mardi 26 septembre 2017

VOYAGEUR SOUS LES ÉTOILES de Alex CAPUS

LIVRE

Si vous voulez en savoir plus sur l'auteur de "L'île au trésor" et "Voyage avec un âne dans les Cévennes",lisez ce récit passionnant,écrit avec légèreté et vivacité.
Récit fort bien documenté qui se lit d'une traite comme un roman d'aventures.
L'écrivain de père français et mère suisse partage les multiples questions qui entourent la personnalité,la vie,l'oeuvre de Robert Louis STEVENSON.   
 Il visite les lieux où l'écrivain-marcheur-pionnier-aventurier s'installa à la fin de sa vie avec sa femme Fanny: les îles Samoa.Il s'interroge sur l'existence d'une île réelle (et pas seulement sortie de l'imagination de l'écrivain...), d'un trésor enfoui dans cette île,île Cocos que Stevenson aurait,après bien d'autres,cherchée ... en vain...
"...le capitaine Thompson a-t-il vraiment enfoui le trésor de Lima sur l'île Cocos?"p126.
Beaucoup de questions restent sans réponses et c'est très bien ainsi.
Pourquoi Stevenson a-t-il visité toutes les îles de l'Archipel des Samoa?Pourquoi cette confusion avec une autre île appelée,elle aussi ,l'île de Cocos?A-t-il trouvé un trésor ou pas?
On en apprend beaucoup sur cet écossais au physique impressionnant,bien que de santé fragile.Il souffrait de tuberculose et décéda à 44 ans.Chef de clan incontesté,il régnait sur son petit monde et en assurait tant bien que mal l'unité. 
En effet,les commentaires sur la photo ci-dessous (p153)laissent peu de doutes.               
Le patriarche assis au milieu doit faire face à d'incessantes tensions entre les trois femmes qui l'entourent:sa mère,à droite,son épouse,Fanny et leur fille Belle.
Non,l'harmonie ne régnait pas vraiment entre toutes ces personnalités tranchées.

 Photo du clan sur le perron de la maison:
                                     
 
Une photo de Stevenson:
                                                      

 

vendredi 22 septembre 2017

VERNON SUBUTEX de Virginie DESPENTES

LIVRE

Ce roman,c'est un vrai uppercut.On le reçoit en pleine figure.
Le fil rouge de l'histoire,c'est Vernon Subutex,un quadragénaire sympa,disquaire qui faute de payer son loyer se fait expulser.
Commence le parcours du combattant:trouver de petites planques,"s'inviter" chez un couple pour garder le chien,recontacter des ex...La débrouille quoi,ça marche un temps,mail il se retrouve bien vite à la rue,SDF parmi les sdf,livré au bon vouloir des passants.
Cette galère est l'occasion pour l'écrivain de déployer tout son ART.
Écriture fracassante,vive,directe,parfois brutale,argotique,voire vulgaire (on n'échappe pas à "couillon,connard,enfoiré,pétasse,suceur de bites"...etc).
Galerie de portraits dignes de La Bruyère.(j'en citerai des exemples)
Analyse psychologique et sociale implacable.Tout le monde en prend pour son grade:les assoiffés de pouvoir(p117),les faux compatissants,les maris violents,les mères étouffantes (Sophie,mère de Xavier),les drogués,les filles botoxées...

Quelques extraits

"Passé quarante ans, tout le monde ressemble à une ville bombardée.                          Il tombe amoureux quand elle éclate de rire - au désir s'ajoute une promesse de bonheur, une utopie de tranquillités emboîtées -, il suffira qu'elle tourne la tête vers lui et se laisse embrasser, et il accédera à un monde différent. Vernon sait faire la différence: excité, c'est le bas-ventre qui palpite, amoureux, ce sont les genoux qui faiblissent. Une partie d'âme s'est dérobée - et le flottement est délicieux, en même temps qu'inquiétant: si l'autre refuse de rattraper le corps qui sombre dans sa direction, la chute sera d'autant plus douloureuse qu'il n'est plus un jeune homme. On souffre de plus en plus, à croire que la peau émotionnelle devient plus fragile, ne supporte plus le moindre choc." p 106.

"Elle s’habille chez Zara, quand elle trouve quelque chose à sa taille. Elle se passionne pour l’huile d’olive, le thé vert, elle s’est abonnée à Télérama et elle parle de recettes de cuisine, au boulot, avec ses collègues. Elle a fait tout ce que ses parents désiraient qu’elle fasse. Sauf qu’elle n’a pas eu d’enfant, alors le reste, ça ne compte pas. Aux repas de famille, elle fait tache. Ses efforts n’ont pas été récompensés."

