jeudi 19 décembre 2019

La Cordillera de Los Suenos de Patricio Guzmán

FILM***

"Oeil d'Or" du festival de Cannes 2019.
Meilleur film documentaire.
L'Oeil d'or est au documentaire ce que la Palme d'Or est au film de fiction.
Très beau film/documentaire à la fois poétique et politique...
Images sublimes de la Cordillère des Andes et en même temps, extraits d'images de l'époque de la dictature de Pinochet,1973: répression sauvage, attestations arbitraires etc ...
Comme un chant mélancolique ...et assez désespéré d'un chilien,Patricio Guzmán,
pour son pays.
Le CHILI qui est si meurtri, dépossédé de ses biens,victime d'un libéralisme outrancier.
Voici le trailer où l'on entend cette voix qui s'exprime dans cette belle langue espagnole:


http://www.allocine.fr/…/player_gen_cmedia=19585442&cfilm=2…





mercredi 4 décembre 2019

THE IRISHMAN de Martin SCORSESE

FILM

Martin Scorsese s'est offert le luxe d'étirer son propos sur 3h39,temps de la confession d'un des témoins/acteurs de la mafia italienne aux USA.
C'est la voix off de Franck Sheeran/De Niro qui nous raconte cet univers de violences,de pactes,de trahisons...et aussi de meurtres indissociables du milieu.
Et le spectateur assiste,sans ennui,à cet enchaînement d'intrigues...
C'est toute une vie qui passe sous nos yeux jusqu'à l'extrême vieillesse où le héros en maison de retraite semble n'éprouver aucun regret.
La figure impassible,taciturne, inquiète aussi de l'acteur est à elle seule un must.
Quel acteur!!! 🎉... qui garde toute sa puissance d'expression 👏... sans éclipser le jeu d'Al  Pacino et ...surtout celui de Joe Pesci,ancien comparse des films de Martin Scorsese.
Film crépusculaire, sûrement,vu le
souffle mélancolique de cette oeuvre, de ce temps qui passe et dont il ne reste rien sinon des souvenirs. 
Mais aussi film qui étonne par sa vigueur et sa mise en scène impeccable.
Un bémol quand même,certains dialogues s'éternisent inutilement...entre celui qui veut à tout prix avoir raison, pendant que l'autre ne veut rien entendre 😂.


C'est comme une apothéose de tous les films de gangsters que le réalisateur a tournés. 
Il en rêvait depuis des années et après avoir essuyé les refus des producteurs d'Hollywood (pendant 9 années),il présenta son projet à Netflix qui accepta de financer le film: 169 millions de dollars!!!  
On peut saluer la persévérance,la ténacité de ce réalisateur qui nous enchante depuis longtemps.

ORDESA de Manuel VILAS

LIVRE***

Ce livre de l'écrivain espagnol,MANUEL VILAS a été désigné Meilleur livre de l'année par les grands quotidiens El País et El Mundo.
Amplement mérité. 

Dès les premières pages de ce récit,l'écrivain nous emmène dans son univers personnel,intérieur.
Il donne accès à sa personne,à sa vie présente et passée et surtout au lien si fort qui le relie à ses parents maintenant morts (pas décédés,il n'aime pas ce terme),l'occasion d'évoquer tant et tant de souvenirs tels l'auto,la Seat 600 à laquelle son père était si attaché,une terrible dispute un soir de Noël,le mariage de ses parents,un1er janvier 1960,l'hôtel où la famille séjournait dans la station de skis,souvenirs accompagnés parfois de photos noir et blanc.
Le lecteur perçoit une forte charge émotionnelle.L'écrivain voudrait en savoir plus sur tel et tel fait,événement,comprendre le sens de leurs actes,de leurs choix mineurs ou pas...
mais bien sûr ses parents sont partis avec leur histoire,leur vérité,leurs secrets,ils ne sont plus là pour répondre à des questions obsédantes.
Il soulève un voile délicat sur cette enfance en Aragon (il a grandi dans cette région du Nord de l'Espagne,pas très éloignée des Pyrénées),mais surtout sur la vie de ses parents,sur ce mystère de l'autre qui maintenant n'est plus là pour expliquer,témoigner...
Terrible absence,insoutenable absence qui en fait un vrai naufragé de la vie.

