lundi 19 décembre 2016

MORTELLES DÉCISIONS de Kathy REICHS

LIVRES                                           
                                             

C'est dans une émission littéraire que j'ai entendu le nom de cette anthropologue judiciaire américaine,professeur d'université et aussi auteur de plus d'une dizaine de romans policiers.
Elle a inspiré la série télévisée Bones ,elle en est la productrice.
L'héroïne récurrente de ses romans s'appelle Tempérance Brennan:tout un programme,ce prénom.Elle travaille en collaboration avec des enquêteurs judiciaires et livre son expertise sur des restes humains,des os de victimes... qu'elle analyse,compare et situe dans le temps,informations précieuses bien sûr pour affiner le contexte des meurtres.
A première vue,on pourrait croire que c'est assez macabre,voire sordide,mais en réalité,au-delà de ces autopsies méticuleuses,le docteur se trouve intimement mêlé aux enquêtes,on écoute son avis,elle se retrouve sur des scènes de crime où elle partage ses impressions,ses hypothèses...
Toute l'enquête avec ses ratés,ses rebondissements...  nous parvient à travers ce filtre un peu particulier.C'est passionnant, très ancré dans le réel et drôle aussi.L'écrivain a beaucoup d'humour,d'auto-dérision.Elle sait se ficher d'elle-même et n'a pas son pareil pour vous faire un portrait rédhibitoire d'un journaliste enquiquineur ou d'un enquêteur qui a pris la grosse tête!!!
Un exemple de ce style fleuri:(elle entre dans un bar fréquenté par des motards...)

"J'ai attendu que mes yeux s'accoutument à l'obscurité pour examiner la clientèle.Une majorité de mâles dominants hirsutes et dépenaillés,Wisigoths tout droit sortis d'un mauvais casting.Les quelques femmes avaient des coiffures raidies par le gel et des bustiers faits de lanières qui creusaient entre leurs seins un sillon aguicheur...Près du bar,un Raspoutine à joues concaves et sourcils broussailleux bondissait sur ses pieds en beuglant..."p290.
Etc....avouez que ça en jette!!!

J'ai terminé Mortelles décisions (2001) et je commence Meurtres au scalpel(2008). 
  
 

PATERSON de Jim JARMUSCH

FILM

J'ose parler de CHEF-D'OEUVRE.
Film inspiré et inspirant,lent,tranquille,... juste tranquille.
Derrière la simplicité,l'apparente banalité du quotidien,se dégage une formidable intensité.Jim JARMUSCH parvient à élever le quotidien banal et répétitif au rang d'art,art délicat.C'est de la dentelle... Le cinéaste souvent privilégie les êtres simples,purs,comme le héros de "Ghost Dog",La voie du samouraï,interprété par l'inoubliable Forest Whitaker.
Ici aussi le conducteur de bus/poète étonne par son calme,sa tranquille assurance,son intérêt aussi pour les conversations qui s'échangent dans le bus.
On est avec lui dans le bus,à son retour auprès de sa femme chérie...on écoute les courts poèmes qui rythment ses journées.
On ne s'attend à rien et c'est ça le tour de force.
Comment le cinéaste a-t-il fait pour distiller cette atmosphère de tendresse,de fraternité? Mystère.


                                                            

mardi 13 décembre 2016

GRAVITY de Alfonso CUARON

FILM
 
J'ai donc vu le film de 2013 à la télévision en VF...
A priori,la VO est toujours un meilleur choix,mais je ne pense pas avoir raté grand chose.Chacun connaît l'histoire de cette mission de la NASA qui va connaître une série de catastrophes,de ratés,de rendez-vous manqués dans l'espace.
Le film lui aussi s'est perdu dans un espace cinématographique incertain.
Les cris de panique de l'astronaute jouée par Sandra Bullock lâchée dans le vide sont surfaits,artificiels...Aucun charisme ne se dégage des protagonistes,aucune épaisseur humaine et ce ne sont pas les belles images de la terre et du ciel, les effets techniques,fussent-ils réussis qui sauvent la mise...on assiste,incrédule,aux efforts de sauvetage,de survie...
L'héroïne doit s'arrimer à la capsule,éteindre un début d'incendie ,trouver le manuel qui lui indiquera la marche à suivre....tout ça dans l'indifférence absolue du spectateur...
On est loin...,très loin de la densité humaine que dégageait INTERSTELLAR...
Là,il s'agissait de réunir des êtres éloignés dans une nouvelle dimension spatio-temporelle,un père et sa fille...il était question d'honorer une promesse,de sauver l'humanité de la famine....bref des impératifs hautement moraux.

