LA LECTRICE DISPARUE de Sigridur Hagalin Björnsdottir

 

LIVRE

L'auteure islandaise nous avait régalés avec son roman "L'île"* en 2018.Elle propose aujourd'hui une histoire à nouveau très originale où l'on tire plusieurs fils et traverse plusieurs époques aussi.Le passé où deux femmes par les circonstances de la vie vont élever ensemble leurs enfants:un garçon,Einar, et une fille,Edda.Deux êtres fortement unis,soudés donc...avec un mystère qui plane sur un séjour qu'Einar a vécu près de son père aux Caraïbes quand il était ado.Récemment,Edda devenue mère disparaît.Incompréhensible?...un vrai coup de tonnerre.Interpol révèle qu'elle est à New York.Il s'agit alors pour Einar de la retrouver.Ça,c'est le présent.

C'est donc un récit complexe où l'on découvre plusieurs personnages à des moments différents de leur existence.Sans trop "spoiler",disons qu'Edda petite souffrait non pas de dyslexie,mais de l'inverse:l'hyperlexie,sorte d'impossibilité à oublier les textes lus.Cet encombrement du cerveau se révèle un vrai handicap,non seulement linguistique,mais aussi social et affectif.Edda est devenue une adolescente solitaire,incapable de nouer des relations amicales satisfaisantes.Est-elle allée chercher une solution à New York?Dans un groupe du Web qui propose pas moins qu'une intervention dans le cerveau pour libérer des souvenirs oppressants et donner accès à d'autres champs de la conscience.Edda se sentirait enfin "normale",moins solitaire,mais à quel prix?Einar  va-t-il la retrouver?Va-t-il soutenir ce projet assez risqué? En tout cas,ces deux êtres sont si soudés,si confiants l'un dans l'autre que c'en est bluffant.

Le thème de la lecture,de l'écriture qui était l'objet d'un débat dans le "Phèdre" de Platon ( Supériorité du discours écrit sur le discours oral? ...ou pas?) est au coeur du roman.Il est l'objet de réflexions et de conversations passionnantes,notamment entre les deux personnages principaux qui s'expriment aussi par lettres. 

*L'ile,roman de 2018:                                                                   https://parlonscinebouquins.blogspot.com/2018/09/lile-de-sigridur-hagalin-bjornsdottir.html          

 

NOMADLAND de Chloé Zhao

 FILM

Film très contemplatif...trop peut-être?

Très intériorisé qui nous raconte l'errance d'une sexagénaire devenue veuve et trouvant de petits emplois saisonniers...

Une solitude choisie, assumée,revendiquée même dont l'héroïne a accepté de payer le prix.

L'immense talent de cette actrice,Frances Mc Dormand suffit-il à apprécier ce film?

Pas sûr.

Son visage et sa palette infinie d'expressions filmés à l'envi finissent par lasser...voire ennuyer.Son mutisme assez permanent limite fort la compréhension du spectateur qui doit tout deviner: son passé,ses choix,ses refus...Lors de multiples rencontres,elle écoute,mais reste spectatrice,comme à distance des autres et nous rend peu réceptifs au destin de cette femme si intérieure...,voire insensibles.Les échanges sont à sens unique et nous sommes complètement privés de son ressenti à elle.

Beaucoup de clichés ne nous sont pas épargnés comme embrasser un séquoia géant,observer des planètes au télescope,débouler à la fin du film sur le rivage de la mer.

Alala!!!

Bref...un film esthétiquement réussi avec des paysages sublimes,mais un film quelque peu misérabiliste... trop lisse.

 

Voici l'extrait d'une critique publiée sur 

 https://www.senscritique.com/film/Nomadland/critique/249603211

par Moizi:

..." C'est un film gentil, lisse, où il ne se passe pas grand chose, où les conversations inconséquentes s'étalent sur quasiment deux heures.Je ne suis pas certain de comprendre le projet. Parce qu'en fait à la fin du film si j'ai appris des choses sur le passé du personnage de Frances McDormand, je ne sais rien d'elle, de quelle femme elle est, j'ai eu cette désagréable impression de voir un avatar totalement creux qui fait ce qu'on lui dit de faire : là tu es triste, là tu t'amuses... Mais que tout ça était désincarné...Je ne suis pas du tout investi émotionnellement dans le film, aucune situation ne dure assez longtemps pour qu'on ressente quelque chose, pour que quelque chose se développe..."

Le bourreau de GAUDI de Aro Sainz de la Maza...2012

 LIVRE

Une petite visite dans Barcelone,c'est toujours appréciable.Surtout si on évoque les oeuvres du célèbre GAUDI: la Sagrada familia,la Pedrera,le parc Güell ..et autres casa,..Xifre,Battlo...etc.Sauf qu'il s'agit d'un polar et que les inspecteurs sont à la recherche d'un assassin qui met le feu à ses victimes en les exposant dans ces lieux marqués du sceau de Gaudi.Déjà 2 victimes,notables de la ville et on devine que d'autres suivront.Quels mobiles?Quel lien avec Gaudi?Pourquoi s'en prendre à des hommes publics?                         Il faut de toute urgence creuser le passé de ces hommes,découvrir d'éventuelles zones d'ombre...pour anticiper,prévenir et empêcher une suite macabre. 

