mercredi 30 janvier 2019

ÁSTA de Jon Kalman Stefánsson

LIVRE

Roman étonnant,vraiment original.
Quel naturel dans cette prose islandaise!
Quelle simplicité dans la manière d'aborder des sujets ordinaires,voire triviaux,de poser des questions profondes ou futiles..d'accéder finalement à l'âme humaine!!!

2 exemples de ces questions qui sont parfois des titres de chapitres:
"Cette planète serait-elle habitable si les pantalons n'avaient pas de poches?"p180.
"Avoir hâte:y a-t-il expression plus belle?"p215.

Roman étonnant,notamment par sa forme si décousue,si discontinue qui laisse parfois le lecteur perplexe.
En effet,l'écrivain mélange les genres littéraires,mais aussi les époques de la vie de ses personnages,notamment celle d' Ásta,la figure centrale du roman.
Parfois on s'égare,on revient en arrière,mais les lettres écrites par Ásta à un destinataire inconnu,un amoureux qui l'a quittée nous en apprennent beaucoup sur les soubresauts de sa vie sentimentale,ses tourments.
Les lettres sont entrecoupées de chapitres qui racontent eux la vie de ses parents,la débâcle du couple,l'importance de sa nourrice,sa rude expérience du monde rural dans un fjord de l'Ouest de l'Islande quand elle était jeune,son séjour à Vienne...etc

Au final,une force inouïe se dégage de ce récit particulier.
Les premières pages qui décrivent un moment de grande intensité charnelle entre les parents préfigurent cette force qui traverse toute l'oeuvre.
Rarement lu une scène de ce genre décrite avec tant de réalisme,d'évidence et de simplicité (Au cinéma,on parlerait de scène de sexe torride😂).
Du grand art.
 

dimanche 27 janvier 2019

IDA de Pawel Pawlikowski,2013

FILM

Ce film sorti en 2013 a remporté l'Oscar du meilleur film en langue étrangère en 2015.
Le cinéaste polonais vient de confirmer son immense talent avec COLD WAR***

Qualifier de lumineux un film en noir et blanc relève du paradoxe.
Et pourtant...
La jeune héroïne du film,orpheline,recueillie dans un couvent,illumine la toile.
Son doux regard,la grâce de ses attitudes,sa présence silencieuse impressionnent d'emblée.Lumière de l'intériorité qui éclabousse ce décor des années 60 où tout est glauque:le couvent,l'appartement de la tante,la voiture bas de gamme...et surtout le contexte historique des procès staliniens,de la traque des Juifs...,car Ida est juive et ses parents ont été dénoncés,puis assassinés pendant la guerre.
La mise en scène est totalement maîtrisée:beaucoup de plans fixes sur les visages,souvent cadrés en bas de l'image,mais aussi des travellings,des plongées signifiantes...

Un film réellement touché par la grâce.

                                             
 

jeudi 24 janvier 2019

OLGA de Bernhard Schlink

                     


 LIVRE                          


Après le succès mondial du roman "Le liseur",on se réjouissait évidemment de découvrir OLGA,le dernier roman de Bernhard Schlink.
Une fois encore,l'écrivain situe son roman en Allemagne,à la fin du 19ème siècle.
Deux êtres se rencontrent et s'aiment.Lui,Herbert est de classe sociale aisée et elle,Olga de milieu plus modeste.Elle devient institutrice,pendant que lui se lance dans des expéditions lointaines.D'abord en Afrique,ensuite en Arctique...Et là,plus de nouvelles.
Qu'est-il devenu?Vit-il encore?Olga enverra de nombreuses lettres restées sans réponse.
Ni elle,ni le lecteur ne sauront ce qui lui est advenu.
Mais ce qui intéresse l'écrivain,c'est le destin de cette femme forte qui s'est construite seule et s'assume totalement.Il la suit dans un récit très maîtrisé,très construit,...trop?...peut-être.
Car c'est plaisant,mais assez lisse,un peu convenu.
De plus,le lecteur sait qu'une surprise,une révélation surgira (comme dans Le liseur) et en effet,elle apparaît (p206) dans la troisième partie consacrée aux lettres d'Olga retrouvées par un garçon dont elle s'occupait petit.
Le problème,c'est qu'on s'y attendait un peu!!!