dimanche 4 décembre 2016

LE FILS de Jo NESBO




J'ai donc lu toute une série de policiers de cet auteur découvert grâce à La Grande Librairie.
Le dernier LE FILS est un polar passionnant.
C'est l'histoire d'une vengeance.Sujet assez banal sauf qu'ici elle est le fait d'un être doux,voire innocent qui découvrant la vérité sur la mort de son père qu'on a assimilé à un suicide se donnera comme mission de faire lui-même le "ménage"...
Il est question d'un Jumeau,d'une taupe au sein de la police,de trafiquants de drogue et d'êtres humains.Le lecteur nage entre le Bien et le Mal, ne parvenant pas à détester ce redresseur de torts si lumineux,épris de justice qui mène un impossible combat.

Je ne peux que recommander la lecture de tous ces polars.On n'est pas déçu.

 

jeudi 1 décembre 2016

L'AXE DU LOUP de Sylvain TESSON

LIVRE

A pied,à cheval ou à vélo,Sylvain Tesson parcourt le globe.Notamment l'Himalaya en 2006.
En 2003,ému par l'incroyable récit des évadés du Goulag en 1941-1942 écrit par le polonais Slavomir Rawicz,cet amoureux de la Russie entreprend de refaire ce chemin.De Yakoutsk en Sibérie,en passant par le lac Baïkal,la Mongolie,le Tibet et jusqu'en Inde.
Son récit écrit dans un style vif,alerte est passionnant,exaltant,profondément humain aussi.
On marche avec lui,on se décourage avec lui,on partage ses victoires fussent-elles minimes ,on ressent l'immense fragilité du voyageur dans un environnement parfois hostile,souvent imprévisible.
Sylvain Tesson est un aventurier des temps modernes,marcheur infatigable,déterminé,mais aussi un grand écrivain.Sa prose à la fois concrète et poétique nous offre des instants sublimes.
Quelques exemples:Il évoque une "belle nuit allaitée par la lune."p174.
"Le vent est le soupir du diable."p185.
Ou sur les chameaux:"...les chameaux avancent avec une délicatesse de chat,comme si le désert était un tapis d'oeufs frais." p194.

Géographe de formation,il a eu la brillante idée de joindre des cartes permettant de suivre son itinéraire,immergeant ainsi le lecteur dans ces espaces infinis.Intérêt sociologique aussi:l'écrivain évoque les moeurs,les traditions de ceux qu'ils croisent:russes,mongols,chinois...
Ce livre est une indéniable réussite.Il me donne envie d'en lire d'autres du même auteur.

      

samedi 19 novembre 2016

99 HOMES de Ramin Bahrani

FILM

Film bouleversant s'inspirant de la crise des subprimes qui a ébranlé l'économie américaine en 2008.Deux conceptions du monde s'affrontent,deux systèmes de valeur,deux personnalités surtout.
L'un,Rick Carver,symbolise le profit,la circulation de l'argent gagné sur le dos des laissés-pour-compte expulsés de chez eux car incapables de continuer à payer leurs traites.
L'autre,Nash,père célibataire vivant avec sa mère et son fils vient d'être expulsé.Pour s'en sortir,il va progressivement mettre ses compétences d'ouvrier du bâtiment au service de l'homme d'affaires,s'associer à lui...et procéder à son tour à des expulsions au nom de la banque.Quitte à marcher sur ses principes et se "vendre" pour le bien de sa famille.
L'un est pragmatique.L'autre est sentimental.
La réussite du film tient dans ce juste équilibre entre des valeurs antagonistes.Aucun manichéisme,aucun moralisme.Le cinéaste expose sobrement ces situations,ces moments de crise avec réalisme,sans juger.
On suit surtout l'évolution de Nash,joué par Andrew Garfield,ses doutes,ses remises en question,ses états d'âme....On redoute la chute...
Ce film profondément humain date de 2014,il a été couronné en 2015 du Grand Prix du festival américain de Deauville.Mérité.
Benoit Jacquot,président du festival a souligné "la force dramatique du film et l'interprétation exceptionnelle des deux acteurs."

