LE COUP DU FOU*** de Alessandro Barbaglia

LIVRE

Sous le charme de ce livre qui m'a emportée,passionnée sur l'incroyable destin de Bobby Fischer,le célèbre champion d'échecs.Rapidement,on comprend l'impact qu'a eu ce nom iconique sur le narrateur enfant,lorsque sous la table, il entendait son père et des amis évoquer ce nom.L'impact,cad les questions qui ont surgi,les enjeux surtout de ce duel au sommet en 1972 à  Reykjavik entre Fischer et Spasski,entre USA et URSS,mais aussi entre Achille et Ulysse de l'Iliade d'Homère,car ces 2 héros de la guerre de Troie sont convoqués dans le récit et apportent une dimension universelle,transhistorique à l'affrontement échiquéen.Deux génies,deux psychologies,deux stratégies.L'une fougueuse,imprévisible avec ses fulgurances à la manière d'Achille,l'autre dédiée à la ruse,celle du calme tempérament d'Ulysse.L'un,Spasski a la patience du chat,l'autre,Fischer est un chien fou.On s'attache à ce Bobby,enfant solitaire,père absent,mère peu présente... qui finalement ne sait faire qu'une chose:jouer aux échecs,mais de quelle manière!!!

Spasski évoque au narrateur ,son père,psychologue réputé qui soigna un enfant à distance, ce dernier refusant tout contact avec le monde extérieur, en prononçant ces seules paroles:"Je suis là",p140.Un peu comme Spasski qui jamais ne s'énerva face aux attitudes d'enfant gâté de Fischer,acceptant ses exigences irrationnelles,il resta patient,courtois,percevant clairement la fragilité psychologique de son adversaire,ce géant de1,85 m ...aux pieds d'argile.

Pas nécessaire d'être un fin connaisseur des échecs pour apprécier ce récit à l'écriture légère,pleine de clins d'oeil et surtout d'humanité.Et puis on refait un petit tour de piste dans l'Iliade,au chant 9,p141 et au chant 21,p119.Je recommande ce livre paru en 2023. 

Voici une courte vidéo de cet instant,p92.... du mardi 11 juillet 1972/1ère partie où tout le monde attend Fischer,y compris Spasski qui se demande quoi.Finalement,Bobby entre,serre la main de Spasski,la partie commence,Spasski avec les blancs ouvre avec le pion en d4,Fischer répond avec le cavalier en f6.Rapidement, Fischer est énervé par les caméras et il va trouver l'arbitre...Spasski reste imperturbable.

Voici le lien: ttps://www.youtube.com/watch?v=L8MlGHJKAuM&ab_channel=AxiomDigitalHues

 

                                   

 

MEMORY de Michel Franco

 FILM

Je viens de voir ce film sensible,tendre qui raconte avec délicatesse la rencontre de deux êtres fragiles,perdus,marqués par leur histoire passée ou présente.L'un,Saül connaît des troubles de la mémoire et Sylvia ne se remet pas d'un passé lourd, compliqué.Les deux acteurs jouent dans la simplicité et l'authenticité.

Jessica Chastain : remarquable dans la sensibilité et la retenue.Son jeu n'est jamais monothématique,monotone.On s'attache à son cheminement,on découvre ses tourments,ses difficultés par petites touches.Quant à Peter Sarsgaard,son rôle de Saül lui a valu la récompense de l'interprétatation masculine à la dernière Mostra de Venise.

Je recommande vivement.

Le royaume désuni de Jonathan Coe

 LIVRE

Livre très plaisant,qui suit la vie d'une famille sur trois générations,de l'année 1945 à 2021.L'écrivain britannique a épinglé 7 événements marquants du Royaume Uni depuis le 8 mai 1945,jour de la Victoire au 8 mai 2020,en passant par le couronnement d'Élisabeth,les funérailles de Lady Di en1997....etc.Ainsi la boucle est bouclée.Il revisite la grande histoire du pays à travers le regard des membres d'une famille,leurs réactions aux grands événements,la construction de leur vie dans une petite ville,nommée Bournville.En effet chacun va vivre et ressentir à sa façon des faits tels que le Brexit,où transparaît la déception de l'auteur,le Covid qui donne lieu à un chapitre assez émouvant,celui de Mary,la grand-mère,longtemps confinée qui,à 80 ans,bravant les interdits décide de monter dans sa voiture et de rejoindre sa maison natale et ses nouveaux occupants.Émouvant et cocasse.C'est aussi l'occasion de relire des extraits de quelques discours célèbres de l'histoire,celui du roi George V et de Churchill en mai 45...Bref,une lecture agréable avec des passages assez drôles.

Le monarque des ombres*** de JAVIER CERCAS

 

LIVRE***

Prix Femina Étranger 2018

Rarement...,j'ai eu envie de relire un livre une fois refermé.C'est le cas cette fois.J'ai été séduite par le récit,par l'écriture,par les références historiques à cette guerre d'Espagne que je connais peu,mais aussi par le cheminement existentiel de cet écrivain qui rechigne d'abord à écrire l'histoire de ce grand-oncle maternel,MANUEL MENA qui s'est engagé à 19 ans en octobre 1936 dans les rangs franquistes et va être mortellement blessé en septembre 1938.Il éprouve de la honte à l'égard de ce membre de la famille engagé "du mauvais côté",puis peu à peu en retraçant son histoire,en rencontrant certains anciens qui l'ont connu dans son village natal de l'Estrémadure,il se l'apprivoise,le comprend,découvre ses questionnements...

