lundi 26 février 2024

L'EMPREINTE de Alexandria Marzano-Lesnevich

LIVRE

L'écrivaine américaine,passionnée de Droit et opposante à la peine de mort,s'est intéressée à l'histoire d'un jeune homme condamné à mort pour avoir tué un jeune garçon.Elle se rend en Louisiane où se tient le procès,elle consulte les dossiers,les interrogatoires,les aveux et remonte l'histoire de celui qui se sachant pédophile,avait demandé de l'aide (p164) sans l'obtenir.Elle découvre les antécédents familiaux de Ricky Langley,la mort d'un frère aîné Oscar dans un accident d'auto qui a handicapé sa mère.Celle-ci a vécu les 9 mois de grossesse de Ricky dans un corset de plâtre et est restée impotente... Lourd destin pour l'accusé.Pendant ses recherches,des souvenirs de sa propre histoire la traversent,la percutent...Elle nous les partage par petites vagues:les abus de son grand-père,la mort d'une soeur Jacqueline à la naissance...et surtout cet art du non-dit,du secret que pratiquent ses propres parents.Tout est soigneusement cadenassé.Courageusement,elle posera les questions qui dérangent à sa mère,elle consultera les albums de photos familiaux...elle ira même parler à son grand-père et surtout elle écrira tout ça.L'écriture la libérera peu à peu de ce carcan étouffant.Une phrase à la fin du livre,p427:

"Je veux que ces mots soient les derniers que je leur adresse.Que là où était le SILENCE,soit la parole.Que là où étaient les SECRETS,'j'ouvre la voie à la complexité de la vérité."

Elle ira aussi rencontrer Ricky en prison,ne se dérobant à aucun rendez-vous de son destin.

LA ZONE D'INTÉRÊT de Jonathan GLAZER


 FILM

LA ZONE D'INTÉRÊT de Jonathan Glazer.
Grand Prix du JURY 🏆 au Festival de Cannes.
Film glaçant, saisissant, ...dérangeant aussi.
Le MAL 😱 est hors-champ.
On entend juste des cris étouffés, des aboiements de chiens de l'autre coté du mur...et il y a ce chien noir qui suit partout l'épouse de Rudolph Hoess, au jardin, à la cuisine...
Un plan récurrent m'a frappée:les passages incessants dans le corridor de la maison qui est comme un goulot, un "couloir de la mort"...et puis cette fin stupéfiante avec lieux d'aujourd'hui.
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Intéressant de lire les propos du réalisateur à Cannes:

"Ce que le film essaie de faire, c'est de parler de la capacité, de notre capacité à chacun à être violent, d'où que vous veniez", a expliqué le cinéaste en conférence de presse. "
Et essayer de montrer ces gens comme des personnes et non comme des monstres était une chose très importante.
Car le grand crime et la grande tragédie, c'est que des êtres humains aient fait cela à d'autres êtres humains".
"C'est très pratique pour nous d'essayer de nous éloigner d'eux autant que possible", a ajouté Jonathan Glazer, mettant en garde son auditoire.
"Nous pensons évidemment que nous ne pourrions jamais nous comporter de cette manière, et nous ne nous comportons pas de cette manière.
Mais je pense que nous devrions en être moins sûrs."
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Je recommande aussi la lecture de la préface de 1972  de Robert Merle de LA MORT EST MON MÉTIER ( Histoire de Rudolph Hoess) dont voici un extrait:

"Il y a bien des façons de tourner le dos à la vérité. On peut se réfugier dans le racisme et dire : les hommes qui ont fait cela étaient des Allemands. On peut aussi en appeler à la métaphysique et s’écrier avec horreur, comme un prêtre que j’ai connu : « Mais c’est le démon ! Mais c’est le Mal !... ».
Je préfère penser, quant à moi, que tout devient possible dans une société dont les actes ne sont plus contrôlés par l’opinion populaire. Dès lors, le meurtre peut bien lui apparaitre comme la solution la plus rapide à ses problèmes.
Ce qui est affreux et nous donne de l’espèce humaine une opinion désolée, c’est que, pour mener à bien ses desseins, une société de ce type trouve invariablement les instruments zélés de ses crimes.
C’est un de ces hommes que j’ai voulu décrire dans La Mort est mon Métier. Qu’on ne s’y trompe pas : Rudolf Lang n’était pas un sadique.
Le sadisme a fleuri dans les camps de la mort, mais à l’échelon subalterne. Plus haut, il fallait un équipement psychique très différent.
Il y eut sous le nazisme des centaines, des milliers de Rudolf Lang, moraux à l’intérieur de l’immoralité, consciencieux sans conscience, petits cadres que leur sérieux et leurs « mérites » portaient aux plus hauts emplois. Tout ce que Rudolf fit, il le fit non par méchanceté, mais au nom de l’impératif catégorique, par fidélité au chef, par soumission à l’ordre, par respect pour l’Etat.
Bref, en homme de devoir : et c’est en cela justement qu’il est  MONSTRUEUX."

