lundi 16 janvier 2023

LA VIE CLANDESTINE de Monica Sabolo


 LIVRE

A un moment compliqué de sa vie personnelle,la romancière tombe sur des articles/Paris Match et autres qui évoquent les agissements du groupe terroriste "Action directe" dans les années 80,elle s'y intéresse.Commence alors une sorte de quête/enquête sur les faits,les protagonistes de ce mouvement,en particulier deux femmes dont elle sonde les motivations.Elle retrouvera leurs coordonnées,adresses,téléphone et les contactera.Elle recoupe alors leur trajectoire avec des faits plus intimes de son histoire personnelle.

C'est cet entremêlement de deux histoires,l'une publique,l'autre privée qu'elle réussit très bien,car les fils ténus qu'elle tire se rejoignent,lui permettant de répondre à certaines questions et de comprendre ce qu'elle a si longtemps tenu caché,secret...sous la surface.   Elle avance dans cette compréhension d'elle-même par petites touches,à pas lents,"step by step".On sent que la voie du pardon,de la réconciliation avec elle-même s'est ouverte.Elle est apaisée.Ce roman est terriblement attachant.

L'écriture de Monica Sabolo doit être saluée,écriture à la fois fine,sensible et percutante.Voici quelques extraits: 

 "Jai lu quelque part que le souvenir n'est pas le souvenir de l'instant T où l'évènement a eu lieu, mais le souvenir de la dernière fois où le souvenir a surgi. Nos souvenirs sont des souvenirs de souvenirs de souvenirs."p35***

 "Il arrive que l'univers nous envoie des signes. Nous pressentons que celui-ci veut nous dire quelque chose, mais le message est brouillé. Nous sommes aux aguets, en proie à une culpabilité inquiète, et nous ne comprenons pas l'essentiel : ce n'est pas l'univers qui s'adresse à nous, mais une part mystérieuse de nous-mêmes qui s'adresse à lui. Il ne nous interpelle pas, il nous répond." p15

sur la notion de dissociation en psychologie:p211.

"...Alors que ma mère et mon frère me croient plongée dans le récit d'un groupe terroriste des années 80,je confectionne un engin sophistiqué,composé de papier,de nitro-glycérine et d'une mèche à combustion lente,qui finira par tout faire sauter."p164

  ... "Je viens d’un lieu de ténèbres. Un lieu auquel j’ai essayé d’échapper durant mon existence entière, mais où je me rends simplement en fermant les yeux. Il est creusé dans la roche, c’est une galerie froide que j’arpente dans l’obscurité. Les parois suintent une matière visqueuse qui me recouvre, moi aussi. C’est une prison familière, dans laquelle je marche sans jamais voir le jour, et qui se déploie sous la surface de la terre, à la façon d’un réseau de spéléologie, ou de catacombes. Et même si je réussis parfois à m’évader, que j’ai quelquefois muré son entrée, croyant la rendre impraticable pour toujours, même si je flotte sans relâche pour nettoyer ma peau, la vérité est que je retourne là-bas, encore et encore, aimantée par une force invisible.L’attraction de ce lieu est celle, dissimulée, fourbe, qui m’a conduite à écrire ce livre, celle qui m’a emmenée jusqu’ici, auprès de ces êtres qui se promènent aux aussi dans les souterrains du monde. Mais je sais désormais que ce lieu n’est pas le mien."p302

"L’histoire appartient aux êtres qui parlent fort, effaçant ceux dont la parole est plus modeste ou plus fragile. Ceux qui doutent, craignent de blesser ou de trahir, ceux qui n’ont pas les mots, ceux qui ne savent pas. Ceux qui ont des regrets, des remords, ceux qui se sentent coupables et qu’on n’entend pas. Ce sont eux que je cherche, parce qu’ils me ressemblent."

  

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