jeudi 11 mars 2021

LËD de Caryl FÉREY


LIVRE

Gros coup de coeur pour ce polar sombre et haletant qui se déroule dans l'univers implacable et glaçant de la Sibérie.L'action se déroule à Norilsk,la ville la plus septentrionale du monde,la plus froide et la plus polluée aussi.Sous Staline,Norillag*** était un camp du Goulag où les Zeks extrayaient de nombreuses ressources minières dont le nickel...Des milliers de prisonniers y trouvèrent la mort avant le soulèvement qui suivit la mort de Staline.C'est ce lieu que Caryl Férey a choisi pour situer une enquête menée par Boris,un flic bourru certes,mais déterminé.Il ne lâchera rien. 

Une première victime est retrouvée au lendemain d'une nuit glaciale (genre - 47degrés!!!)...Il s'agit d'un Nenets,membre d'une tribu nomade qui élève des rennes.Que venait-il faire en ville?Pourquoi  tuer un éleveur de rennes?Qui a pris cette photo révélant son identité? Et quels sont les liens entre lui et Valentina,une blogueuse qui dénonce les dérives écologiques sur son Blog?Est-elle aussi menacée?Toutes ces questions rythment une enquête hasardeuse,chaotique,d'autant plus que les chefs ne sont pas très soutenants,c'est le moins qu'on puisse dire...Ils seraient assez pour classer l'affaire sans suite,comme on dit.Mais très vite,Gleb,un photographe s'avère l'auteur de la photo,lui qui travaille à la mine et doit cacher son homosexualité,si mal vue en Russie...et son amour secret pour Nikita,un poète.L'histoire est lancée.De nombreux personnages,hommes et femmes interviennent,tous et toutes plus attachants les uns que les autres...notamment,la légiste Lena qui partage avec Boris des données essentielles,bien sûr.

On sent tout au long de ce livre un vrai attachement de l'écrivain pour la Russie,pour l'âme russe,pour ses habitants d'une cité si loin de tout,où chacun peut se sentir en exil de soi-même.Il s'est imprégné de la culture russe,de la langue russe (il nous distille des termes typiques:la dolia (p93 et 515...),priviet,les gostinka...) L'écriture est remarquable:sèche et efficace,notamment le chapitre d'ouverture qui est juste hallucinant.LËD (prononcé Liod) signifie glace,glaçon en russe.On découvre aussi que plusieurs thèmes lui tiennent à coeur et traversent ce récit.

*La recherche de ses origines à travers la figure féminine de Dasha qui découvre que sa grand-mère aurait été une zek dans le camp de Norillag.

*Un intérêt écologique:la pollution des sols liée au gisement minier,les pluies rouges appelées aussi "pluies de sang"...le réchauffement du permafrost (p212)...etc

*La corruption généralisée dans cette région,... à tous les niveaux.

Un extrait pour illustrer l'écriture:

"Glabre sous son bonnet de laine,le regard passé à l'eau de Javel du cosmonaute jamais remis de la descente,le concierge guettait dans son réduit,un igloo où il tapait des pieds pour éviter de s'engourdir..."p130.

_______________________________________________

On se souviendra de ZULU sorti en 2008,polar sur fond d'apartheid qui avait valu à l'écrivain de nombreux prix...et une vraie reconnaissance.

***Pour en savoir plus sur  Norillag***,voici un lien:



Nadine d'Arian

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire