TÁR de Todd Field

 FILM

Je viens de voir ce film glacial et glaçant. Je l'ai trouvé très cérébral, très mental avec de nombreux dialogues hermétiques dont on comprend à peine le lien avec l'histoire. Et tous ces plans en auto: gratuits, peu pertinents. Cette descente aux enfers d'une grande artiste m'a si peu touchée, je suis restée très à distance....et pourtant j'aime énormément cette actrice CATE BLANCHETT ... Le jeu qu'on lui a proposé n'est pas à la hauteur de son talent. Et puis les moments de "détente" ( elle boxe,elle court, elle roule à fond en auto ) sont peu raccord avec le propos général. On s'égare, on perd le fil, on perd le tempo surtout...

ANORA de Sean Beker

FILM 

Je viens seulement de voir ce film, PALME D'OR au festival de Cannes.

J'ai apprécié la construction du film et le jeu convaincant de tous les acteurs.

Originalité certaine de cette histoire dont les péripéties sont assez imprévisibles.

Scénario très intelligent, subtil où l'histoire prend un chemin de traverse, où le "héros" disparaît des radars, laissant place à des personnages dits secondaires et qui nous donne droit à cette scène de 25 minutes,au cœur du film, scène d'anthologie mêlant drame et burlesque où l'actrice (Mikey Madison*** ), déchaînée,dévoile tout son talent ( elle aurait aussi mérité le prix d’interprétation !)

Aussi l'habileté avec laquelle le personnage joué par Yuri Borisov***se dévoile peu à peu,rendant crédible ET pertinente la scène finale.

Cet acteur jouait déjà dans COMPARTIMENT 6, excellent film.

 

Un bémol : la surabondance de scènes de strip-tease et de sexe au début du film se justifie-t-elle? Pas sûr.

Le comte de Monte Cristo de Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte

FILM

Sorti cet été sur les écrans,le film a enthousiasmé un public ravi de découvrir cette énième adaptation du roman d'Alexandre Dumas qui cette fois a pris quelques libertés par rapport au roman.La longueur du film ( 3 heures) se justifie pour incarner les épisodes de cette histoire,la vie d'Edmond Dantès qui victime d'un complot préparera minutieusement sa vengeance.C'est le temps long de cette vengeance que l'on suit avec intérêt.J'ai cependant quelques réserves surtout concernant Pierre Niney,l'acteur qui endosse ce rôle colossal.A t-il la carrure pour cela? A-t-il le charisme, la prestance?Je n'ai pas été convaincue.Son jeu est assez uniforme:toujours les mêmes expressions soucieuses,le regard fixe,le ton de voix ténébreux et les masques qu'il revêt destinés à cacher son identité n'arrangent rien.Les personnages secondaires sont plus intéressants.Laurent Lafitte notamment excelle dans ce rôle sournois.Le décor est ,lui, très réussi:de très beaux paysages, des maisons imposantes avec leur intérieur soyeux et riche,les jardins,les paysages,la mer... Un léger parfum suranné plane sur l'ensemble.

Concernant le lien au roman de Dumas,j'ai lu un avis intéressant: "La grande force de cette adaptation, finalement, c’est son INFIDÉLITÉ AU ROMAN de Dumas. Les thèmes, les relations et les arcs narratifs sont conservés, mais intensément remaniés, certains personnages disparaissant, mais laissant leurs histoires chez ceux qui restent. C’est cette réécriture magistrale qui différencie cette adaptation des précédentes et qui désarme tout à fait le spectateur..."

Les graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof

FILM
 

Ce film iranien tourné en toute clandestinité s'inscrit dans le contexte du mouvement qui protestait contre le port obligatoire du hijab.On suit le destin d'une famille dont le père,enquêteur soumis à l'autorité judiciaire,se durcit,se fossilise au fur et à mesure que ses deux filles ados s'émancipent,suivant les événements sur leur téléphone portable.La mère,figure centrale du film navigue entre ces deux univers.La famille se fissure,les mentalités sont de plus en plus irréconciliables,l'incompréhension est totale,ça ne peut qu'exploser.

Film prenant d'une grande intensité dramatique,sa longueur ( 2h45 ) permet d'installer les composantes du drame.Le réalisateur dirige à la perfection ses acteur/actrices,très performantes et réussit à raconter une histoire où les problèmes sociaux et politiques d'une société s'imbriquent,interfèrent avec les destinées individuelles.Crise familiale donc sur fond de crise sociétale dont les jeunes,les jeunes filles surtout font les frais.Le téléspectateur assiste incrédule à ce lent effondrement,à cette inéluctable descente aux enfers,sans que jamais le réalisateur n'alourdisse son sujet par une approche trop moralisatrice.Pas de jugement,juste des faits,des constats.Immense courage de M.Rasoulof qui a pris d'immenses risques en abordant de tels sujets. Le film a reçu le Prix spécial du Jury au festival de Cannes

NAPOLÉON de Ridley Scott

FILM

J'ai finalement regardé ce film tant décrié par les critiques lors de sa sortie, criant au scandale du non-respect de la vérité historique...etc Une gageure de choisir les moments-phares d'un tel destin et de les condenser en 2,3 heures Les scènes de bataille sont époustouflantes,surtout Waterloo***...il faut savoir que 11 caméras étaient en mouvement. Ridley Scott...à l'origine a une âme de peintre. 

Voici ce que France Culture nous dévoile de son talent artistique qui s'est notamment exercé dans la publicité ainsi que l'ampleur de sa carrière cinématographique.Vidéo de 4 minutes : https://fb.watch/oDfffTvVRm/

Ma réserve porterait sur le JEU de l'acteur, Joaquin Phoenix ( inoubliable dans WALK THE LINE***). Il est inconsistant, sans saveur, ...si lisse...Alala. Peut-être que le réalisateur lui a demandé de ne pas en faire des tonnes, de jouer dans la sobriété... Mystère ??

 
 

EMILIA PEREZ de jacques Audiard

 

FILM

Gros coup de cœur

C'est peu de dire que ce film m'a éblouie, emportée, ... bouleversée aussi.

Le réalisateur Jacques Audiard y déploie ses talents: construction subtile du scénario,maîtrise technique dans la manière de filmer, originalité et créativité permanentes.

On va de séquence en séquence avec le même plaisir,c'est chaque fois surprenant et emballant...sans parler de la prestation exceptionnelle des 3 actrices récompensées du Prix de la meilleure actrice à Cannes.

High level

Les chants, chansons rythment le récit avec fluidité... elles prolongent une scène sans cette impression de plaqué et sont chaque fois pertinentes.

Les danses aussi s'intègrent à l'histoire.

C'est un OPÉRA comme l'Italie a su en produire,plein d'humanité.

Car c'est quand même l'histoire d'une RÉDEMPTION,la transformation physique s'accompagnant d'un total basculement moral bluffant.

A VOIR*** ....en se laissant emporter par la vague.

 

Voici le lien d'un article qui dit bien tout le talent de Jacques Audiard :

https://www.facebook.com/share/p/1AvQn24Hve/

LEE MILLER de Ellen Kuras

FILM

Le BIOPIC consacré à cette courageuse photographe de guerre a choisi d'alterner passé et présent,procédé souvent utilisé qui alourdit le récit et empêche d'entrer complètement dans le sujet.

Beaucoup de scènes convenues dans la première partie.On a du mal à adhérer au personnage,fût-t-il incarné par cette immense actrice.

Le ton de certaines scènes sonne faux ( notamment les premières retrouvailles avec Roland où on passe de l'amour ardent à un injustifié éclat de colère:peu crédible).

La deuxième partie du film où elle découvre avec son associé l'horreur des camps est plus réussie.Poignante par moments.Difficile de résister au VISAGE souffrant,si humain, bouleversé de Lee,alias Kate Winslet.

Une question pour finir:était-ce pertinent que l'actrice fume, non-stop, dans chaque scène?

Quelle en est la valeur ajoutée?

 

To catch a killer ou Misanthrope de DAMIAN SZIFRÓN

 

FILM***

Dernier film du réalisateur DAMIAN SZIFRÓN***

qui s’est associé avec Shailene Woodley,elle joue le rôle principal.L'enquête, suite à une tuerie de masse, la nuit du Nouvel An à Baltimore est confiée à un policier expérimenté qui s'associe à une jeune femme sensible et intuitive.C'est cette relation complémentaire qui intéresse le réalisateur.L'HUMAIN...,la fragilité de ces êtres embarqués dans la traque d'un tueur.

Mise en scène soignée.

Tension dramatique croissante.

Je recommande vivement.

C'est un thriller très réussi.

 

 

***DAMIÁN SZIFRÒN

est un réalisateur et scénariste argentin.

Il était membre du Jury du Festival de Cannes en 2023.

En 2014, son film Relatos Salvajes fit plier de rire la Compétition de la Sélection officielle avant de faire de même dans le monde entier, jusqu’aux Oscars.

Parmi ses œuvres précédentes, citons ses débuts, El fondo del mar (2003), puis Tiempo de valientes (2005).

         

L'inconnue du portrait de Camille de Peretti

 

LIVRE

Camille de Peretti  s'est emparée dune histoire vraie,celle d'un tableau peint et retouché par le célèbre peintre Gustav Klimt pour écrire un récit plaisant à lire qui traverse plusieurs générations,plusieurs pays et villes.L'histoire de ce tableau perdu,retrouvé,volé... etc était un beau sujet romanesque et l'écrivaine n'a pas boudé son plaisir.Les premiers chapitres nous présentent les protagonistes de cette histoire de NewYork à Vienne:un jeune cireur de chaussures,une femme qui élève difficilement son enfant dans ce début de 20ème siècle,un jeune homme qui a reconnu la femme du tableau en un être qu'il a aimé... Il n'y a plus qu'à tirer les fils de l'histoire pour aboutir à la révélation de l'identité de la belle jeune femme du tableau.

C'est un récit agréable à lire certes,mais sa construction entremêlant personnages,époques,lieux est extrêmement sophistiquée,ce qui m'a empêchée d'être émue,touchée par ces destins compliqués,par la filiation.Bref,je reste assez mitigée.

Le Barman du Ritz de Philippe Collin

 LIVRE

Dans ce premier roman,l'écrivain restitue l'ambiance qui régnait dans ce Palace parisien,le Ritz durant l'occupation allemande,de 1940 au 24 août 1944,jour de la libération de Paris.Autour de ce barman Frank Meyer,personnage central du récit qui cache sa judéité,tournent une série de personnages:des français célèbres,dont Sacha Guitry,Gabrielle Chanel...,mais aussi quelques haut gradés allemands dont Hans Speidel qui en 44 participa au complot visant l'assassinat d'Hitler.

Le barman accueille tout ce beau monde à coups de grands crus,champagnes renommés et cocktails variés,il navigue entre cette faune avec adresse,tact et une serviabilité inaltérable.Il prend des risques pour certains d'origine juive,en leur procurant de faux passeports,tout en se méfiant de possibles dénonciations,on vit en effet dans un univers de suspicion maximum.Il aide notamment la femme du directeur dont il a maquillé le nom et origines.Son admiration pour elle est sans limites,il en est amoureux.Sa peur d'être dénoncé est permanente,elle traverse tout le récit.

J'ai éprouvé de la difficulté à m'identifier à ce personnage qui manque d'âme...,je ressentais très peu d'empathie,je restais à distance et j'ignore pourquoi.Peut-être un côté assez fabriqué,très construit du récit.Ça manquait de spontanéité.Sa ferveur pour Blanche,la patronne reste aussi très retenue,si discrète...,trop discrète,c'est terne,peu vivant.

KINDS OF KINDNESS de Yorgos Lanthimos

 FILM

Les films de Lanthimos ne laissent pas indifférent.On adhère à son univers ou pas.Personnellement,j'ai beaucoup aimé The Favourite****.Cette fois,le film a agi sur moi comme un repoussoir.J'étais partagée entre l'ébahissement,le malaise et une sensation de total ridicule.On nous propose 3 courts récits d'une heure,chacun avec les mêmes acteurs,des habitués des films du réalisateur,tous brillants évidemment.Mais dans quelles galères se sont-ils égarés?Des histoires invraisemblables dont les thématiques sont d'abord l'emprise, le contrôle d'individus soumis à l'extrême.C'est le monde professionnel.Ensuite:une histoire de couple où l'identité de la femme est mise en question et enfin,on suit la vie et les rituels absurdes d'une secte qui "vénère" le pouvoir de l'eau! et vit une sexualité libérée.On épingle toutes les dérives du fanatisme sectaire.

Ce film est dérangeant,délirant et farfelu.Un côté "trash" avec de courtes scènes d'une totale cruauté qui relèvent d'un sadisme assumé,semble-t-il.Une cruauté gratuite dont je me suis tenue à distance (fermer les yeux reste une option!!!) La BO est au service de cette atmosphère oppressante,le martèlement de quelques notes de piano contribue au malaise général.

Bref,je ne voudrais pas être "dans la tête de Lanthimos".

