dimanche 22 novembre 2020

L'ANOMALIE de Hervé Le Tellier

LIVRE

L'Anomalie... ou ... "Un avion peut en cacher un autre..."

A partir d'une situation bien réelle (Un vol Paris-New York avec à son bord 243 passagers échappe de justesse à la traversée d'une zone de turbulences majeures),l'écrivain construit un récit incroyable qui nous transporte dans un monde proche de la Science-Fiction.Nous faisons connaissance avec une galerie de personnages pendant une centaine de pages,après quoi nous "atterrissons" dans une sorte de monde parallèle,étrange où ils sont retenus par la sécurité des USA,un hangar...Il semblerait qu'un autre avion avec le même trajet,les mêmes passagers ait vécu un phénomène semblable trois mois plus tôt.

Secret défense,enfermement,interrogatoires,contact avec les grands de ce monde,effacement des traces rythment la suite avec les confrontations inédites de duos:le moi rencontre un autre moi,son double?,son sosie,son clone.Lequel est le vrai?lequel est le faux,la copie?

On se doute que ce sont des questions éminemment  philosophiques qui accompagnent cette suite:le lien entre le réel et l'illusion/la simulation/la réponse à l'inexplicable...Le roman présente d'indéniables qualités de créativité,d'érudition (références appropriées à Shakespeare,connaissance de la terminologie militaire,aéronautique...),de style aussi souple,direct,agréable.C'est original,divertissant,mais les rencontres des duos de la dernière partie me sont apparues artificielles,répétitives surtout,comme si la mécanique était trop lourde,comme si l'écrivain n'avait pas eu les moyens de sa politique.La fraicheur du début est devenue de la grosse artillerie,apprêtée.C'était lassant.

En tout cas,le roman fait le buzz comme on dit et on évoque déjà une possible série,genre LOST des années 2000...Et il fait partie des 4 livres retenus par le Jury du Prix Goncourt,attribué ce 30 novembre.

 
 

 

 

 

 

 

 

 

samedi 21 novembre 2020

THÉSÉE,sa vie nouvelle de Camille de Toledo


 LIVRE***

 Ce texte,c'est un cri de souffrance et de désespoir,

Thésée tente de "survivre" au suicide de son aîné,en cherchant le pourquoi et le comment,en interrogeant l'histoire des ancêtres,les noeuds et les non-dits familiaux,la dérive du couple de ses parents...,en s'éloignant aussi de la France.Il réclame des comptes,il réclame la lumière,il interroge les ancêtres au travers des documents/photos/journaux...dans les cartons emportés avec lui,mais "son corps le lâche"p 65.C'est une plongée en enfer.Il a si mal au dos qu'il n'arrive plus à marcher.Il a 43 ans!!!Thésée,c'est un corps qui tombe.
Que lui dit ce corps?ce corps qui sait ce que lui ignore encore."...le corps tombe car la blessure est le sens qui nous reste...la douleur est là pour nous relier au monde,à la matière,à ce que le corps sait que nous ne voulons pas voir..."p150
Que lui disent ceux qui avant lui,ont souffert et ont cadenassé cette souffrance?

Ce récit,c'est la somatisation des souffrances physiques,c'est la psychogénéalogie,c'est l'impact des générations précédentes,la non-résolution des problèmes,les tabous,les secrets,les non-dits...c'est l'impossibilité définitive de réparer,...de sortir du labyrinthe.

Le livre de Camille de Toledo fait partie de la dernière sélection du GONCOURT.
Le jury osera-t-il récompenser un récit si bouleversant, à la limite du supportable ???Pas sûr.

 Voici les photos éparpillées....certaines sont reproduites dans le livre,dont la photo des 2 frères sur la plage.Thésée en blanc.





samedi 14 novembre 2020

Les secrets de ma mère de Jessie BURTON


 LIVRE****

A partir de "Qui était ma mère?" vient "Qui suis-je?".Telle est la vertigineuse question qui porte ce récit attachant,brillant. Pour Rose qui n'a jamais connu sa mère,il est vital de retrouver des êtres qui l'ont connue... et des pistes et indices.Une célèbre écrivain l'aurait connue,aimée?...s'engage alors un récit qui s'articule sur deux périodes:celle de la jeunesse de sa mère,Elise dans les années 80 ...et 2017,celle de Rose en quête de réponses.

La question de l'identité,de la construction de soi est au coeur du roman.Roman féministe qui a des accents à la Virginia Woolf notamment quand l'écrivain interroge la maternité:les malaises de la grossesse,le désarroi en présence du bébé,les failles,les doutes de la jeune mère.P431:"Elle n'admettait pas les pensées qui la hantaient;les cauchemars de la journée...qu'elle exerçait un pouvoir sur ce bébé impuissant...Qu'elle avait une fille dont elle n'arrivait pas à s'occuper...qu'elle était aimée,mais ne savait pas comment accueillir cet amour.On ne pouvait pas compter sur elle.Elle en était incapable,incapable..."  

La dynamique du couple,hétéro ou homo est aussi fort présente.Les rapports de force,la jalousie,les scènes,la lassitude...tout ça est vécu par les différents protagonistes du roman.A un moment,Rose s'affronte à Joe,son compagnon à propos des cadeaux qu'elle prépare pour Noël...cette scène de dispute est génialement écrite,décrite dans son crescendo dévastateur qui aboutit aux immanquables injures et leur point de non-retour ...car bien sûr,Rose n'ira pas passer Noël dans sa belle-famille et elle quittera leur appart pour de bon.Pas évident une scène de dispute qui ne soit pas trop "cliché",qui soit crédible!!! (p266 à 268).

D'autres extraits révèlent ce style si agréable,plein d'élégances et de naturel.Jessie Burton est une immense conteuse,elle l'avait déjà prouvé dans ses précédents romans aux thèmes très différents. 

Voici:après une cuite,Elise se réveille et se sent très mal:"Elle était prostrée comme un crapaud,agonisant dans la faible lumière de cette maison de location."P311.

Lors d'une conversation avec son père,Rose se pose des questions sur lui:"Je me demandai s'il s'agissait d'un début de sénilité.Les sophismes de la conversation,l'attrait soudain pour les objets du passé,l'envie de tirer de l'eau au puits de sa propre existence pour s'apercevoir que personne ne veut regarder le contenu du seau.p47.