L'inspecteur Milo Malart,un électron libre,assisté d'une jeune recrue ne ménage pas sa peine.Il voit ce que les services policiers n'ont pas vu:ce troublant G présent sur les scènes de crime.Il interroge un clochard présent lors de l'acte accompli en fin de nuit,il contacte des cercles de franc-maçonnerie et élabore un tracé géométrique de lieux susceptibles d'être choisis par ce "bourreau".C'est une course contre la montre.L'équipe découvrira une face cachée de Barcelone,celle des expropriations sauvages lors de l'expo de 1929 qui ont sacrifié une partie de la population aux nécessités touristiques ,celle de la corruption,et aussi de l'abus de pouvoir de certains dans des centres d'accueil.

La fin apportera une réponse à toutes les questions du lecteur.Le plus intéressant étant la participation du bourreau à la fabrication de certaines oeuvres de Gaudi.               MAIS...fallait-il ces presque 800 pages,faites de circonvolutions,d'une accumulation de détails,de tant d'états d'âme de l'inspecteur...ça en devient presque grotesque.Ce polar reste très lourd,laborieux. On attend la page 480 pour la 2ème victime!!! Et on songe à W.Shakespeare et son "Much ado about nothing"

J'ai lu une critique qui rejoint la mienne sur le site de Babelio.En voici un extrait:

"...D'accord pour dénoncer les liens presque pervers unissant les "grandes familles " de Barcelone, riches et intouchables.
D'accord pour ne pas occulter la corruption et les abus de pouvoir.
Mais c'est non pour ce personnage principal et sa collègue. Cet inspecteur, fou, Milo Malart, je n'y ai pas cru une seconde. Non à son instinct, non à sa fougue, ses humeurs, son "antenne ", ses intuitions et ses visions.                                                 C'est trop tout ! Pourtant, je suis habituée au flic en instance de divorce, qui ne supporte pas l'autorité ni le travail d'équipe.Mais qui ne boit pas. Ha voilà un élément surprenant!Cela aurait pu être sympathique. Mais c'est non. Un tel flic et une intrigue qui s'éternise et n'en finit plus c'est non.
Les 3 étoiles sont pour la belle Barcelone, personnage important et crédible.
(Et puis c'est quoi cette manie d'appeler la collègue "vilaine fille" tout le temps? Lourd cette expression...)"

MINDREADER ( en français:"Ils savent tout de vous",titre ridicule) de Iain LEVISON

 LIVRE

Une thématique bien particulière porte cette histoire,celle du don de lire les pensées des autres.Deux personnages qui au départ n'ont rien en commun se retrouvent embarqués dans une aventure incroyable.L'un,Denny est prisonnier,condamné à mort et l'autre est un flic du Michigan.Denny est extrait de sa prison car le FBI veut en savoir plus sur un noir qui veut être payé en liquide pour s'enfuir sans honorer le contrat... Denny trompe ses accompagnants et se casse.Il se retrouvera vite sur la route de Snowe,le flic repéré aussi pour les mêmes talents.Connaître les pensées de l'autre,repérer ses mensonges permet de se sortir de pas mal de situations embarrassantes.C'est ce que nous fait vivre le romancier américain avec cet humour léger qui caractérise ses romans.

C'est le 2ème roman que je lis de lui avec le même plaisir.

Je lirai aussi:"Pour services rendus" qui a comme toile de fond la guerre du Vietnam et les liens qu'il peut y avoir avec un passé militaire modifié au profit d'une campagne électorale où un sénateur,ancien sergent, a intérêt à présenter les faits à son avantage,ça promet!!!

 

 

 

 

 

 

 

Et enfin,le tout récent:"Un voisin trop discret" qui lui s'intéresse à deux snipers,soldats américains en Afghanistan et aux conditions de leur retour.Là aussi,il est question de mensonges,..."d'oublis" sur des documents militaires!!!

 

Sur les ossements des morts de Olga Tokarczuk

 LIVRE

Olga Tokarczuk est une romancière très célèbre dans son pays,la Pologne.Elle a déjà écrit plusieurs romans dont un lui a valu le Goncourt polonais:le prix Niké.

L'héroïne de ce roman,Janina,ingénieure des mines à la retraite,passionnée de nature et d'astrologie et aussi grande admiratrice du poète William Blake*** est une sacrée bonne femme.Elle vit seule,non loin de la forêt et des animaux qu'elle affectionne tant.

Un voisin est retrouvé mort chez lui,un voisin peu aimable et braconnier invétéré.D'autres morts surviennent au cours du récit,celle de chasseurs,..des morts inexpliquées,même si Janina a sa petite idée dont elle fait part aux autorités qui de leur côté la considèrent davantage comme une vieille folle que comme un témoin crédible.L'enquête policière tâtonne,n'aboutit à aucune piste sérieuse.Elle est pour la romancière l'occasion de dénoncer en filigrane la société polonaise et ses représentants corrompus.Le lecteur vit les événements à travers Janina dont la vie intérieure est immense,débordante:que de réflexions,de remarques,d'associations en tous genres! C'est merveilleux.On est emporté.Quelques amis précieux forment une garde rapprochée sur laquelle elle peut compter,notamment quand sa santé défaille.Son ami le plus cher,Dyzio passionné comme elle de Blake,traduit les poèmes du maître,mais se montre sceptique envers ses considérations astrologiques,p126...notamment le maître du signe de l'ascendant,déterminant pour appréhender le genre de mort que chacun rencontrera!!!

C'est donc un univers brillant,riche,peuplé d'animaux et de plantes qui s'offre à nous et Janina nous y emmène en nous prenant par la main et nous ne la lâchons plus.La narration en Je accentue la dimension personnelle et intérieure.

*** Cette citation de William Blake (qui n'est pas dans le récit):"La joie féconde,la douleur accouche".De quoi méditer toute une après-midi,...non?