lundi 20 février 2023

GUERRE ET TÉRÉBENTHINE de Stefan Hertmans



 LIVRE

C'est le troisième livre de l'écrivain belge néerlandophone que je lis et aussi le plus ancien.En effet,il a été traduit en 2015 en français et en 15 langues,d'où une reconnaissance internationale,amplement méritée.

Quel livre!quelle écriture!quelle plongée dans l'horreur de la guerre 14-18 par le biais des écrits de son grand-père,écrits que S.Hertmans a passé 4 ans à retravailler pour nous partager cet incroyable récit.Ce grand-père est une sacrée figure, non seulement l'homme,le fils,le mari...mais surtout le soldat qu'il a été,capitaine admiré de ses troupes,représentant ces valeurs de l'honneur,du dévouement,du sacrifice.Toujours prêt à partir pour une mission dangereuse,pas d'hésitation chez lui;il y va au péril de sa vie et revient 3 fois blessé au front.Un héros donc récompensé par plusieurs décorations et croix honorifiques.Le récit de ces combats d'août 1914,notamment "le cauchemar de Schiplaken",p231....est terrifiant.L'écrivain parvient à nous faire ressentir la peur,la puanteur,le manque de nourriture,l'abandon ressenti par ces jeunes hommes livrés aux tirs nourris de l'ennemi...On s'enfonce dans la boue avec eux,on est au feu,on crève de froid,de faim,de peur,on sent la mort ...L'écrivain a l'art de nous plonger dans le concret de ces faits de guerre et les mots sont autant de fenêtres visuelles,sensorielles...Ce n'est pas un film et pourtant l'impression de vivre en 3D est intense.

Mais ce grand-père,Urbain Martien,était aussi un artiste qui avait appris à peindre aux côtés de son père,très doué pour les fresques,notamment celles qu'il exécuta dans un petit monastère de Liverpool.Ce passage où Urbain retrouve ce monastère de Liverpool lors d'une revalidation est un sommet d'émotion:il découvre le visage de son père dans celui de St François et son propre visage dans les traits du fils peint,p283.

Plusieurs photos illustrent les propos,parfois des lieux,des objets ou les tableaux peints par le grand-père.Deux œuvres d'art célèbres sont évoqueés:un "Saint Martin et le mendiant" de Van Dyck,p387... et surtout la "Venus au miroir" de Velasquez à la National Gallery de Londres que l'écrivain visite avec son fils en 2012,p53.Coïncidence troublante:son grand-père en a réalisé une copie qui est en lien avec son grand amour,ce qui nous est révélé à la fin de l'histoire,car S.Hertmans sait vraiment construire un récit,ce qui participe à son talent.Pour moi,l'un des plus beaux passages sur ce grand-père:

"Passion secrète,doctrine secrète qui ne nous apprend rien.Fidèle à ce qui n'était pas,mais qui déterminait tout,donnait forme,accordait une signification secrète.Le plus important,il ne pouvait le partager avec les autres.Alors il peignait des arbres,des nuages,des paons,la plage d'Ostende,une basse-cour et des natures mortes sur des tables à moitié débarrassées,un immense travail de deuil,silencieux,dévoué pour apaiser les pleurs du monde jusque dans les choses les plus quotidiennes."p386.

Voici 2 photos et un lien vers un entretien littéraire de 55 minutes avec l'écrivain qui date de 2018:

ttps://www.youtube.com/watch?v=e2q22BBWKdE&ab_channel=ComédieDuLivre



 



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