LA DÉCISION de Karine Tuil

LIVRE

L'HUMAIN est au centre, au coeur de tous les romans de Karine Tuil.Cette fois encore,elle interroge l'humain dans toute sa noirceur,dans son côté sombre.La narratrice,Alma est juge d'instruction,en charge d'une enquête sur Kacem,un djihadiste,récemment revenu de Syrie avec sa femme et son bébé;On est en 2016,après les attentats de 2015.Il s'agit de connaître les motivations du jeune homme,de l'interroger sur son parcours,ses croyances, une éventuelle allégeance à L’État Islamique.Les interrogatoires orientent plutôt vers quelqu'un de "clean",il semble sincère et serait libérable...suite au récit.Une notion centrale est celle de TAQIYA,c'est dans la religion musulmane, le concept recommandant la prudence au fidèle en l'invitant à dissimuler sa croyance en cas de danger.

Le récit alterne habilement l'univers professionnel et la sphère privée.Alma est aussi en plein questionnement sur son couple,ce qui peut parasiter son approche juridique.Chez Karine Tuil,les relations hommes/femmes sont souvent chaotiques,en tout cas tendues et compliquées.Les chapitres sont courts,l'écrivaine ne s'appesantit jamais,son style est alerte,précis:un régal.2 pages (p178 et 179) sur le comportement des perruches sont incroyables.

On est "dans la tête" d'une juge antiterroriste pendant 300 pages,on comprend ses réflexions,ses doutes,ses hésitations.Elle ose aborder des questions très sensibles (p157:sur le voile des femmes détenues:contraire ou pas au principe de laïcité de l’État ),elle s'interroge sur la Justice,sur son impartialité,sur l'incarcération qui doit rester l'exception et lui préférer la libération sous conditions ...etc

Je recommande vivement.

 

Minuit dans la ville des songes de RENÉ FRÉGNI

 LIVRE

C'est l'histoire d'une vie.

Celle de l'écrivain René Frégni

Né à Marseille,il nous raconte sa vie tumultueuse,rocambolesque,souvent dangereuse.

Petite frappe dans sa jeunesse,élève indiscipliné,rebelle,il va découvrir la force des mots grâce à un ami qui l'initie.

Les mots,la lecture rythment désormais ses journées et lui permettent d'affronter d'incessantes épreuves, fuites...

J'ai rarement lu un tel émerveillement pour les MOTS:mots puissants, mots qui libèrent. Juste incroyable.

Il découvre la littérature, livre après livre, c'est comme un mille-feuilles

D'abord, "les Mots" de Sartre,puis "Une Vie" de Maupassant,puis Camus, Céline, Beckett...et bien sûr Giono, l'écrivain provençal.

Il accroche chaque livre au ruban de sa vie.Il lit partout, goulument...Il lit dans une cabane, sur les routes, en prison aussi.

Par la suite,ces mots, il va se les approprier, en faire son miel pour écrire son premier roman, à 40 ans.

Plus tard, il animera des ateliers d'écriture en prison.

Ce récit publié en 2022 est paru en Folio.

L'écrivain fut invité à la Grande Librairie par Busnel.Voici le lien

https://youtu.be/Pe8iDK_h0C8?si=glqSq2U5IcqCX_GM

 

Et un extrait****sur les mots:

"J'ai passé toutes ces années à ramasser des mots partout, au bord des routes, dans les collines, sur les talus du printemps, le banc des gares, le quai des ports, dans la rumeur sous-marine des prisons, les petits hôtels dans lesquels je dors parfois, les villes que je traverse, les mots que j'aimerais prononcer lorsque je regarde, ébloui, certains visages de femmes, ceux que soulèvent en moi l'injustice et l'humiliation, les mots qui font bouger mon sommeil, la nuit, et qui sont sans doute la clé de tous les mystères.

Je ramasse un mot, je le regarde, le flaire, le caresse, je le mets dans ma bouche, comme un petit galet rouge ou vert de rivière, puis dans l'une des mille poches secrètes que je me suis inventées.

Je voyage avec ce bourdonnement de mots qui ne pèse rien, ce nuage d'émotion.

Chaque jour je marche, je parle avec tout ce qui bouge autour de moi et je ramasse des mots.

Je ne possède que cette maison des mots."p22

OCTOBRE de Søren Sveistrup

 LIVRE                                                                                                                                                                                                        

                                                                                                                                                                            Excellent titre de ce polar danois de 2019 qui tient son lecteur en haleine pendant plus de 700 pages.C'est haletant, extrêmement bien construit avec alternance des personnages liés à cette recherche d'un serial-killer qui signe ses crimes d'une marionnette en marrons.