                                     

 
  

lundi 14 novembre 2016

SNOWDEN de Oliver STONE

 FILM


 Mais quelle belle leçon de COURAGE nous donne ce héros des temps modernes,Edward Joseph Snowden!!!! Cet informaticien américain a travaillé successivement pour la CIA et la NSA.Dès 2007,il découvre l'existence des programmes de surveillance généralisée,des services d'écoute,des logiciels permettant de lire mails,messages privés,recherches sur Google et Facebook...Déçu par la présidence Obama dont il espérait un revirement,il révèle en 2013 ( il a 29 ans!!!)à une équipe de journalistes du Guardian les méthodes peu démocratiques du gouvernement américain...il a au préalable copié des millions de documents compromettants.Accusé de trahison massive,il se réfugie à Moscou où sa femme l'a rejoint.Il ne demande qu'à rentrer au pays après avoir été "blanchi"...
Les films d'Oliver STONE (notamment JFK,Nixon et Wall Street) sont toujours intelligents,dynamiques,
minutieusement documentés.Cette fois encore,le cinéaste est parvenu à nous passionner pour ce destin hors du commun.Ce jeune idéaliste aurait très bien pu continuer à couler des jours heureux à Hawaï.Il aimait son travail,sa vie sentimentale était stable.Pourquoi alors a-t-il tout lâché? Pour le bien de l'humanité? Par idéalisme? Parce qu'il aime son pays,tout comme O.Stone? Sûrement.

En tout cas,le film donne la pêche dans ces temps si incertains...

 -Photo du vrai Snowden.

lundi 31 octobre 2016

ELLE de Paul Verhoeven

FILM
Voici quelques adjectifs pour qualifier ce film: malsain,glauque,artificiel,invraisemblable,limite obscène,décousu....
L'héroïne de l'histoire,Michèle,interprétée par Isabelle Huppert  dirige une entreprise de jeux vidéos.Un soir,seule chez elle,elle est victime d'une violente agression sexuelle.
Quelques jours plus tard,elle en informe ses amis comme d'un fait banal,comme si c'était arrivé à quelqu'un d'autre.Elle n'a pas porté plainte.Sa vie continue et les agressions se reproduisent sans qu'elle puisse reconnaître son violeur masqué... 
Thriller oblige,le spectateur découvre quelques scènes plus tard ,stupéfait,de qui il s'agit. 
Mais on n'y croit pas une seconde aux agressions que Michèle subit.C'est bien joué,la lutte,les cris de colère sont au rendez-vous,mais c'est proche du grotesque.
Quelle spectatrice féminine peut s'identifier à cette femme si froide,si lisse,sans réactions "normales"?Qui peut s'identifier,éprouver de l'empathie?
On connaît depuis "Basic instinct" le goût de la provocation,de la transgression de Paul Verhoeven,mais alors n'y avait-il pas une certaine fraîcheur dans ce thriller érotique...,une crédibilité des intentions meurtrières...
Ici,on n'y croit pas.C'est juste très violent ET très bizarre.
Violence qui transpire tout au long du film non seulement dans les scènes de viol,mais aussi dans toutes les relations féminines de Michèle.Avec sa mère,avec sa belle-fille,avec la nouvelle compagne de son ex-mari.Violence aussi des jeux vidéos très trash. 

Franchement,Elle est un film sans âme,sec,complètement désincarné, un comble quand le moteur de l'action est une répétition de viols...quand l'héroïne sans cesse s'habille,se déshabille,se rhabille avec cet éternel air de ne pas y toucher...affligeante désinvolture.
Ma stupéfaction était à son comble quand j'ai lu que le film allait représenter la France aux Oscars.Quelle cata.On croit rêver.

