dimanche 16 août 2020

Miroir de nos peines de Pierre LEMAITRE







  

LIVRE

 Ce roman est le 3ème volet d'une trilogie commencée avec "Au-revoir là-haut".
 Je suis assez déçue par la pauvreté thématique,et le croisement relativement artificiel de destins pendant l'exode de Juin 40.
Comme si l'écrivain tirait des ficelles assez automatiques...et les chevauchait allègrement.
Le lecteur devine assez vite les liens qui unissent les personnages Louise/Raoul/le docteur Thirion/l'invraisemblable Désiré 🤔...etc.
C'est convenu,assez prévisible...
Pierre Lemaitre applique une recette dont il maitrise bien les ingrédients,à savoir des réfugiés sur le chemin de l'exode,des pillards démasqués et arrêtés par des militaires dubitatifs,une jeune femme qui part à la recherche de son filou de frère,un imposteur qui change d'habits et de rôles au gré des circonstances et s'impose à ceux qui l'engagent à coups de mensonges...et de beaucoup de culot.
Tout ce beau monde lancé sur les routes de l'exode se retrouve comme par enchantement vers la fin du roman.
Jamais,on n'est vraiment surpris,ému,touché,car c'est là un univers fort mental qui manque d'incarnation,de ressenti,de tripes.
L'ennui guette un lecteur,content d'arriver au bout d'un repas qui le laisse insatisfait.
Lemaitre fait du Lemaitre...et il le fait bien,car l'écriture reste élégante....
Mais j'aimais beaucoup plus ses polars du début.Voici le lien vers mes critiques/2014 :
http://parlonscinebouquins.blogspot.com/…/alex-de-pierre-le…


samedi 8 août 2020

HUSBANDS de Rebecca LIGHIERI...2013.

 LIVRE
Trois hommes,trois "maris" récemment largués se retrouvent sur un forum où ils écrivent leurs déboires,leur frustration sous des pseudos...Assez vite,un désir de partage plus personnel les incite à échanger mails et SMS.Tout cela suivi d'une rencontre dans le réel...
Le lecteur suit le vécu de chacun d'après un journal de bord qui va de mai à juillet.
Que faire de leurs femmes,infidèles ou menteuses qui les a trahis,chacun à sa façon?
Chloé,Lauriane ou Delphine ne les méritent pas.Ils échangent bons conseils,stratégies fines...mais surtout ils se sentent soutenus,écoutés,compris,intéressants...en totale confiance,enfin!!!
Mais ce soutien viril et amical vire progressivement au cauchemar quand l'un des trois,Laurent dérape et pète un cable.On est suspendu à la suite du récit.
C'est un Thriller de 2013,mais on trouve déjà cette incroyable écriture de R.Lighieri qui n'épargne rien ni personne,pique là où ça fait mal,toujours dans une langue crue et efficace. 
Quelle implacable exploration de l'univers masculin menée par cette écrivaine 😮De livre en livre,elle déploie une impressionnante palette d'hommes,de maris,de pères,de frères qu'elle décrit,analyse,met en action...
C'est vraiment bluffant,cette connaissance qu'elle révèle des hommes...de la psychologie masculine,de leur sexualité débridée ou cadenassée...Et en même temps,chaque homme fait preuve d'une grande lucidité sur ce qu'il est,d'où il vient,ce qui le fait vivre.On est dans la tête de chacun,totalement. 
Par exemple,Laurent analysant ses origines modestes,lui qui a épousé une bourgeoise bon chic,bon genre:
"Cette place de toute façon n'était pas la mienne.Je ne l'ai occupée que par hasard,voire par erreur:la société était occupée à regarder ailleurs quand je m'y suis faufilé,mais elle n'a pas tardé à m'éjecter du manège."p337.

Ou ceci:
"A côté de moi,Farouk,c'est Bambi."p110.

Tout le chapitre consacré à Laurent,28 juin est un régal... Non sans évoquer cette scène-culte de American beauty où Kevin Spacey déverse lentement sa soupe sur la belle nappe devant le regard médusé de sa famille 😂😂😂
p167 à 174.

dimanche 2 août 2020

Il est des hommes qui se perdront toujours de Rebecca LIGHIERI

LIVRE

Le dernier roman de Rebecca Lighieri est terrible...terrifiant.
Quel réalisme pour décrire une enfance saccagée,des enfants brutalisés par un père immonde,"no limits"...et une mère passive!!!
C'est effrayant,par moments insoutenable...
Mais ce récit du frère aîné Karel est soutenu par une écriture si juste,si incisive,naturelle aussi qu'on ne lâche pas le livre.
C'est du Zola/fin 20ème siècle dans la cité de Marseille,ses quartiers improbables,ses dealers,ses camps de gitans,ses groupes de rap dont IAM...,son club de foot aussi qui nous vaut cette scène incroyable de la victoire de l'OM en Champions'League,ce 26 Mai 1993 pendant que sur la colline de Marseille,Karel fait l'amour pour la première fois au son des cris et applaudissements des spectateurs (p75 à 79).
On pensait que tout avait été dit,écrit sur l'enfance martyrisée,mais non,l'écrivaine y ajoute sa marque bien personnelle en entrant dans les pensées de Karel:sa perception,sa culpabilité de ne pas avoir pu/su empêcher ces violences répétées subies surtout par le petit frère,fragile dès sa naissance et considéré comme débile par le père.
Et cette impossibilité de s'en sortir,de vaincre ses démons,de se défaire d'une violence qu'il ressent comme génétique...
Déterminisme social,familial?...Revoilà ce thème au coeur de l'oeuvre du grand Zola.
Ce livre est un cri,un cri de souffrance