Bref,ce roman m'a laissé une grande impression de nostalgie,de mélancolie,celle d'une vie non vécue.Les lettres,pleines de souvenirs douloureux,d'espoirs déçus,d'attentes inassouvies en témoignent.
 

mercredi 23 janvier 2019

GERRY de Gus van Sant,2002

Photo Casey AffleckPhoto Matt Damon
                                                                     Casey Affleck            Matt Damon

FILM***

Donc un film de 2002 que j'ai découvert récemment.
Une incontestable réussite esthétique.Un enchantement.
Le désert,personnage central.
Comme si l'histoire,celle de 2 amis nommés Gerry qui entreprennent un périple dans le désert californien,était un prétexte à contempler cette nature immense et magnifique.
Le spectateur ne peut qu'être saisi par l'époustouflante beauté de ces espaces grandioses.
Il a l'impression littérale de marcher aux côtés des deux amis,de les accompagner,d'hésiter comme eux sur la direction,Est,Nord-Est?...IL les entend respirer,s'essouffler,ralentir...
Peu de dialogues,mais de longs travellings pour intensifier cette marche interminable qui vire rapidement au cauchemar.
Tout est silence,intériorité,sensations.Ce film est ma-gni-fi-que

       

Métaphore de l'être humain perdu dans cet espace infini,de son improbable traversée de la vie?
Chacun peut y trouver un sens...ou s'incliner devant tant de beautés.





 

mardi 15 janvier 2019

SÉROTONINE de Michel Houellebecq

LIVRE

Houellebecq "is back" et ce retour sur la scène littéraire a été annoncé avec tambours et trompettes.
On retrouve l'écrivain tel qu'on l'avait laissé dans Soumission,ce livre-hommage à Karl Huysmans.
Le titre Sérotonine annonce la couleur.Sans cette "hormone du bonheur",le héros du récit,Florent-Claude (ça ne s'invente pas) ne pourrait supporter sa vie de minable et faire face à la dépression.Il a 46 ans,le bilan est amer.Une impression d'être passé à côté de sa vie,d'avoir raté sa vie amoureuse et professionnelle.
Échec intimement lié à la passivité viscérale du personnage qui plutôt que de choisir,dire,agir...préfère se laisser dériver.
"....une fois de plus,je ne fis rien,je ne dis rien,je laissai les événements suivre leur cours...",p172.

En bon romantique qu'il est,les rares moments d'exaltation ou d'apaisement qu'il connaît sont liés à des souvenirs,notamment son grand amour d'il y a 20 ans,Camille.
Dans le présent,il vivote,végète,survit,surtout à l'occasion des fêtes de fin d'année fatales à tout dépressif (p155:les suicides de Noël!!!).Le futur est inexistant.
On navigue donc entre mélancolie et drôlerie,car l'auto-dérision et les constats acerbes fleurissent tout au long des pages.
C'est désespéré...et drôle.
Magnifique paragraphe,p91:
"Si on m'avait interrogé sur mon "humeur",j'aurais plutôt eu tendance à la qualifier de "triste",mais il s'agissait d'une tristesse paisible,stabilisée,non susceptible d'augmentation,ni de diminution d'ailleurs..." 

L'écrivain mène son récit avec détermination et sûreté.
Son écriture est simple,efficace,hyper réaliste.Un vrai champion des précisions techniques...sur l'élevage des lapins,les armes à feu,les fromages normands,sur Monsanto,les détecteurs de fumée...
Par-ci par-là,des considérations psycho-philosophiques sur le vécu de l'amour si différent  chez les femmes et chez les hommes,p70 à 72.
Sur le malheur,p223:"les gens fabriquent eux-mêmes le mécanisme de leur malheur,ils remontent la clef à bloc et ensuite le mécanisme continue de tourner inéluctablement..." 

A chaque lecteur de se faire son opinion,d'encenser ou de détester cet écrivain particulier.

Le site de critiques et d'informations littéraires onlalu  cette planche rigolote:
https://www.onlalu.com/livres/roman-francais/serotonine-michel-houellebecq-37607


 


 

lundi 14 janvier 2019

THE FAVOURITE de Yorgos LANTHIMOS


FILM
 
Film réjouissant... moment de détente garanti 😂
Le cinéaste grec Yorgos Lanthimos dépoussière le film historique et le transforme en une joyeuse farce.
Ça s'agite autour de la reine Anne, neurasthénique, imprévisible...une reine sous influence...entourée de 2 femmes qui se disputent ses faveurs et sont prêtes à toutes les forfaitures pour s'imposer,...pour imposer surtout leur vision politique.
On est au début du 18ème siècle et la guerre avec la France est d'actualité.Faut-il la poursuivre ou signer la paix?Les Whigs et les Tories s'affrontent sur le sujet.
La reine peine à trancher.
C'est donc un film singulier à plus d'un titre.Il mélange le classique et le moderne,le tragique et le loufoque,notamment dans des scènes de danse surréalistes.
Un peu comme pour le "Marie-Antoinette" de Sofia Coppola,le cinéaste ose tout,
se permet des anachronismes,des dialogues crus,sans oublier les audaces techniques dont l'étrange bande-son et ces plans panoramiques légèrement déformés grâce à l'effet fisheye.
En voici un exemple
                                          