Voici le lien d'une critique acerbe du "Huffington Post" en Juin 2016
 http://www.huffingtonpost.fr/delphine-aslan/elle-fait-bander-les-critiques-il-est-a-gerber/

 

dimanche 30 octobre 2016

INFERNO de Ron HOWARD

FILM 

Un excellent moment de détente avec un zeste de culture.C'est parfait.  
Une agréable visite de lieux historiques emblématiques.Ma critique les citera.
Film plus réussi que le roman de Dan Brown qui avait déçu.

Une arme bactériologique destinée à éliminer une partie de la population et résoudre la démographie exponentielle sur terre a été fabriquée.Son concepteur,avant de se suicider,a élaboré une énigme complexe dont le déchiffrement s'apparente à un jeu de piste ou jeu de l'oie.Le film progresse donc de case en case...de ville en ville.Un vrai voyage sans billet retour.
A la galerie des Offices à Florence,le professeur Langdon,spécialiste des symboles et son aidante identifient le "Cerca e trova" dans l'imposant tableau de Vasari,la bataille de Masciano.Ensuite le masque de Dante est retrouvé dans les fonts baptismaux d'une église.Un mystérieux objet retrouvé dans la veste du professeur éclaire la carte de l'Enfer peinte par Botticelli.

                                         

De là,on s'envole vers Venise pour contempler les statues  des 4 chevaux de Saint Marc enlevés aux Turcs par le doge Enrico Dandolo dont le tombeau se trouve à Sainte Sophie de Constantinople.(Pour l'anecdote:Napoléon avait "piqué" ces 4 statues après la 1ère campagne d'Italie et restituées après Waterloo).
Donc départ pour Istanbul où le professeur et son équipe de choc repèrent la bombe placée au pied d'une des colonnes de la gigantesque citerne souterraine aux reflets rougeoyants...
On est sous la mosquée.IL s'agit de faire vite,il reste quelques minutes avant l'explosion...
Bien sûr,le mécanisme interne est stoppé à temps et le désastre évité!!!
Cette dernière case du jeu de l'oie,l'aboutissement de tout ce jeu d'énigmes sont très réussis de même que la séquence initiale du film,bourrée d'effets spéciaux,de mixages sonores qui plongent d'emblée le spectateur dans une ambiance d'enfer,de masques,de feux,de tortures...
Histoire de nous mettre au parfum!!!
Tom Hanks à nouveau convaincant,avec son air toujours mi-surpris,mi-empathique...
 Omar Sy dont le personnage est ajouté par rapport au livre reste anecdotique.

 


 

lundi 24 octobre 2016

L'HYPNOTISEUR de Lars KEPLER




 LIVRES

On pensait connaître tous les écrivains de polars suédois.Eh bien,...Non.
Voici un couple d'écrivains qui se cache derrière le pseudonyme de Lars KEPLER.
J'ai lu successivement les trois récits parus chez Actes Sud et je vous garantis que c'est palpitant.Le premier,"L'hypnotiseur" s'organise autour de séances d'hypnoses où les souvenirs refoulés surgissent,sauf que certains participants n'ont pas nécessairement bien vécu cela,ils se sont sentis violés dans leur intimité et chercheraient à se venger...
Ce polar tient en haleine par sa finesse psychologique,les changements de point de vue,sans oublier un rebondissement des plus inattendus,ce qui fait bien sûr le charme d'un polar.
Le même inspecteur,Joona Linna est aux commandes des 3 enquêtes.
"Incurables" a pour cadre un centre de réhabilitation pour jeunes filles dangereuses.Un double meurtre a lieu.Une jeune fille a disparu.L'enquête démarre et aboutira à la découverte d'un meurtrier(ère?) bien inattendu.
Dans "Le marchand de sable",une policière est infiltrée dans un département d'isolation de 2 meurtriers dangereux.Il s'agit pour elle de sous-tirer habilement des informations concernant la séquestration d'une jeune fille disparue.En effet,un complice opère dans la nature.
C'est là encore haletant.

