dimanche 27 août 2017

L'ESPOIR DES NESHOV de A.B.RAGDE

LIVRE

Comme lecture de la fin de l'été,c'était parfait.
Ce 4ème livre de la saga,paru cette année tient toutes ses promesses. 
Du Neshov pur jus: famille assez tarée,personnages monomaniaques,secrets de famille...
Tout y est.Les destins se croisent à nouveau avec des préoccupations bien contrastées.
L'intérêt va grandissant quand "l'héritière" décide revenir à la ferme et s'y investit totalement.
On a droit alors à un inventaire minutieux,détaillé,exhaustif de tout ce que la jeune femme jette,lave... (oreillers,tables de chevet,vieux napperons,matelas...).
Nettoyage matériel,mais aussi hautement symbolique.Promesse d'un renouveau,d'un nouveau départ.La mue a eu lieu.
Un 5ème livre serait sur le point d'être publié... A suivre...

 

mercredi 23 août 2017

Certaines n'avaient jamais vu la mer de Julie OTSUKA


LIVRE
Très jolie écriture de ce court roman qui relate comment des femmes japonaises vinrent aux Etats-Unis épouser des hommes qu'elles n'avaient pas choisis,au début du 20 ème siècle.
Style très original.Les phrases commencent souvent par le même début,donnant un rythme assez incantatoire.
Très particulier et très touchant,le destin assez méconnu de ces femmes.

jeudi 3 août 2017

LES VEUVES DU JEUDI de Claudia PINEIRO

LIVRE

Claudia PINEIRO est une romancière argentine.Ce livre a été récompensé par le prix Clarin 2005.
Dans un milieu protégé et assez fermé,vivent plusieurs couples de bourgeois.Vie agréable,sportive (tennis,piscine,golf..) agrémentée de soirées parfois bien arrosées.Notamment,le Jeudi,jour où les femmes sont exclues et qu'elles ont surnommé avec humour "Le Jeudi des veuves".
Sauf que derrière la façade,la belle apparence,une toute autre dynamique se joue.
Des rivalités entre hommes,des tensions dans le couple,des enfants qui se déstructurent,un emploi perdu ...tout cela laisse deviner au lecteur une issue tragique.Celle-ci nous est d'ailleurs relatée dès les premières pages du livre:trois des maris sont retrouvés morts au fond de la piscine.Meurtre?accident?suicide collectif?...différentes hypothèses sont possibles.Et surtout pourquoi le quatrième mari a-t-il quitté la soirée plus tôt?
La réponse à ces questions est loin d'être celle qu'on imaginait et c'est là tout l'art de mener une intrigue vers là où l'on ne s'y attend pas.
Roman assez captivant donc,bien que j'ai eu quelque difficulté à apparier les couples,les bons prénoms des femmes avec ceux des époux.C'est dû à une présentation très morcelée des personnages.
Un nouveau roman de cette romancière vient de paraître et je me réjouis de le découvrir.
"Une chance minuscule",toujours chez Actes Sud.
 
 

mercredi 2 août 2017

PRÉCIS DE DÉCOMPOSITION de E.M.CIORAN

LIVRE
  
 E.M. CIORAN est un écrivain roumain venu étudier la philosophie en France,en 1937.
Le précis de décomposition est son premier ouvrage écrit en français.D'abord admirateur de Bergson,il fut ensuite fasciné par Nietzsche.
Dès les premières pages de cet essai,on est pris par la précision de la langue au service d'une pensée si percutante.Chaque phrase est un bijou de style et nécessite d'être lue et relue,reconsidérée et méditée.J'en citerai quelques-unes.
Le livre se présente sous la forme de courts chapitres (2,3 pages) où se développe une pensée originale,mélange de pessimisme lucide ou de réalisme assumé.
Des thèmes bien philosophiques comme le passage du temps,la solitude,l'ennui,la déchéance des civilisations,les larmes,le non-suicide,les ravages du fanatisme et des religions sont passés en revue.Et c'est sans appel.C'est féroce,ça dérange,ça déménage,ça dit magnifiquement des vérités que nous n'oserions même pas formuler.
C'est fort,c'est virulent,sans jamais être désespéré,car cette pensée n'est pas nihiliste.
Ce livre est un voyage qui nous sort de notre confort,de notre conformisme aussi,de nos certitudes.Elles sont mises à l'épreuve et invitent à repenser notre condition humaine.
N'est-ce pas là l'essentiel pour une oeuvre philosophique?

Quelques extraits:

L'homme est l'être délirant par excellence, en proie à la croyance que quelque chose existe.

Dans tout homme sommeille un prophète, et quand il s'éveille il y a un peu plus de mal dans le monde... La folie de prêcher est si ancrée en nous qu'elle émerge de profondeurs inconnues à l'instinct de conservation. Chacun attend son moment pour proposer quelque chose: n'importe quoi. Il a une voix; cela suffit. Nous payons cher de n'être ni sourds ni muets.

Toute idée devrait être neutre ; mais l'homme l'anime, y projette ses flammes et ses démences : le passage de la logique à l'épilepsie est consommée... Ainsi naissent les mythologies, les doctrines, et les farces sanglantes. Point d'intolérance ou de prosélytisme qui ne révèle le fond bestial de l'enthousiasme. Ce qu'il faut détruire dans l'homme, c'est sa propension à croire, son appétit de puissance, sa faculté monstrueuse d'espérer, sa hantise d'un dieu.


 L'injustice gouverne l'univers. Tout ce qui s'y construit, tout ce qui s'y défait porte l'empreinte d'une fragilité immonde, comme si la matière était le fruit d'un scandale au sein du néant. Chaque être se nourrit de l'agonie d'un autre être; les instants se précipitent comme des vampires sur l'anémie du temps; - le monde est un réceptacle de sanglots... Dans cet abattoir, se croiser les bras ou sortir l'épée sont des gestes également vains. Aucun déchaînement superbe ne saurait secouer l'espace ni ennoblir les âmes.

L'obsession de l'ailleurs,c'est l'impossibilité de l'instant et cette impossibilité est la nostalgie même.p49.

Si par hasard ou par miracle,les mots s'envolaient,nous serions plongés dans une angoisse et une hébétude intolérables.Ce mutisme subit nous exposerait au plus cruel supplice.C'est l'usage du concept qui nous rend maîtres de nos frayeurs.
Nous disons LA MORT ... et cette abstraction nous dispense d'en ressentir l'infini et l'horreur.p173. 

La seule fonction de l'amour est de nous aider à endurer les après-midi dominicales,cruelles et incommensurables,qui nous blessent pour le reste de la semaine -- et pour l'éternité.!!! p38.

L'homme recommence chaque jour,malgré tout ce qu'il sait,contre tout ce qu'il sait.p67.