Le casting est parfait :actrices bluffantes avec mention spéciale pour OLIVIA COLMAN,actrice britannique de 45 ans qui interprète cette reine échevelée,grotesque, infantile,mais si attachante... en route pour L'OSCAR de la meilleure actrice ?
C'est tout le mal qu'on lui souhaite.
D'autres photos du film:
                                                                   


 
OLIVIA COLMAN  en reine Anne


LE SIGNAL de Maxime CHATTAM

LIVRE

Imaginez une famille qui a quitté New York pour s'installer dans une charmante petite ville...
C'est l'été,chacun prend ses quartiers,une baby-sitter s'occupera de la plus petite.
Le changement sourit à chacun,sauf que des trucs bizarres,extrêmement bizarres se produisent:un souffle,des voix brouillées,un épouvantail qui s'anime,des comportements suicidaires...
On nage donc de plus en plus dans l'étrange et l'incompréhensible.Même un flic s'en mêle.
Alors explication rationnelle ou pas?

En écrivant ce thriller fantastique,M.Chattam a bien sûr voulu rendre hommage à Stephen King et son univers si particulier:profanation de territoires indiens,transgression des limites...mais à trop vouloir expliquer rationnellement l'irrationnel,on s'écarte du pur fantastique qui en principe laisse le lecteur dans le doute et la perplexité.
La fin du récit est à ce titre peu conforme et les 100 dernières pages s'étirent.
Ce foisonnement de rebondissements,c'est "too much".

Ce 25ème roman était certes un défi pour l'écrivain plus habitué au vrai thriller:l'inoubliable Trilogie du Mal dans les années 2000 nous avait tant fait trembler et nous avait terrifiés.
Conclusion:...ce défi n'est peut-être pas tout à fait relevé.
 

mardi 8 janvier 2019

WILDLIFE de Paul Dano


FILM

Premier film du comédien PAUL DANO.
L'inoubliable grand frère de Little Miss Sunshine 2006.
Il a aussi joué dans Youth 2014,dans Prisoners 2013,dans There will be blood 2007...



Film très intimiste et assez dur qui traite de la dégradation d'une relation conjugale.
L'originalité,c'est le point de vue adopté.
Celui de leur enfant,un ado de 14 ans qui assiste impuissant à ce fiasco.
Il est le regard de la caméra et tous les plans passent par son filtre.Tour à tour inquiet et déterminé,le fils est la plaque-tournante du récit.Il apparaît comme l'otage de cette crise conjugale où les parents n'hésitent pas à l'impliquer,à le prendre à témoin de leur mal-être,à se confier à lui,surtout la mère,remarquable Carey Mulligan***


Non seulement le jeune réalisateur a su choisir les bons acteurs,mais il réussit aussi brillamment à faire revivre l'ambiance d'une petite ville du Montana dans les années 60.
On s'y croirait.L'intérieur des maisons de même que les magasins,la station-service,les autos...tout est d'époque comme dans un tableau d'Edward Hopper.
Les objets aussi:la radio,la télévision,le mobilier du salon...rappellent cette époque.  
Vraiment,un film très réussi,très vrai,sans fioritures qui laisse présager une belle carrière.





Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu

L’image contient peut-être : une personne ou plus et texte 
LIVRE

Le jeune écrivain nous livre une fresque sociale qui s'étend sur 4 étés,de 1992 à 1998.On suit les rêves et les désillusions d'une jeunesse marquée par la fin de l'activité sidérurgique en Lorraine.
Premières amours, désenchantement, désœuvrement sont au rendez-vous pour quelques jeunes dont on suit le passage progressif à l'âge adulte.
Après l'été 1992... ,j'ai eu du mal à poursuivre ma lecture...
Certes,c'est une belle écriture,très travaillée...mais...et c'est là le problème,on sent trop ce travail,ce désir du bien écrire...
Donc,un Goncourt que je ne recommande pas particulièrement.