 

 

dimanche 23 octobre 2016

LA MODIFICATION de Michel BUTOR

LIVRE
Michel BUTOR est décédé fin août de cette année et France 5 lui  a consacré une émission où le chef de file du Nouveau Roman se révèle un être attachant,créatif,n'ayant pas hésité à renouveler les formes de son art.
J'ai donc voulu lire ce roman qui lui valut Le Prix Renaudot en 1957.
J'en sors enthousiaste avec la sensation d'avoir découvert,avec retard,une pépite littéraire.
Il y a quelque chose d'hypnotique,de joliment répétitif,d'obsessionnel dans ce récit,comme une mélopée,un ressassement interminable,mais pas désagréable,comme le mouvement des roues de ce train où le narrateur est monté un matin à Paris pour rejoindre Rome,moins de 24 heures plus tard.
Le procédé littéraire consistant à utiliser le pronom personnel de la 2ème p.du pluriel,vous,fonctionne à merveille,impliquant totalement le lecteur que nous sommes dans ce voyage."Vous" êtes réellement dans ce compartiment minutieusement décrit avec les autres voyageurs dont l'écrivain imagine les vies,soucis,destinations.Un peu comme Dostoievsky qui créait les personnages de ses romans en s'inspirant des passagers du train.
Ce récit est donc réaliste,à l'extrême.Aucun détail ne nous est épargné lors de ce voyage spatio-temporel.En effet,on navigue dans le temps à partir de cet espace clos,celui du compartiment de l'express Paris-Rome.Plusieurs temporalités sont à l'oeuvre.Il y a le temps réel,la durée du trajet de  +/- 21 heures,mais aussi le passé et le futur,car le puissant monologue nous entraîne dans les voyages antérieurs,celui où il rencontra Cécile qu'il rejoint aujourd'hui à Rome,en lui faisant la surprise de son arrivée.
S'il se remémore  les moments heureux,réussis du passé,il se projette aussi dans la joie du futur,de ce moment,par exemple où il expliquera à sa femme Henriette qu'il la quitte.Il a en effet trouvé le moyen de faire venir sa maîtresse "romaine" à Paris,en lui trouvant un travail.

Est-ce que tout va se passer comme dans ses projets,ses rêves?Cet avenir qu'il dessine peu à peu en imagination va-t-il tenir la route ou s'effondrer comme dans la cruche de lait de Perrette? Grande question...
Le titre "La modification" est choisi pour nous alerter,car insensiblement,vers la fin du trajet,surgit l'impossibilité de concrétiser les rêves,d'appliquer le programme échafaudé.
Tout s'écroule,la cruche de lait tombe.Adieu Cécile,adieu la surprise qu'il s'apprêtait à lui faire de sa venue à Rome,adieu l'installation de Cécile à Paris.Impossible,tout bascule,se désagrège comme au réveil d'un mauvais rêve,un cauchemar éveillé.
Il descendra du train et passera 3 jours seul à Rome sans la voir!!! 
Prise de conscience que cette femme,Cécile,idéalisée n'était que "le visage de Rome",que c'est la Ville qu'il aime,qui l'attire plus que l'être aimé.
Il écrira un livre,ce livre que précisément nous venons de lire,histoire de ce changement,de "cette modification" qui s'est opérée dans son esprit le temps du trajet Paris-Rome.

Ce roman est étonnant à plus d'un titre.Notons le style particulier qui alterne phrases courtes,sèches et phrases d'une extrême longueur,les références littéraires à Virgile,à la sibylle de Cûmes.C'est aussi un roman à forte densité psychologique.Considérations sur le couple,sur les conditions de sa viabilité,sur la crise.La lente mais inexorable désagrégation d'un amour ainsi que la fraîcheur des premiers instants de la rencontre amoureuse sont minutieusement restituées.
C'est aussi une merveilleuse promenade dans ROME à laquelle nous sommes conviés.Lieux privés(un hôtel,l'appartement de Cécile...)mais aussi les "Incontournables" de Rome,comme on dit.On marche dans les rues de Rome,on monte vers le Palatin,on traverse le Tibre,on s'arrête dans un restaurant de la Piazza Navona,on découvre un tableau d'un peintre inconnu Pietro Cavallini(p83)à Santa Cecilia du Trastevere....etc


"Vous à qui, par le truchement de ce roman, aura été passé le mot, parvenez
à ce qui sera votre livre (sans être nécessairement un livre) et se révélera
peut-être fort différent de ce que, primitivement, vous aurez cru chercher,
car pour vous l’itinéraire peut se modifier comme il s’est modifié pour le
personnage,qui a trouvé sa vérité bien ailleurs que là où le train le menait et a gagné la partie quand il semblait l'avoir irrémédiablement perdue,comme si le jeu dans lequel (par l'effet de quelque grâce ou par inadvertance) il s'était engagé avait été un jeu de qui-perd-gagne."

MICHEL LEIRIS à propos de LA MODOFICATION de Michel BUTOR.

REMONTER LA MARNE DE Jean-Paul KAUFFMANN

LIVRE

Quand on lit un livre de J.P. Kauffmann,toujours on s'instruit.
C'est truffé d'anecdotes historiques ou littéraires,de considérations sur les lieux traversés,les écrivains qui y ont séjourné,sur des coutumes locales...
A Château-Thierry,il visite la maison natale de La Fontaine ,écrivain qui lui a tout appris.A Luzancy,il retrouve les paysages chers à Corot,sans oublier Bossuet,l'aigle de Meaux ou le peintre Raoul Dufy qui a peint des scènes de canotiers.
Kauffmann tout au long de son voyage prend le pouls de la France,de cette France rurale,parfois négligée,mais qui se révèle là où on ne l'attend pas.A l'image de ses habitants farouches,méfiants qui se lâchent pour peu qu'on soit patient.(comme dans cette scène de café où il est d'abord accueilli par un silence hostile avant que des paroles ne fusent de toutes parts,p55)
L'intérêt du récit  est donc multiple:littéraire,culturel,mais aussi sociologique.  

L'écrivain a choisi de "remonter la Marne",de marcher à contre-courant,à revers,vers la source.(p 103).La Marne,c'est 525 kilomètres.Il parcourt plus ou moins 10/15 km par jour.
Il marche avec un sac à dos,se déleste de ses jumelles et chaque soir,part à la recherche d'un lieu où dormir:chambre d'hôtel,caravane... tout est bon.
Je découvre ce voyage le long d'un fleuve,étant moi-même assise aux bords de la Garonne.
Double poésie fluviale.Mon immobilité s'accommode bien du mouvement quotidien de l'écrivain.

mardi 18 octobre 2016

OTAGES INTIMES de Jeanne BENAMEUR

LIVRE
Délicatesse du style.
Poésie,grâce et élégance.
Un homme détenu en otage est libéré.Le choc de cette libération,d'abord l'impossibilité d'y croire,puis progressivement sentir cette liberté nouvelle.
Être dans l'avion sans bandeau sur les yeux et croiser pour la première fois le regard de son ravisseur qui lui restitue son appareil-photo intact.
Respirer,boire de l'eau fraîche,ne pas vraiment réaliser cette liberté qui vient de lui être rendue.
La première partie du roman surtout est très réussie.
On s'identifie au personnage,à ses sensations,son incrédulité,sa renaissance progressive,ses retrouvailles avec sa mère âgée.Le retour au village,à la maison de l'enfance s'effectue tout en douceur.Impossible de dormir dans "sa" chambre d'enfant.Besoin de marcher,de retrouver le petit torrent...,de veiller la nuit et d'encore marcher tout le jour.
Retrouvailles aussi de deux amis d'enfance.Pas si simple d'autant qu'il fut amoureux de la jeune fille qui a choisi l'autre!

J'avais beaucoup aimé un autre roman de J.Benameur "Profanes".
Critique sur ce Blog en septembre 2015.
  

jeudi 22 septembre 2016

LA MAISON DU RETOUR de Jean-Paul KAUFFMANN.

