La ligne de nage de Julie OTSUKA

 LIVRE

L'auteure japonaise nous avait enchantés avec son précédent roman "Certaines n'avaient jamais vu la mer" * et on se réjouissait de lire celui-ci.C'est à nouveau très réussi.On retrouve le style si particulier,assez lent et cette narration en nous.Ce NOUS,ce sont les nageurs et nageuses du "monde d'en bas" qui forment une communauté soudée et très ritualisée.Chacun,son couloir dans la piscine.Chacun ses habitudes,son type de nage,son caractère.Nous nageons avec eux et comprenons combien la natation ressemble à une cérémonie.Quand une fissure apparaîtra au fond,le récit basculera et s'ouvrira sur une autre partie où Alice,une des nageuses âgées se retrouve en "résidence privée" p94.

L'univers de ce lieu est juste terrifiant avec sa liste de conseils,procédures,recommandations "amicales"! ...et services à disposition des résidents.C'est décrit avec férocité et cynisme.C'est sans appel.Un exemple de ce qui est proposé:"des moments de lecture feinte! qui sont apaisantes..."p111. 

* le lien de ma critique de 2017:

https://parlonscinebouquins.blogspot.com/2017/08/certaines-navaient-jamais-vu-la-mer-de.html

 

Une somme humaine de Makenzy ORCEL

 

LIVRE

C'est terrible, c'est sombre, dur... 

Une vraie gifle, comme on dit.L'héroïne raconte depuis l'outre-tombe son enfance chaotique,son adolescence barrée, sa fuite vers Paris où le réel ne lui fera pas non plus de cadeaux... Le personnage de la mère, c'est pire que la Thénardier ..et l'entourage familial et social est caractérisé par des personnages toxiques. Comment s'en sortir? Comment se construire après tout ça? Difficile, voire impossible. 

Voilà pour l'histoire.Récit très éclaté,ça part dans tous les sens et on a l'impression d'une succession d'anecdotes,de situations bien ciblées.Par exemple,sur sa voisine rousse:passage extra,p253...mais aussi une charge contre le cinéma français,p354 ... ou encore une nuit au cimetière du Père Lachaise,p387.Les événements récents et certaines tendances incontournables ont aussi inspiré l'écrivain haïtien:le 13 Novembre 2015,le cauchemar des attentats p458...,l'accueil infamant des immigrés p397 ...Et tous ces événements sont entrecoupés de faits de la vie de la narratrice,tels que l'incroyable lettre reçue de son père p335 à 360... ou ses rencontres amoureuses...sa vie assez chaotique... Tout ça donne un peu le tournis et la sensation d'une performance littéraire.C'est inhabité.On se demande à partir d'où il écrit.

Mais il sait écrire et cela sauve la mise.L'écriture se renouvelle et les points de vue aussi.L'écrivain glisse habilement quelques courts textes,intitulés Audio,p277... ce sont des portraits,des instantanés et leur mérite est de rompre la monotonie. 

Le jury Goncourt qui l'a conservé dans ses 4 derniers finalistes a sûrement été sensible à la qualité de l'écriture, si particulière, si originale. Peu de ponctuation, un texte serré... Mais une telle écriture séduira-t-elle un large public de lecteurs?Pas sûr.