Ses victimes?des femmes qu'on a accusées de maltraitance en éducation. On suit tour à tour un duo d'enquêteurs, des analystes scientifiques,les familles 👪 des victimes, une ministre concernée...etc

Tout ça sous la Plume du danois Søren Sveistrup,scénariste de la mémorable série THE KILLING.Excusez du peu 😉🤩
Je recommande vivement ce livre efficace, addictif...avec son lot de surprises, genre "on n'avait pas vu venir".

TERRASSES de Laurent GAUDÉ

 LIVRE

Livre bouleversant.Comment l'écrivain a-t-il trouvé les mots,les mots justes,les mots nécessaires pour exprimer l'indicible? C'est incroyable et je songe aux milliers de personnes touchées de près ou de loin par ces attentats qui peut-être liront ce récit ... et s'en trouveront apaisés.

J'ai lu sur Facebook une analyse qui dit tellement bien le contenu, le message,l'impact de ce texte.La voici:

"Je viens de terminer le livre TERRASSES de Laurent Gaudé. Je vous partage ce que j ai écrit aussitôt après à une amie qui attendait mon ressenti avant d acheter ou non le livre.

Laurent Gaudé est vraiment un auteur d une sensibilité incroyable. Il a une finesse d écriture qui touche chaque fois. Rien n est décrit mais tout est ressenti. Tu es les jeunes sur les terrasses, tu es ces danseurs amoureux du bataclan, tu es le jeune pompier qui va vivre un traumatisme, tu es les deux flics qui arrivent les premiers dans le bataclan, tu es le GIGN qui avance sans peur vers la mort mais qui ne sait pas laquelle, la leur ou celle des terroristes, tu es le médecin qui les accompagne et qui doit choisir ceux qui seront soignés et ceux qui ne le seront pas en mettant un chiffre sur leur front, tu es l infirmière qui pensait avoir fini sa journée et qui est rappelée comme toutes les infirmières et d effondre au petit matin, tu es ces passants incrédules, tu es la maman, la sœur qui va passer sa nuit à appeler un numéro de téléphone qui ne répond pas, tu es celui qui va annoncer la mort de l être cher, tu es l'otage qui va survivre et s interroger pour le reste de sa vie pourquoi moi je suis en vie, tu es le mari qui s est engueulé avec sa femme, et qui ne la reverra jamais vivante, tu es sa femme qui va mourir et qui regrette de ne pouvoir lui dire à quel point elle l aimait.... tu es.... tu es la lectrice ou le lecteur abasourdi par ce qu il vient de lire, par la beauté d un texte qui te met les larmes aux yeux devant tant d horreur.

Inutile de te dire que j en sors bouleversée.

Posté par Arlette Mouton,le 11Mai.

AMERICAN DARLING de Russell Banks... de 2005.

 LIVRE

Russell Banks,cet ancien militant d'extrême gauche qui a lutté contre la guerre au Vietnam s'est incarné dans un personnage féminin de haut vol,Hannah ou Don ...porteuse de son message politique.J'avais lu ce livre à sa sortie,en 2005,je l'ai relu avec intérêt. Hannah,maintenant âgée de 65 ans  nous raconte son histoire,son engagement politique,ses années de combat comme activiste jusqu'à sa fuite au Liberia où elle épouse un ministre de la santé,devient mère de trois garçons,son retour précipité aux USA ... etc

Hannah apparait comme un être complexe,multi-facettes,pleine de doutes et de questionnements sur elle-même.Notamment,cette impression de vivre les choses à distance,d'être étrangère à elle-même,pas complètement impliquée dans son mariage ,sa maternité ou les événements politiques du Liberia.Elle se sent spectatrice de sa propre vie.Cette quête identitaire est le fil rouge du roman.Finalement ceux qu'elle aime pleinement,ce sont les chimpanzés (elle les nomme mes "rêveurs") dont elle s'occupe dans ce laboratoire américain,dédié à des recherches sur le sang.Plus que le contexte politique des années 60/70 ...et la guerre civile,tribale qui éclata plus tard,c'est le destin de cette femme singulière,courageuse,pleine de contradictions... qui a retenu mon attention.

Dans une interview en 2005,l'écrivain américain a prononcé cette phrase intéressante.Voici:

« Les Américains, dont l’histoire a démarré sur un conflit racial, savent inconsciemment qu’ils ont été conçus dans le sang et dans le vol, qu’ils vivent dans un pays volé ... Ils traînent cette hantise derrière eux, comme un traumatisme d’enfance."