LIVRE

Certains livres nous travaillent de l'intérieur,nous traversent de part en part.
C'est le cas des récits de Jean-Paul Kauffmann et particulièrement de"La maison du retour".
En 1989,l'écrivain libéré de sa captivité se cherche un lieu où il pourrait re-vivre,re-naître,après la dévastation qu'il a subie.La maison dans les Landes s'impose à lui.Il l'achète et s'y installe dès les travaux de rénovation.Rénovation,renaissance qui sont aussi les siennes.
Souvent seul,il réapprend le quotidien.Peu de livres,peu de lectures,excepté un recueil des Géorgiques de Virgile découvert sur place.Désormais,ce sont les arbres,deux platanes,certains animaux,un crapaud bleu bien audacieux qui le relient au monde,le soignent,le protègent.L'écrivain s'immerge littéralement dans cette nature amicale.Il écoute allongé dans un hamac,les sens en éveil.Il dit l'impossibilité de faire comme avant,"la nécessité de se redessiner,se poser autrement ailleurs"...
Après avoir manqué de tout pendant 3 ans,la multiplicité des possibles donne le vertige.Le TROP a remplacé le PAS ASSEZ.Réussir son retour,un vrai défi pour ce rescapé qui contrairement au Colonel Chabert fut accueilli par les siens.
Défi réussi,semble-t-il.
Jamais de complaisance,ni d'auto-apitoiement dans ce récit.
Juste une belle leçon de vie pour chacun.



mardi 13 septembre 2016

OUTRE-TERRE de Jean-Paul Kauffmann

                                                         
  LIVRE
                                                                                                                                                                 
UNE RÉUSSITE ROMANESQUE ET HISTORIQUE.
Jean-Paul Kauffmann est un journaliste et grand reporter qui a été pris en otage au Liban et retenu captif pendant 3 ans,de 1985 à 1988.
Il s'est relativement peu livré sur cette expérience de l'emprisonnement,il a par contre choisi de faire revivre des lieux (l'île de Sainte Hélène,les îles Kerguelen,Eylau....) des événements,des personnages qui ont un lien avec l'obscur,le confiné,l'enfermement à travers différents romans.
La personnalité de NAPOLÉON,sa complexité ,ses contradictions semble le hanter.
En 1993,il s'est rendu à Sainte Hélène sur les traces de l'empereur.Il y est allé en bateau,aucun aéroport sur l'île.En 1991,premier voyage à Kaliningrad et Eylau,champ de bataille de l'affrontement sanglant entre Français et Russes en 1807.
Deux cents ans après (en 2007),il retourne avec sa famille dans cette enclave russe pour les commémorations.Il raconte ce voyage dans son dernier roman:OUTRE-TERRE.
Passionnant,personnel,remarquablement écrit.
Je recommande cette lecture.Loin de se limiter au récit d'une bataille,l'écrivain est à la  recherche de sensations,de lumières,d'odeurs... Il veut vérifier des faits,confronter des témoignages,écouter des avis divergents,découvrir des détails cachés  ... surtout s'imprégner de ce lieu et des protagonistes de la bataille,principalement l'Empereur.
La figure du Colonel Chabert,ce baron d'Empire,donné pour mort qui revient réclamer ses biens et sa femme après 9 ans d'absence n'est pas innocente non plus.Ce revenant,ce mort vivant qui dérange,ce héros lazaréen a inspiré à l'écrivain de belles pages.
Le tableau du baron Gros,"le cimetière d'Eylau"inséré au milieu du livre est le guide de toute cette quête/enquête.

                                       
         
                         



dimanche 28 août 2016

RÉGRESSION d'Alejandro AMENÀBAR

FILM

Ce film de 2015 qui tourne autour des rites sataniques et de leurs conséquences meurtrières n'a pas vraiment rencontré de succès.
Pourtant,Ethan Hawke est excellent dans le rôle de l'enquêteur,capable de redonner confiance à une victime,Angela,totalement désemparée.
Lui-même pris dans la tourmente diabolique perd pied,s'enfonce dans les pièges tendus jusqu'à ce que...
Alejandro AMENÀBAR prouve une fois encore,après THE OTHERS qu'il est un grand réalisateur,capable de distiller cette atmosphère pesante,lourde qui au fur et à mesure devient effrayante,angoissante.Et cela sans abuser d'effets spéciaux ou images trop trash.Les acteurs servent à merveille l'histoire,notamment Emma Watson en petite sainte nitouche...et le psychologue,un rien goguenard,chargé d'appliquer les séances de régressions hypnotiques pour débusquer la vérité.S'agit-il chez les patients de faux souvenirs ou de vrais fantasmes? Question ouverte.
Donc un film à voir pour le talent des acteurs,la maîtrise de la mise en scène,même si les thèmes abordés ne sont pas votre tasse de thé.