D'ailleurs,l'écriture semble parfois somnambulique,sous Prozac,affolée même...mais aussi tellement humaine,si ancrée dans les détails du réel qu'elle renvoie chacun à des questions,des émotions insoupçonnées.
Il invite à poser les questions tant que les parents sont là!!!
Il évoque cela,p 128 où il s'interroge sur la raison de la destination de leur voyage de noces,en plein hiver: Lourdes.
Pourquoi Lourdes? et pas Madrid ou Barcelone,plus proches...
Question dont il n'aura jamais la réponse.
"Pourquoi ne les ai-je pas interrogés quand j'en avais le loisir sur les raisons qui les ont poussés à aller dans cette ville[...]La réponse est évidente:je n'ai pas posé la question quand je le pouvais en remettant cela à plus tard,comme s'ils allaient toujours être là.
.... si tu dois interroger quelqu'un sur tel ou tel sujet,il faut le faire tout de suite.

N'attends pas demain,car le lendemain appartient aux morts"*****


Ailleurs,il évoque sa mère: 
"Il y a longtemps que personne ne m'a demandé des nouvelles de ma mère.
 Je n'entends plus son nom dit à voix haute. 
Je n'entends plus sa voix. 
Je ne me rappelle plus sa voix. 
Si je la réentendais, je me mettrais peut-être à croire à la beauté du monde."p268.

Et encore ceci qui illustre bien le sujet du livre:
"Le passé,ce sont des meubles,des couloirs,des maisons,des appartements,des cuisines,des lits,des tapis,des chemises.
Chemises que les morts ont portées.Et des après-midi.Le passé,ce sont les après-midi,en particulier ceux du dimanche où se produit une suspension de l'activité humaine...",p225.

Et plus haut,l'écrivain écrit suite à une visite de ses deux fils:
"...un déjeuner du dimanche avec Bra et Vivaldi me conduit à vouloir savoir quels souvenirs mes fils en auront dans trente ans.
Ce repas me laisse entrevoir les mystères du présent ...Quels souvenirs auront-ils des déjeuners dominicaux quand je serai mort et devenu un horizon lointain?",p225. 
 
 

lundi 2 décembre 2019

NÉ D'AUCUNE FEMME de Franck BOUYSSE

LIVRE***

Quel roman!!!
Quelle écriture et quelle humanité!!!

Après "GLAISE",j'ai lu ce livre sorti en 2019.Un émerveillement.
Pour illustrer le sujet de la détresse de l'adolescence,de l'abus,de l'abandon des victimes,l'écrivain a choisi ROSE,jeune adolescente,vendue par son père à un riche châtelain.La voici comme emmurée vivante dans un château isolé entouré d'une forêt,loin de tout,loin des siens,car Rose est l'aînée de 4 soeurs et on suit dans le roman le vécu des soeurs,de la mère surtout et du père rongé par la culpabilité de son geste.
Son destin,sa vie,ses tourments,son combat nous sont rapportés dans les cahiers de Rose retrouvés près de son corps.
Écrits dans une langue simple,familière sans apprêts et en même temps si intense,si touchante.On peut y ajouter la polyphonie,car les témoins,acteurs,actrices du récit expriment leur point de vue à plusieurs reprises.L'époque où se situent les faits reste indéterminée.

On est submergé par l'émotion en lisant cette histoire terrible,implacable.
Le Mal à l'oeuvre dans toute sa bassesse,sa lâcheté,son cynisme absolu.
Une lecture qui marque...fort. 
 Un extrait pour illustrer: 
"Seul le passé nous travaille le corps. Il finit toujours par remonter à la surface, comme un bouchon de liège privé de lest. 
Les légendes qui l'encombrent sont le fruit de grandes passions, de grands rêves et d'incommensurables souffrances; tout cela et rien de plus que cela. Les légendes elles vieillissent , se délitent avec nous, se recomposent avec d'autres, à l'infini"