LIVRE
Un vrai OVNI LITTÉRAIRE,cette histoire de Bambi.J'ai failli arrêter ma lecture après les premiers chapitres à cause de ce langage,langage des banlieues,langage des jeunes/Verlan...qui émaille les dialogues entre Bambi et ses copines.Puis,j'ai repris et je m'en félicite:les chapitres narratifs,descriptifs sont d'une qualité exceptionnelle.Notamment,le chapitre SIX où Bambi fait une déposition au commissariat...et le chapitre VINGT-TROIS où elle tombe sur un homme entre deux âges,si peu ragoûtant.Voici comment elle le décrit:
" ...Gueule consumée, peau mal rasée comme barbouillée de cendres, des joues qui pendent. Il sent l’alcool. Paumé dans un endroit pas pour lui, il a vraiment tout du pauvre type. Des fringues façon classique, mais classique cheap. Sans son haleine avinée qui couvre tout, il sentirait l’usure, le râpé, le fond de tiroir et la friperie. Il a l’âge des porcs en crise.
Bambi trouve que c’est une pitié, ce vicieux précaire qui, dans un monde idéal, aurait des thunes pour raquer des restos stylés à de jolies loutes trop jeunes comme elle. D’avance, elle sait qu’il n’y aura pas de resto, tout au plus paiera-t-il sa coupe, et ce n’est même pas sûr..."p142
Mais qui est Bambi? Bambi,c'est une héroïne de pacotille,gros mots,mais coeur de beurre.On sent dès le début qu'il ne va lui arriver que des mauvais coups,qu'elle ne tiendra pas sur la longueur,que tôt ou tard,elle s'effondrera comme une petite chose molle et désarticulée.Entourée de copines plus ou moins foireuses,plus ou moins fiables aussi,elle guette les bons plans,elle planifie et agit:il s'agit de "se faire" des types qu'elle harponnent sur la toile,aguichent et plument un max.Enfin...,ça,c'est la théorie,car la réalité est parfois tout autre:renversement de situations,imprévus qui bouleversent les plans...etc
Telle est prise qui croyait prendre.Peu importe,c'est plus fort qu'elle.L'adrénaline de l'appât,de l'exécution est irrésistible.Trop gai d'humilier ces minables,de leur extorquer des "thunes",des bijoux,des montres...Trop gai de se sentir forte,supérieure,d'imposer sa loi.Elle a 16 ans,Bambi.Elle n'a pas eu d'enfance.Au fond d'elle-même,elle est restée la fille à sa maman,une maman déficiente,alcoolique qui n'est même pas là pour son seizième anniversaire.Maman souvent maltraitée par ses hommes improbables...et le dernier en date que maman appelle Nounours.Tout est dit.
Donc,un style remarquable*** pour porter une histoire brillante.Un exemple:"...Elle se cogne le front au mur pour sortir la douleur,faire sortir de son corps la mollesse.Se cogne le front,pour en finir avec sa tête.Se cogne pour en finir avec cette vieille conne qui l'abandonne (sa mère...),ça fait de gros bruits creux,...Elle titube,la porte ne s'ouvre pas...Elle prend en main le Sig Sauer.Marche dans le living,pareille qu'un animal errant et traqué,et c'est comme ça qu'on meurt,elle pense.Comme si on en mourait.Comme si on mourait de mourir..."p105.
Cette auteure belge,à 45 ans,a déjà 5 romans à son actif.Chapeau.Voici sa biographie:
" Caroline De Mulder naît à Gand en 1976. Élevée en néerlandais par ses parents, elle alterne ensuite des études en français et en néerlandais : primaires à Mouscron, secondaires à Courtrai, philologie romane à Namur, puis à Gand et à Paris VII - Diderot et enfin une thèse, sur le poète Leconte de Lisle, à Gand. L'auteur, qui aime dire avoir deux langues maternelles, a donc appris à parler en néerlandais et à lire en français. À l'UNamur, elle est membre du Groupe de recherche en littérature générale et comparée." Wikipedia.
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