samedi 20 août 2016

JASON BOURNE de Paul Greengrass

FILM

Pourquoi ce film est-il réussi? pour plusieurs raisons.
Il plaît aux fans de Jason Bourne qui ont vu les opus précédents.Ils y retrouvent ce rythme frénétique,les courses poursuites délirantes,cette fois entre un blindé du SWAT et une grosse cylindrée .... ,l'échappée du héros à moto alors que toute circulation est bloquée.
Surtout,ils retrouvent leur héros taciturne,intériorisé,taraudé de doutes ,en quête de réponses à ses questions existentielles sur son identité,son passé,son père.
Pourquoi ce dernier a-t-il été assassiné?par qui? Réponses à l'écran.
En tout cas,à nouveau traqué,menacé,Jason ne devra son salut qu'à une responsable de la CIA qui trahit son chef véreux.
Donc film palpitant,nerveux,efficace,équilibré,mais surtout si contemporain,ancré dans la technologie la plus sophistiquée:surveillance mondialisée,équipes de la CIA proactives.Grâce à des algorithmes prédictifs,chaque déplacement est anticipé.Monde hyperconnecté donc avec ses fichiers téléchargés en temps réel,ses smartphones dernier cri,ses hackers hors concours,sans oublier les tireurs d'élite hors catégorie...
Les acteurs servent tous,j'ai bien dit tous,un film dynamique qui mélange ce zeste d'intériorité du héros avec un tempo soutenu.....ça arrache,comme disent (ou disaient?) les jeunes. 

dimanche 14 août 2016

NOUS TROIS OU RIEN de Kheiron

FILM
Grand succès populaire amplement mérité.
Une famille fuit l'Iran sous l'Ayatollah Khomenei et trouve refuge en France dans la banlieue parisienne.
Le père,jeune étudiant,avait été emprisonné comme opposant au Shah d'Iran.
Film à la fois poignant et drôle,car le réalisateur a choisi la dérision pour pimenter l'histoire.Certaines scènes et répliques sont vraiment cocasses.Notamment,entre mari et femme qui s'adorent,mais ne sont d'accord sur rien.Même dans des situations dramatiques comme la prison,l'humour s'invite nous faisant sourire.On est tour à tour attendri et amusé.
C'est un beau parcours d'immigré qui fait chaud au coeur dans ces temps troubles.En effet,le couple s'investit totalement dans la vie associative de la Seine Saint-Denis.Lui aide des jeunes d'origine étrangère à s'intégrer,elle travaille à l'émancipation de femmes trop soumises.

Profondeur et légèreté font vraiment bon ménage dans ce film rafraîchissant qui évite les écueils du trop politique,trop militant.
 

jeudi 11 août 2016

DANS LES FORÊTS DE SIBÉRIE de Safy Nebbou

FILM

Le film est librement inspiré du livre de Sylvain Tesson.
C'est une réussite sur le plan esthétique et humain.Le héros qui a choisi cette retraite,cette parenthèse sur les bords du Lac Baïkal se transforme et mûrit tout au long de l'histoire.
Confronté à une nature et ses conditions extrêmes,il apprend les gestes,les attitudes indispensables pour survivre en milieu hostile.Cela sera possible grâce à la rencontre d'un russe plus âgé qui se terre dans ces lieux suite à un acte meurtrier.
Peu à peu,une amitié,une solidarité va naître entre eux,permettant à chacun de trouver ou retrouver sens à son destin.
C'est un film très humain,sans apprêts,habité de l'intérieur.
Une authentique histoire de fraternité humaine s'accomplit au sein de ces paysages époustouflants.Le gel,la neige,le blizzard,,le dégel annonciateur du printemps sont remarquablement filmés,sans compter le plaisir d'entendre cette belle langue russe.
La musique d'Ibrahim Maalouf tout à fait appropriée porte littéralement le film.

On pense évidemment à d'autres films du même genre:
L'inoubliable Derzou Ouzala,lui aussi évoque une solide amitié entre deux hommes au temps des Tsars.L'autre,Into the wild met en avant une quête d'absolu,un impérieux désir de se trouver et d'éprouver ses limites.