LE COUP DU FOU*** de Alessandro Barbaglia

LIVRE

Sous le charme de ce livre qui m'a emportée,passionnée sur l'incroyable destin de Bobby Fischer,le célèbre champion d'échecs.Rapidement,on comprend l'impact qu'a eu ce nom iconique sur le narrateur enfant,lorsque sous la table, il entendait son père et des amis évoquer ce nom.L'impact,cad les questions qui ont surgi,les enjeux surtout de ce duel au sommet en 1972 à  Reykjavik entre Fischer et Spasski,entre USA et URSS,mais aussi entre Achille et Ulysse de l'Iliade d'Homère,car ces 2 héros de la guerre de Troie sont convoqués dans le récit et apportent une dimension universelle,transhistorique à l'affrontement échiquéen.Deux génies,deux psychologies,deux stratégies.L'une fougueuse,imprévisible avec ses fulgurances à la manière d'Achille,l'autre dédiée à la ruse,celle du calme tempérament d'Ulysse.L'un,Spasski a la patience du chat,l'autre,Fischer est un chien fou.On s'attache à ce Bobby,enfant solitaire,père absent,mère peu présente... qui finalement ne sait faire qu'une chose:jouer aux échecs,mais de quelle manière!!!

Spasski évoque au narrateur ,son père,psychologue réputé qui soigna un enfant à distance, ce dernier refusant tout contact avec le monde extérieur, en prononçant ces seules paroles:"Je suis là",p140.Un peu comme Spasski qui jamais ne s'énerva face aux attitudes d'enfant gâté de Fischer,acceptant ses exigences irrationnelles,il resta patient,courtois,percevant clairement la fragilité psychologique de son adversaire,ce géant de1,85 m ...aux pieds d'argile.

Pas nécessaire d'être un fin connaisseur des échecs pour apprécier ce récit à l'écriture légère,pleine de clins d'oeil et surtout d'humanité.Et puis on refait un petit tour de piste dans l'Iliade,au chant 9,p141 et au chant 21,p119.Je recommande ce livre paru en 2023. 

Voici une courte vidéo de cet instant,p92.... du mardi 11 juillet 1972/1ère partie où tout le monde attend Fischer,y compris Spasski qui se demande quoi.Finalement,Bobby entre,serre la main de Spasski,la partie commence,Spasski avec les blancs ouvre avec le pion en d4,Fischer répond avec le cavalier en f6.Rapidement, Fischer est énervé par les caméras et il va trouver l'arbitre...Spasski reste imperturbable.

Voici le lien: ttps://www.youtube.com/watch?v=L8MlGHJKAuM&ab_channel=AxiomDigitalHues

 

                                   

 

MEMORY de Michel Franco

 FILM

Je viens de voir ce film sensible,tendre qui raconte avec délicatesse la rencontre de deux êtres fragiles,perdus,marqués par leur histoire passée ou présente.L'un,Saül connaît des troubles de la mémoire et Sylvia ne se remet pas d'un passé lourd, compliqué.Les deux acteurs jouent dans la simplicité et l'authenticité.

Jessica Chastain : remarquable dans la sensibilité et la retenue.Son jeu n'est jamais monothématique,monotone.On s'attache à son cheminement,on découvre ses tourments,ses difficultés par petites touches.Quant à Peter Sarsgaard,son rôle de Saül lui a valu la récompense de l'interprétatation masculine à la dernière Mostra de Venise.

Je recommande vivement.

Le royaume désuni de Jonathan Coe

 LIVRE

Livre très plaisant,qui suit la vie d'une famille sur trois générations,de l'année 1945 à 2021.L'écrivain britannique a épinglé 7 événements marquants du Royaume Uni depuis le 8 mai 1945,jour de la Victoire au 8 mai 2020,en passant par le couronnement d'Élisabeth,les funérailles de Lady Di en1997....etc.Ainsi la boucle est bouclée.Il revisite la grande histoire du pays à travers le regard des membres d'une famille,leurs réactions aux grands événements,la construction de leur vie dans une petite ville,nommée Bournville.En effet chacun va vivre et ressentir à sa façon des faits tels que le Brexit,où transparaît la déception de l'auteur,le Covid qui donne lieu à un chapitre assez émouvant,celui de Mary,la grand-mère,longtemps confinée qui,à 80 ans,bravant les interdits décide de monter dans sa voiture et de rejoindre sa maison natale et ses nouveaux occupants.Émouvant et cocasse.C'est aussi l'occasion de relire des extraits de quelques discours célèbres de l'histoire,celui du roi George V et de Churchill en mai 45...Bref,une lecture agréable avec des passages assez drôles.

Le monarque des ombres*** de JAVIER CERCAS

 

LIVRE***

Prix Femina Étranger 2018

Rarement...,j'ai eu envie de relire un livre une fois refermé.C'est le cas cette fois.J'ai été séduite par le récit,par l'écriture,par les références historiques à cette guerre d'Espagne que je connais peu,mais aussi par le cheminement existentiel de cet écrivain qui rechigne d'abord à écrire l'histoire de ce grand-oncle maternel,MANUEL MENA qui s'est engagé à 19 ans en octobre 1936 dans les rangs franquistes et va être mortellement blessé en septembre 1938.Il éprouve de la honte à l'égard de ce membre de la famille engagé "du mauvais côté",puis peu à peu en retraçant son histoire,en rencontrant certains anciens qui l'ont connu dans son village natal de l'Estrémadure,il se l'apprivoise,le comprend,découvre ses questionnements...

Ce récit est palpitant,extrêmement bien construit avec une alternance de passages consacrés à la guerre civile espagnole qui fut si dévastatrice et de recherches sur les faits et gestes du soldat:son engagement dans les batailles de Teruel (p157) où il fut blessé,de Lerida (p187)et enfin la bataille de l'Èbre (p250) où il fut mortellement blessé à la hanche.Et des références littéraires qui étayent son propos.Il évoque Le désert des Tartares (p15) où Drogo attend un ennemi qui ne se montrera jamais est un peu comme sa mère,exilée vers Barcelone qui attend/espère son retour au village natal.Il illustre ses recherches par des passages de l'Iliade et l'Odyssée où les personnages de Achille et Ulysse sont mis en contre-champ (à la fin du  chant XI***),Achille qui connut une "Kalos Tanatos"comme Manuel mort si jeune.

Extraits ***:" Ne cherche pas à m'adoucir la mort, ô noble Ulysse!
J'aimerais mieux être sur terre domestique d'un paysan,
Fût- il sans patrimoine et presque sans ressources,
Que de régner ici parmi ces ombres consumées . "p291.

* J’avais également compris que l’histoire de Manuel Mena était l’histoire d’un prétendu vainqueur et d’un vrai perdant ; Manuel Mena avait perdu la guerre par trois fois : la première, parce qu’il avait tout perdu lors de cette guerre ; la deuxième, parce qu’il avait tout perdu pour une cause qui n’était pas la sienne mais celle des autres, puisque lors de cette guerre il n’avait pas défendu ses propres intérêts mais ceux d’autrui ; la troisième, parce qu’il avait tout perdu pour une cause qui n’était pas la bonne : s’il avait tout perdu pour une bonne cause, sa mort aurait eu un sens, il serait logique à présent de lui rendre hommage, son sacrifice mériterait d’être commémoré et honoré. Mais non : la cause pour laquelle Manuel Mena était mort était une cause odieuse, impardonnable..."

Et ce bel hommage à Manuel Mena:

"...Et c'est seulement alors que je réalisai que Manuel Mena cessait d'être pour moi une silhouette floue et lointaine, aussi raide, froide et abstraite qu'une statue, une funèbre légende de famille réduite à un portrait confiné au silence poussiéreux d'une remise poussiéreuse de la maison familiale vide, le symbole de toutes les erreurs et les responsabilités et la culpabilité et la honte et la misère et la mort et les défaites et l'horreur et la saleté et les larmes et le sacrifice et la passion et le déshonneur de mes ancêtres, pour devenir un homme en chair et en os, seulement un garçon digne qui en était revenu de ses idéaux, un soldat perdu dans une guerre qui lui était étrangère et dont les raisons lui échappaient."p248.

 

CIVIL WAR de Alex Garland

 FILM

Film dérangeant ET passionnant du réalisateur britannique qui nous montre une Amérique déchirée par une hypothétique guerre civile.Deux États,Le Texas et la Californie veulent faire sécession et leurs milices s'en prennent à l'armée américaine,restée fidèle à un président qui est à Washington.Une équipe de journalistes décident de rouler vers Washington,traversant des zones de guerre.A peu près seuls sur les routes,ils croisent des bandes armées,des réfugiés,des tueurs sans scrupules ... etc

De nombreuses scènes sont extrêmement violentes,d'un réalisme foudroyant.Tout est filmé,mais surtout "photographié" dans des instantanés saisissants,souvent en noir et blanc d'une beauté crépusculaire.Le spectateur est mitraillé de balles,mais aussi de photos qui immortalisent l'instant.