Marie-Ange:"Elle n'est pas jolie.Elle est sèche,son expression est dure,ses lèvres sont trop fines.Elle s'habille mal.Elle a une dégaine de meuf désespérée qui aurait récupéré dans la poubelle d'une vieille dame trois vieux pulls élimés qu'elle a superposés sur un pantalon à pinces..." p84.

Sylvie:"Qu'elle le lâche,pitié,qu'elle le lâche!
Il écoute Johnny Cash au casque en écoutant des bières.Il respire.Il l'a eue dix jours,non-stop,sur le dos.Cette fille parle dès qu'elle ouvre un oeil.Elle aspire l'air.
Le premier soir,il trouvait ça mignon mais il a vite réalisé qu'elle croassait,penchée sur son épaule et surveillant ses moindres gestes..." p154.

Coup de cafard de Vernon:"Le corps de Vernon se raidit,quelque chose gronde en lui qui le fait paniquer...Chaque souvenir est piégé.Une couverture qu'il avait gardée bien tirée sur l'angoisse glisse***...la peau est mise en contact." p100

Vernon amoureux:"Il avait oublié à quel point on se sent vivant, exactement à ce moment-là : quand on sait que c'est en route, et que chaque geste vient confirmer cette impression. Il avait senti ses veines se gonfler d'une euphorie étrange, et caractéristique : la délicieuse ivresse d'avant le premier baiser." 



 

vendredi 8 septembre 2017

VISAGES VILLAGES d'Agnès VARDA et J.R.

FILM

Joli projet d'unir leurs talents de cinéaste et photographe pour partir à la rencontre de gens ordinaires:agriculteur,fille de mineur,carillonneur,vendeuse,docker,ouvrier...
Quelle variété dans ces rencontres d'habitants qui livrent avec simplicité des bouts de leur vie,car Agnès Varda a l'art de les faire parler,d'écouter leurs histoires souvent émouvantes.On sent que les "autres" l'intéressent et donc le film navigue entre le road movie,le témoignage social et la création artistique.
Les photos géantes de J.R.,photographe du street art sont le prétexte de ces rencontres savoureuses et variées.Le temps du film,une relation de complicité se tisse aussi entre les 2 protagonistes qui s'apprivoisent,se taquinent sur leurs petites manies,mais surtout se complètent et se respectent.La collaboration intergénérationnelle est au coeur du film qui s'en nourrit.
Diversité donc de tous ces visages qui continuent à nous regarder,à nous imprégner après la fin du film,mais aussi des lieux visités:une ferme,un bunker sur la plage,une usine chimique,un port,le cimetière où est enterré Cartier Bresson...Ces lieux étant parfois des lieux de souvenir,surtout pour A.Varda.

C'est donc un grand moment d'humanité et de poésie que les deux artistes nous proposent.
Voici quelques-unes de ces photos qui sont réalisées sous nos yeux ébahis de spectateur:

Fille de mineur
Sur un bunker
La camionnette/labo photos

Un agriculteur

 

lundi 4 septembre 2017

UNE CHANCE MINUSCULE de Claudia Piñeiro

LIVRE

Livre d'une totale humanité.Inspiré,profond,émouvant.
La manière de raconter implique d'emblée le lecteur qui veut découvrir pourquoi cette femme revient 20 ans après en Argentine,dans la ville où elle fut prof.
Pourquoi tant d'appréhension?Va-t-on la reconnaître?Va-t-elle reconnaître les lieux?Pourquoi est-elle partie aussi?
Le mystère se dévoile peu à peu.L'écriture est juste magnifique et les thèmes abordés,les choix fondamentaux de toute vie sont mis à l'épreuve.
Réussite littéraire de cette auteure argentine dont le précédent roman "Les veuves du jeudi" avait déjà fait merveille.
 
Extraits:
"J'entre dans une boutique...cherchant un vendeur qui se serait un jour occupé de moi,quand j'étais blonde et que j'avais les yeux bleus jusqu'à ce que je me rende compte qu'au fond ce que je cherche,ce n'est pas quelqu'un que je connaisse mais quelqu'un qui me reconnaisse."p 68.
 
"C'est dans le décodage du discours de l'autre que nous commettons les pires erreurs,lorsque nous comblons les vides en cherchant à interpréter ce qu'a voulu dire celui qui en fait n'a rien dit du tout." p253.