mercredi 21 février 2024

THRILLERS de Camilla GREBE



 
Dans la catégorie "POLARS SUÉDOIS"***, je viens de lire plusieurs romans de Camilla GREBE.
C'est bien construit, haletant avec de vraies surprises et l’auteure suédoise se montre sensible à l'humain, aux liens familiaux...
Je recommande.
J'ai commencé par le dernier:"L'énigme de la Stuga",de 2023,c'est un drame familial.
Coup de cœur 🌹❤ pour "Le journal de ma disparition" de 2019 :histoire originale sur fond d'Alzeimer...

LES YEUX DE MONA de Thomas Schlesser


 

LIVRE

Gros coup de cœur.
Livre passionnant sur une cinquantaine d'œuvres d'art, connues ou moins connues.
C'est présenté sous forme de dialogues entre un grand-père et sa petite fille.
Celui-ci l'emmène découvrir quelques trésors de musées célèbres, tels le Louvre, Orsay, Beaubourg...
52 tableaux correspondant aux 52 semaines nous sont ainsi expliqués de façon à la fois didactique et joyeuse.
Ça m'a fait penser au best-seller de vulgarisation philosophique d'un écrivain norvégien, paru en 1995: LE MONDE DE SOPHIE.
L'idée étant de s'instruire de façon ludique, divertissante.
Et c'est une réussite👏
Je le recommande.
Thomas Schlesser,historien de l'art, a récemment expliqué à la Grande Librairie, la genèse de ce livre.
Voici le lien:

lundi 12 février 2024

PERFECT DAYS de Wim Wenders


 FILM

Ce film est un hymne au bonheur,... au simple bonheur d'exister,car Hirayama,le personnage principal savoure chaque instant comme une pépite.Les petites joies du quotidien:se réveiller,regarder le ciel,les arbres,partir au travail,regarder encore,photographier les arbres...etc.Vie ritualisée à l'extrême dont chaque moment est vécu en pleine conscience.Remarquable soin que le quinquagénaire apporte à un travail banal.Chaque geste accompli est à la hauteur du standing des toilettes publiques de Tokyo.Rien d'extraordinaire donc dans cette histoire,si ce n'est la visite d'une nièce et l'échange avec un homme atteint de cancer.Mais quelle fraîcheur,quel rayon de soleil,ce film qui nous offre une traversée des rues de Tokyo en auto ou à vélo ...et des vues "carte postale" dont celle de la Tour de Radiodiffusion SKYFREE,inaugurée en 2012.La dernière scène est juste bouleversante sur l'air "Feeling Good" de Nina Simone,bouleversante dans les expressions du visage de cet homme.L'acteur, Kōji Yakusho a été récompensé à Cannes du Prix d'interprétation masculine

 

Voici le lien d'une interview de WIM WENDERS à SensCritique :

dimanche 4 février 2024

Le cercle des neiges de Juan Antonio Bayona


 FILM:meilleur film à la Cérémonie des GOYAS,ce 10 février.

J'avais lu en 2006 le témoignage de Nando Parrado,un des 17 survivants du crash de l'avion uruguayen dans les Andes en octobre 1972."Miracle dans les Andes"raconte l'accident,leur survie dans une nature glacée et hostile... et aussi l'après.Comment lui, s'est reconstruit,a peu à peu partagé cette terrible expérience dans des conférences.Ce partage a donné du sens à ce qu'il avait vécu avec ses compagnons d'infortune.

Le film proposé cette année reprend lui aussi les moments forts de ce drame:après l'accident,les conditions de survie,la lutte contre le froid intense et la faim...les terribles choix,dont celui de se nourrir de la chair de ceux qui étaient décédés pour tenir...les instants d'espoir et de désespoir... la mort de certains,blessés ou trop faibles pour survivre...La décision pour deux d'entre eux,Nando et Roberto d'entreprendre une marche vers les vallées du Chili qui va se conclure par leur sauvetage.

Ce qui frappe dans ce film,c'est sa grande sobriété.Aucune image,aucune scène ne vise le sensationnel.On reste au plus près de ces survivants,réunis par des liens si forts,car c'est bien la solidarité,une immense solidarité qui a assuré leur salut.Une leçon d'humanité donc,très loin du film catastrophe-type.

Voici ce livre de Nando Parrado: