la destinée occupe la deuxième moitié du roman.
Dès le début,on apprend qu'au matin de ses noces,la jeune femme,Ariah retrouve le lit conjugal vide,vide de son époux.Parti!Envolé!
Il a quitté tôt matin l'hôtel du Niagara Falls,a marché vers les Chutes pour s'y abîmer.
Ce début de roman ressemble fort à une fin et on se demande comment le récit va pouvoir s'étirer sur 1000 pages.Eh bien oui,c'est possible,c'est écrit.
Ce roman est habité d'un souffle épique,d'une puissance de création rarement atteinte.
C'est un portrait de femme fort original,complexe,fait de mille facettes qui nous est proposé.
Ariah,l'épouse.Ariah,l'amante.Ariah,la mère exigeante,fantasque,parfois manipulatrice qui impose à ses enfants,des règles,des silences ...,une mère difficile à décoder pour des enfants encore en bas âge.
On dirait aujourd'hui,une mère "bipolaire".
Elle se sent une âme damnée,qui a été comme envoûtée par les Chutes,par l'appel des chutes auquel résistera sa petite fille,Juliet. 
Comment chacun des enfants va-t-il s'en sortir,évoluer? Le récit nous l'apprend,avec lenteur et précision,par petites touches.
J.C.Oates revient sur son sujet,le reprend ,le laisse,y ajoute un détail,repart vers le présent,établit un lien avec une anecdote précédente.
C'est de la dentelle,c'est travaillé au peigne fin.C'est magnifique.
Au cours de cette fresque familiale,des thèmes nombreux sont abordés.
Celui de l'écologie,de la contamination des sols,de la nourriture et donc la mise en danger de la santé des habitants,des enfants...Tout cela abordé au cours d'un procès à l'issue incertaine.
Un des fils,professeur est aussi appelé comme négociateur dans des prises d'otages:parviendra-t-il à raisonner le forcené?nous l'apprendrons.
Les trois enfants oseront-ils à un moment braver l'interdit concernant la mystérieuse disparition de leur père,Dick dans le fleuve Niagara?Leur mère a totalement cadenassé l'histoire: défendu d'en parler,de l'évoquer!!!

C'est l'écriture de l'écrivaine qui est remarquable,qui procède par à coups et répétitions.
Une écriture bondissante,efficace tout en étant légère:certaines scènes d'amour sont extrêmement fines et tendres,notamment celle qui réunit,près d'une tombe!,un des fils et la femme en noir.

 

dimanche 13 septembre 2020

Buveurs de vent de Franck BOUYSSE

LIVRE
Le dernier roman de l'écrivain tient toutes ses promesses.
On retrouve cette ambiance à la fois poétique et réaliste propre à l'écrivain.
Une autre histoire,celle d'une famille,mais le même univers littéraire :
*Grande maîtrise narrative.
*Écriture flamboyante.
*Personnages fracassés par la vie, enfermés à l'intérieur d'eux-mêmes,incapables de dire les mots... débordés par leurs émotions trop retenues,trop de non-dits,de secrets...trop de...
*Et aussi cette sauvagerie,cette sensualité à la Zola.

Comme dans les romans précédents,on retrouve la problématique du Mal,de la malfaisance,de la malveillance face à l'innocence et la fraternité...
Un village,une famille en particulier,se retrouve sous l'emprise d'une sorte de tyran,dictateur,Joyce qui épaulé par deux sbires décide de tout.
Une sorte de droit de vie et de mort sur chacun...et surtout sur les femmes et les jeunes filles,objets de la convoitise de prédateurs mâles avides de sang frais.
La résistance de deux jeunes filles,Mabel et Julie viendra-t-elle à bout de cette tyrannie?...sans doute avec l'aide de belles personnes qui n'hésiteront pas à poser des actes déterminants.
Dommage que l'écrivain n'ait pas davantage développé le personnage de Joyce,présenté dans une scène familiale (p 145 à 150) de façon très nuancée,complexe.
Un être un peu mauvais "malgré lui"..."qui n'avait eu droit qu'au mépris tout au long de l'enfance...il s'était empressé de retourner ce mépris contre les autres,croyant ainsi venger son enfance saccagée et mettre sa propre douleur à distance."p151.
Ce qu'il faut évidemment retenir de ce roman,c'est une fois encore cette prose à nulle autre pareille.
Voici quelques extraits:
"De minuscules coeurs se baladaient un peu partout sous leur peau,tel un troupeau affolé galopant en tous sens,ivres d''une délicieuse panique,et un même sourire irradiait leurs visages."p266. ... C'est juste magnifique cette phrase.

« On s’embrasse, on acclimate, on déraisonne, on raccommode, on s’accommode, on marchande, on saisit, on repousse, on ment, on fait ce que l’on peut, et on finit par croire que l’on peut. On veut faire croire aux hommes que le temps s’écoule d’un point à un autre, de la naissance à la mort. 
Ce n’est pas vrai. Le temps est un tourbillon dans lequel on entre, sans vraiment s’éloigner du cœur qu’est l’enfance, et quand les illusions disparaissent, que les muscles viennent à faiblir, que les os se fragilisent, il n’y a plus de raison de ne pas se laisser emporter en ce lieu où les souvenirs apparaissent comme les ombres portées d’une réalité évanouie, car seules les ombres nous guident sur cette terre ».
p297

 "On se demande souvent après coup à quel moment la vie s’est transformée en destin incontrôlable, quand la machine s’est emballée, si c’est un enchaînement d’événements passés qui préside au changement ou si le changement lui-même est inscrit dans l’avenir.»p261.

mardi 1 septembre 2020

TENET de Christopher NOLAN****

FILM***

Déjà,le titre TENET*est un palindrome,on peut le lire dans les 2 sens!!!
Film brillant, spectaculaire,efficace, haletant... 
C'est du James Bond sans être du James Bond,car il s'agit de sauver le futur😯... 
On est vite au parfum avec des balles inversées qui retournent dans le pistolet au lieu de s'en extraire!!!
Le spectateur entre facilement dans cette logique de l'inversion,tout est "à l'envers"(on backward),à rebours.On navigue entre passé et futur.
On retrouve cette thématique chère à Nolan de la faille spatio-temporelle,si importante dans Interstellar (lien père/fille).
Quelques scènes incroyables:
Un règlement de comptes dans les cuisines:jouissif.
L'effarante scène d'ouverture dans l'opéra de Kiev***
Et surtout:la course poursuite de voitures...inversée,les voitures vont à reculons,à rebrousse-poil,telles des voitures-fantômes.
Les héros se retrouvent dans des espaces-temps divers.
Pour retrouver le mystérieux objet qui anéantirait le monde en modifiant son entropie,il faut revenir à un moment-clé où le russe (génial Kenneth Branagh***) veut se suicider et l'en empêcher...Il faut en quelque sorte "SAUVER LE FUTUR".
Mission ardue,impossible?Non,bien sûr.
La phrase du film:"Nous sommes attaqués par le futur."!!!

Le film a le mérite d'ébranler notre conception du temps,de nous déstabiliser,de modifier notre point de vue.
Cette thématique du TEMPS,c'est le fil rouge de tous les films de Christopher Nolan depuis Memento,2000 où il fallait rebobiner le récit à l'endroit...avec l'excellent Guy Pearce.
C'est moins intimiste que ne l'était Inception et ses tourments psychologiques.
Il y a plus de scènes d'affrontements,de combats,notamment vers la fin (un peu trop longues à mon goût!!!).
Mais l'actrice féminine qui interprète la femme du russe Sator vaut le détour...Elle illumine l'écran par sa grâce,son charme,son élégance...
Le TOP du TOP.Elle s'appelle Elizabeth Debicki et est australienne.
Photos:

 
TENET*:Le titre se réfère notamment au carré Sator ou carré magique,connu depuis l'Antiquité romaine.



 
Voici le trailer du FILM en VO:
https://www.youtube.com/watch?v=L3pk_TBkihU

dimanche 16 août 2020

Miroir de nos peines de Pierre LEMAITRE







  

LIVRE

 Ce roman est le 3ème volet d'une trilogie commencée avec "Au-revoir là-haut".
 Je suis assez déçue par la pauvreté thématique,et le croisement relativement artificiel de destins pendant l'exode de Juin 40.
Comme si l'écrivain tirait des ficelles assez automatiques...et les chevauchait allègrement.
Le lecteur devine assez vite les liens qui unissent les personnages Louise/Raoul/le docteur Thirion/l'invraisemblable Désiré 🤔...etc.
C'est convenu,assez prévisible...
Pierre Lemaitre applique une recette dont il maitrise bien les ingrédients,à savoir des réfugiés sur le chemin de l'exode,des pillards démasqués et arrêtés par des militaires dubitatifs,une jeune femme qui part à la recherche de son filou de frère,un imposteur qui change d'habits et de rôles au gré des circonstances et s'impose à ceux qui l'engagent à coups de mensonges...et de beaucoup de culot.
Tout ce beau monde lancé sur les routes de l'exode se retrouve comme par enchantement vers la fin du roman.
Jamais,on n'est vraiment surpris,ému,touché,car c'est là un univers fort mental qui manque d'incarnation,de ressenti,de tripes.
L'ennui guette un lecteur,content d'arriver au bout d'un repas qui le laisse insatisfait.
Lemaitre fait du Lemaitre...et il le fait bien,car l'écriture reste élégante....
Mais j'aimais beaucoup plus ses polars du début.Voici le lien vers mes critiques/2014 :
http://parlonscinebouquins.blogspot.com/…/alex-de-pierre-le…


samedi 8 août 2020

HUSBANDS de Rebecca LIGHIERI...2013.

 LIVRE
Trois hommes,trois "maris" récemment largués se retrouvent sur un forum où ils écrivent leurs déboires,leur frustration sous des pseudos...Assez vite,un désir de partage plus personnel les incite à échanger mails et SMS.Tout cela suivi d'une rencontre dans le réel...
Le lecteur suit le vécu de chacun d'après un journal de bord qui va de mai à juillet.
Que faire de leurs femmes,infidèles ou menteuses qui les a trahis,chacun à sa façon?
Chloé,Lauriane ou Delphine ne les méritent pas.Ils échangent bons conseils,stratégies fines...mais surtout ils se sentent soutenus,écoutés,compris,intéressants...en totale confiance,enfin!!!
Mais ce soutien viril et amical vire progressivement au cauchemar quand l'un des trois,Laurent dérape et pète un cable.On est suspendu à la suite du récit.
C'est un Thriller de 2013,mais on trouve déjà cette incroyable écriture de R.Lighieri qui n'épargne rien ni personne,pique là où ça fait mal,toujours dans une langue crue et efficace. 
Quelle implacable exploration de l'univers masculin menée par cette écrivaine 😮De livre en livre,elle déploie une impressionnante palette d'hommes,de maris,de pères,de frères qu'elle décrit,analyse,met en action...
C'est vraiment bluffant,cette connaissance qu'elle révèle des hommes...de la psychologie masculine,de leur sexualité débridée ou cadenassée...Et en même temps,chaque homme fait preuve d'une grande lucidité sur ce qu'il est,d'où il vient,ce qui le fait vivre.On est dans la tête de chacun,totalement. 
Par exemple,Laurent analysant ses origines modestes,lui qui a épousé une bourgeoise bon chic,bon genre:
"Cette place de toute façon n'était pas la mienne.Je ne l'ai occupée que par hasard,voire par erreur:la société était occupée à regarder ailleurs quand je m'y suis faufilé,mais elle n'a pas tardé à m'éjecter du manège."p337.

Ou ceci:
"A côté de moi,Farouk,c'est Bambi."p110.

Tout le chapitre consacré à Laurent,28 juin est un régal... Non sans évoquer cette scène-culte de American beauty où Kevin Spacey déverse lentement sa soupe sur la belle nappe devant le regard médusé de sa famille 😂😂😂
p167 à 174.

dimanche 2 août 2020

Il est des hommes qui se perdront toujours de Rebecca LIGHIERI

LIVRE

Le dernier roman de Rebecca Lighieri est terrible...terrifiant.
Quel réalisme pour décrire une enfance saccagée,des enfants brutalisés par un père immonde,"no limits"...et une mère passive!!!
C'est effrayant,par moments insoutenable...
Mais ce récit du frère aîné Karel est soutenu par une écriture si juste,si incisive,naturelle aussi qu'on ne lâche pas le livre.
C'est du Zola/fin 20ème siècle dans la cité de Marseille,ses quartiers improbables,ses dealers,ses camps de gitans,ses groupes de rap dont IAM...,son club de foot aussi qui nous vaut cette scène incroyable de la victoire de l'OM en Champions'League,ce 26 Mai 1993 pendant que sur la colline de Marseille,Karel fait l'amour pour la première fois au son des cris et applaudissements des spectateurs (p75 à 79).
On pensait que tout avait été dit,écrit sur l'enfance martyrisée,mais non,l'écrivaine y ajoute sa marque bien personnelle en entrant dans les pensées de Karel:sa perception,sa culpabilité de ne pas avoir pu/su empêcher ces violences répétées subies surtout par le petit frère,fragile dès sa naissance et considéré comme débile par le père.
Et cette impossibilité de s'en sortir,de vaincre ses démons,de se défaire d'une violence qu'il ressent comme génétique...
Déterminisme social,familial?...Revoilà ce thème au coeur de l'oeuvre du grand Zola.
Ce livre est un cri,un cri de souffrance