Ce film ne fait forcément pas l'unanimité,mais le parti pris est clairement esthétique et entièrement cinématographique.On montre,sans juger et dans cet univers totalement déshumanisé,l'accent est mis sur les liens humains entre les 4 passagers de cette Jeep de l'enfer,journalistes auxquels rien ne sera épargné jusqu'à la longue scène finale où ils pénètrent dans la Maison Blanche!

Plusieurs références,allusions jalonnent le film,notamment au début,quand Lee,la journaliste jouée par Kirsten Dunst est dans sa baignoire,à l'hôtel.Clin d'oeil à la célèbre photo de la journaliste Lee Miller , prise le jour du suicide d'Hitler en 1945,dans son appartement de Berlin.

Il y a les hélicoptères qui à un moment patrouillent dans le ciel des insurgés,vrombissements  indissolublement liés à Apocalypse Now***.On songe aussi à la récente attaque du Capitole par une bande de militants surexcités. 

                                         La célèbre photo de Lee Miller   

Description:

"La journaliste et son compagnon improvisent une séance photo dans la salle de bains où Lee Miller pose nue, le regard vague, dans la baignoire du dictateur.
Fortement symbolique, l’image devient une parabole : le portrait d’Hitler posé sur un coin de la baignoire semble contempler la scène.
Les bottes sales, encore pleines de poussière de Dachau, salissent son tapis de bain éclatant.
Le flexible de douche qui pend derrière elle nous rappelle les méthodes employées par les nazis dans les camps. Alors que Hitler vient tout juste de se donner la mort, Lee Miller l’enterre avec une ultime provocation et réalise une image tout en contrastes, qui nous raconte l’Histoire."

BORDER LINE ou La LLegada ou Upon Entry de Alejandro Rojas et Juan Sebastián Vasquez

FILM

Titre espagnol: "La Llegada":l'entrée.

Ou:Upon entry en version internationale.

Rarement vu un HUIS-CLOS d'une telle intensité.

La tension est croissante et le degré d'intrusion dans les vies est inimaginable.

Un couple,prêt à entrer sur le sol américain est intercepté à la douane de l'immigration de l'aéroport de New York.

Ils doivent rendre des comptes, justifier leur venue,leurs motivations ...

Et donc tout est épluché: leurs origines, leurs professions, les circonstances de leur rencontre,leurs précédents voyages...etc

Là où ça devient insensé, c'est qu'ils ont droit à des questions INTRUSIVES sur leur vie intime, voire sexuelle.

Deux acteurs impeccables sous tension, gardant un calme relatif vu les enjeux des interrogatoires.

Une direction d'acteurs très réussie de ces 2 réalisateurs espagnols:Vasquez et Rojas.

Je recommande...vraiment.

 

Polars historiques de PHILIPPE KERR

 

PHILIPPE KERR

Avez-vous déjà lu un livre de cet écrivain prolifique,décédé en 2018 ?

D'origine écossaise,ce britannique est connu pour sa trilogie berlinoise et de nombreux autres romans de la série BERNIE GUNTHER,nom de ce détective privé,ex-policier qui mène des enquêtes dans l'Allemagne nazie d'avant-guerre et d'après-guerre.

Immense succès de librairie dans les années 90 et suivantes...Succès qui s'explique par les multiples facettes de ces thrillers historiques,mêlant l'enquête policière,le contexte de cette Allemagne,sa montée en puissance suivie de la chute après 1945.

De formidables portraits psychologiques des protagonistes historiquement célèbres ou fictifs

L'écrivain réussit à nous accrocher à ses enquêtes avec ses errements,ses ratés,ses bonnes surprises,en y insérant sa touche personnelle ... et beaucoup,...beaucoup d'humour.

C'est pétillant.

C'est écrit avec légèreté.

Quel talent!!!

Les 3 volets de LA TRILOGIE:Berlin:1936/ Berlin 1938/ Vienne 1947.

Cette trilogie est parue en BD: très réussi.

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Il y a aussi:

* La mort,entre autres***

*Les ombres de Katyn.

* L'offrande grecque....etc

 

                                                1ère de couverture de la BD: