mercredi 4 décembre 2019

ORDESA de Manuel VILAS

LIVRE***

Ce livre de l'écrivain espagnol,MANUEL VILAS a été désigné Meilleur livre de l'année par les grands quotidiens El País et El Mundo.
Amplement mérité. 

Dès les premières pages de ce récit,l'écrivain nous emmène dans son univers personnel,intérieur.
Il donne accès à sa personne,à sa vie présente et passée et surtout au lien si fort qui le relie à ses parents maintenant morts (pas décédés,il n'aime pas ce terme),l'occasion d'évoquer tant et tant de souvenirs tels l'auto,la Seat 600 à laquelle son père était si attaché,une terrible dispute un soir de Noël,le mariage de ses parents,un1er janvier 1960,l'hôtel où la famille séjournait dans la station de skis,souvenirs accompagnés parfois de photos noir et blanc.
Le lecteur perçoit une forte charge émotionnelle.L'écrivain voudrait en savoir plus sur tel et tel fait,événement,comprendre le sens de leurs actes,de leurs choix mineurs ou pas...
mais bien sûr ses parents sont partis avec leur histoire,leur vérité,leurs secrets,ils ne sont plus là pour répondre à des questions obsédantes.
Il soulève un voile délicat sur cette enfance en Aragon (il a grandi dans cette région du Nord de l'Espagne,pas très éloignée des Pyrénées),mais surtout sur la vie de ses parents,sur ce mystère de l'autre qui maintenant n'est plus là pour expliquer,témoigner...
Terrible absence,insoutenable absence qui en fait un vrai naufragé de la vie.

D'ailleurs,l'écriture semble parfois somnambulique,sous Prozac,affolée même...mais aussi tellement humaine,si ancrée dans les détails du réel qu'elle renvoie chacun à des questions,des émotions insoupçonnées.
Il invite à poser les questions tant que les parents sont là!!!
Il évoque cela,p 128 où il s'interroge sur la raison de la destination de leur voyage de noces,en plein hiver: Lourdes.
Pourquoi Lourdes? et pas Madrid ou Barcelone,plus proches...
Question dont il n'aura jamais la réponse.
"Pourquoi ne les ai-je pas interrogés quand j'en avais le loisir sur les raisons qui les ont poussés à aller dans cette ville[...]La réponse est évidente:je n'ai pas posé la question quand je le pouvais en remettant cela à plus tard,comme s'ils allaient toujours être là.
.... si tu dois interroger quelqu'un sur tel ou tel sujet,il faut le faire tout de suite.

N'attends pas demain,car le lendemain appartient aux morts"*****


Ailleurs,il évoque sa mère: 
"Il y a longtemps que personne ne m'a demandé des nouvelles de ma mère.
 Je n'entends plus son nom dit à voix haute. 
Je n'entends plus sa voix. 
Je ne me rappelle plus sa voix. 
Si je la réentendais, je me mettrais peut-être à croire à la beauté du monde."p268.

Et encore ceci qui illustre bien le sujet du livre:
"Le passé,ce sont des meubles,des couloirs,des maisons,des appartements,des cuisines,des lits,des tapis,des chemises.
Chemises que les morts ont portées.Et des après-midi.Le passé,ce sont les après-midi,en particulier ceux du dimanche où se produit une suspension de l'activité humaine...",p225.

Et plus haut,l'écrivain écrit suite à une visite de ses deux fils:
"...un déjeuner du dimanche avec Bra et Vivaldi me conduit à vouloir savoir quels souvenirs mes fils en auront dans trente ans.
Ce repas me laisse entrevoir les mystères du présent ...Quels souvenirs auront-ils des déjeuners dominicaux quand je serai mort et devenu un horizon lointain?",p225. 
 
 

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