samedi 17 octobre 2020

HISTOIRES DE LA NUIT de Laurent MAUVIGNIER

LIVRE

Ce roman est terrible,oppressant.Les mots,les phrases font aussi peur que des images au cinéma.L'effet de cette écriture est incroyable.En effet,elle tient du Nouveau roman,de ses choix esthétiques,mais elle elle est habitée par une densité émotionnelle rarement atteinte.Un cas d'école,vraiment.


C'est une sorte de huis clos campagnard qui réunit une famille et la voisine,un soir d'anniversaire ....la fête quoi...c'est sans compter l'arrivée d'invités surprises qui mélangent agressivité et ton mielleux.
Ce sont 3 frères qui veulent en découdre.
Pourquoi ? On le découvre au cours de ces 600 pages qu'on lit avec effroi.

Impossible de lire le soir
Mais ce style élaboré:longues phrases, monologues intérieurs, projection vers l'après...
est magnifique.

Quel art de décrire l'énorme charge émotionnelle de la frustration, du ressentiment que vit un des intrus quand il comprend que Marion le méprise, qu'elle ne reviendra jamais. L'orgueil du mâle blessé,c'est une bombe humaine. La description de la petite fille,accroupie contre le mur de la salle de bain,tétanisée, entendant les bribes d'une conversation dont le sens lui échappe complètement.p574. "Comme un rideau déchiré "!!! L'écrivain étire les phrases à n'en plus finir il s'attarde,ralentit infiniment chaque geste,chaque sensation... Juste incroyable.Soulignons que la structure du roman est fidèle à la "Règle des 3 unités" (Lieu/Temps/Action),caractéristique notamment de la tragédie racinienne:même lieu,quelques heures pendant lesquelles une intrigue resserrée se noue,se déploie et s'achève.C'est ça.

Pourquoi ce roman n'a-t-il pas été retenu au Goncourt ???
Inexplicable mystère ???

Quelques extraits:

"Ça non,Patrice n'y pense pas.Il s'assied tous les soirs,à l'heure du repas,dans la cuisine de son enfance,et,même entièrement refaite,on n'y peut rien,rien ne change dans le secret du temps,il ne suffit pas de rénover,retaper,cacher sous la peinture et la modernité,il y a toujours qui affleurent,des relents d'une époque qu'on voudrait oublier..."p83.

Sur la peur:"...Elle a réussi à maîtriser cette frousse qu'elle avait plus redoutée qu'un danger réel,oui,car au moment d'entrer dans la salle de réunion il lui avait fallu dominer la peur qu'elle avait eue de succomber à sa peur,car elle avait craint de se laisser submerger par elle,de se laisser paralyser par elle,d'être empêchée par elle au point de ne pas savoir répondre quand on commencerait à la mettre sur la brèche,sur le gril..."p270.

"Marion et Patrice,eux, rechignent à lever leur verre qui pèse une tonne de haine et de colère...."p448.




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