lundi 25 novembre 2019

GLAISE de Franck Bouysse de 2017

LIVRE***
Quelle écriture,quelle puissance d'évocation dans ce roman!!!
Il y a du Zola là-dedans,mais aussi du Giono,du Bosco.
Monde de la ferme,de la campagne avec ses travaux saisonniers,ses exigences,ses êtres rustres et forts,son isolement aussi...
Nous sommes à l'été 1914,les hommes sont enrôlés,les chevaux aussi et c'est la débrouille qui commence pour la famille de Victor qui laisse derrière lui sa mère,sa femme et Joseph,fils de 15 ans.
Ajoutez-y des voisins peu aimables,voire haineux et envieux...et une nièce,Anna,belle comme un coeur...Voilà le décor planté,théâtre de passions fortes,violentes,destructrices.
Bref,une histoire d'Amour et de Mort,terreau de tous les grandes oeuvres littéraires.

Immense talent de cet écrivain originaire du Cantal,pays de montagnes.
Certains passages sont des bijoux de style,notamment une scène d'anthologie avec l'irruption d'un chien dans une église et la réaction du prêtre officiant,p112 à 116.

Et aussi ce dernier repas avant le départ de Victor pour le front.Voici.
"La journée passa.Ils dînèrent,échangeant à peine quelques regards pendant le repas déviant aussitôt leur course de peur[...]
Ils mâchaient fort et faisaient semblant que chaque geste requît toute la concentration dont ils disposaient,afin qu'il n'y eût d'espace pour rien d'autre que le transport des aliments vers leur bouche et l'action de leurs bruyantes mâchoires."p27.
C'est comme si on y était... à ce repas.

Et aussi les instants où la mère sent que sa vie s'en va: 
"Marie ne quittait plus guère son lit.Le dos collé à un oreiller garni de duvet d'oie,elle visitait sa mémoire en approchant du gouffre."p 144
C'est magnifique.

dimanche 10 novembre 2019

Par les routes de Sylvain Prudhomme

LIVRE

J'avais hâte d'ouvrir un roman dont la figure centrale est un "autostoppeur".
J'ai moi-même abondamment pratiqué ce moyen de déplacement,quand j'étais étudiante,mais aussi lors de voyages,voire même dans ma propre ville.
C'est facile,ça ne requiert rien de particulier,ça demande juste une certaine dose de patience.Confiance aussi qu'à un certain moment,vous allez être embarqué vers votre destination.
Bref,lecture tentante et prometteuse.
Et en effet,l'autostoppeur,ami de longue date du narrateur,Sacha est un passionné de ce "sport".
Ce sont les rencontres qui l'intéressent,les échanges qui ont lieu dans l'habitacle,l'histoire de ces conducteurs (parfois aussi conductrices) avec qui on partage de façon éphémère un vécu,une vérité ou rien...On peut aussi se taire ensemble,bien que ce soit plus rare.
C'est l'humain qui le transporte,dans tous les sens!!!
De retour de ses frasques,de ses expéditions,il partage avec Sacha et les siens les moments sublimes,pathétiques ou ordinaires qu'il a vécus (joli chapitre 13 où les phrases commencent par "Est-ce que je t'ai raconté"...?)
Il leur montre des photos aussi en les commentant abondamment...
Extrait:
"Il aimait les autoroutes. La glissade des autoroutes. L'impossibilité de faire marche arrière. Sur l'autoroute on ne se retourne jamais, il disait. 
Pas de place pour le repentir. On s'arrête le temps de franchir un péage, de refaire le plein. Et on repart. Marche avant, toujours. On avale l'espace.On le vainc. On le mange. Arrivée prévue dans 5 heures et 7 minutes...
Ce n'est plus de l'espace. C'est du temps. Une pure quantité de temps qu'on regarde fondre. Il y a ceux qui se tiennent au bord du fleuve, il répétait. Et il y a ceux qui sont le fleuve. Il soutenait que c'était la petite ferme située de l'autre côté de la rambarde qui ratait la France, certainement pas lui."p108. 

L'écriture est naturelle,déliée,simple...mais ces qualités suffisent-elles à maintenir l'intérêt du lecteur?...Pas sûr.
Au fur et à mesure de la lecture,les rebondissements mineurs (cartes envoyées,coups de tél surprise) et quelques soubresauts narratifs ne parviennent pas à effacer un rythme assez répétitif:ce sont les mêmes départs,les mêmes retours de l'autostoppeur,à force,ils deviennent lassants.La monotonie s'installe et on ne regrette pas de refermer un roman qui n'a pas tenu toutes ses promesses.