Ce récit est palpitant,extrêmement bien construit avec une alternance de passages consacrés à la guerre civile espagnole qui fut si dévastatrice et de recherches sur les faits et gestes du soldat:son engagement dans les batailles de Teruel (p157) où il fut blessé,de Lerida (p187)et enfin la bataille de l'Èbre (p250) où il fut mortellement blessé à la hanche.Et des références littéraires qui étayent son propos.Il évoque Le désert des Tartares (p15) où Drogo attend un ennemi qui ne se montrera jamais est un peu comme sa mère,exilée vers Barcelone qui attend/espère son retour au village natal.Il illustre ses recherches par des passages de l'Iliade et l'Odyssée où les personnages de Achille et Ulysse sont mis en contre-champ (à la fin du  chant XI***),Achille qui connut une "Kalos Tanatos"comme Manuel mort si jeune.

Extraits ***:" Ne cherche pas à m'adoucir la mort, ô noble Ulysse!
J'aimerais mieux être sur terre domestique d'un paysan,
Fût- il sans patrimoine et presque sans ressources,
Que de régner ici parmi ces ombres consumées . "p291.

* J’avais également compris que l’histoire de Manuel Mena était l’histoire d’un prétendu vainqueur et d’un vrai perdant ; Manuel Mena avait perdu la guerre par trois fois : la première, parce qu’il avait tout perdu lors de cette guerre ; la deuxième, parce qu’il avait tout perdu pour une cause qui n’était pas la sienne mais celle des autres, puisque lors de cette guerre il n’avait pas défendu ses propres intérêts mais ceux d’autrui ; la troisième, parce qu’il avait tout perdu pour une cause qui n’était pas la bonne : s’il avait tout perdu pour une bonne cause, sa mort aurait eu un sens, il serait logique à présent de lui rendre hommage, son sacrifice mériterait d’être commémoré et honoré. Mais non : la cause pour laquelle Manuel Mena était mort était une cause odieuse, impardonnable..."

Et ce bel hommage à Manuel Mena:

"...Et c'est seulement alors que je réalisai que Manuel Mena cessait d'être pour moi une silhouette floue et lointaine, aussi raide, froide et abstraite qu'une statue, une funèbre légende de famille réduite à un portrait confiné au silence poussiéreux d'une remise poussiéreuse de la maison familiale vide, le symbole de toutes les erreurs et les responsabilités et la culpabilité et la honte et la misère et la mort et les défaites et l'horreur et la saleté et les larmes et le sacrifice et la passion et le déshonneur de mes ancêtres, pour devenir un homme en chair et en os, seulement un garçon digne qui en était revenu de ses idéaux, un soldat perdu dans une guerre qui lui était étrangère et dont les raisons lui échappaient."p248.

 

CIVIL WAR de Alex Garland

 FILM

Film dérangeant ET passionnant du réalisateur britannique qui nous montre une Amérique déchirée par une hypothétique guerre civile.Deux États,Le Texas et la Californie veulent faire sécession et leurs milices s'en prennent à l'armée américaine,restée fidèle à un président qui est à Washington.Une équipe de journalistes décident de rouler vers Washington,traversant des zones de guerre.A peu près seuls sur les routes,ils croisent des bandes armées,des réfugiés,des tueurs sans scrupules ... etc

De nombreuses scènes sont extrêmement violentes,d'un réalisme foudroyant.Tout est filmé,mais surtout "photographié" dans des instantanés saisissants,souvent en noir et blanc d'une beauté crépusculaire.Le spectateur est mitraillé de balles,mais aussi de photos qui immortalisent l'instant.

Ce film ne fait forcément pas l'unanimité,mais le parti pris est clairement esthétique et entièrement cinématographique.On montre,sans juger et dans cet univers totalement déshumanisé,l'accent est mis sur les liens humains entre les 4 passagers de cette Jeep de l'enfer,journalistes auxquels rien ne sera épargné jusqu'à la longue scène finale où ils pénètrent dans la Maison Blanche!

Plusieurs références,allusions jalonnent le film,notamment au début,quand Lee,la journaliste jouée par Kirsten Dunst est dans sa baignoire,à l'hôtel.Clin d'oeil à la célèbre photo de la journaliste Lee Miller , prise le jour du suicide d'Hitler en 1945,dans son appartement de Berlin.

Il y a les hélicoptères qui à un moment patrouillent dans le ciel des insurgés,vrombissements  indissolublement liés à Apocalypse Now***.On songe aussi à la récente attaque du Capitole par une bande de militants surexcités. 

                                         La célèbre photo de Lee Miller   

Description:

"La journaliste et son compagnon improvisent une séance photo dans la salle de bains où Lee Miller pose nue, le regard vague, dans la baignoire du dictateur.
Fortement symbolique, l’image devient une parabole : le portrait d’Hitler posé sur un coin de la baignoire semble contempler la scène.
Les bottes sales, encore pleines de poussière de Dachau, salissent son tapis de bain éclatant.
Le flexible de douche qui pend derrière elle nous rappelle les méthodes employées par les nazis dans les camps. Alors que Hitler vient tout juste de se donner la mort, Lee Miller l’enterre avec une ultime provocation et réalise une image tout en contrastes, qui nous raconte l’Histoire."

BORDER LINE ou La LLegada ou Upon Entry de Alejandro Rojas et Juan Sebastián Vasquez

FILM

Titre espagnol: "La Llegada":l'entrée.

Ou:Upon entry en version internationale.

Rarement vu un HUIS-CLOS d'une telle intensité.

La tension est croissante et le degré d'intrusion dans les vies est inimaginable.

Un couple,prêt à entrer sur le sol américain est intercepté à la douane de l'immigration de l'aéroport de New York.

Ils doivent rendre des comptes, justifier leur venue,leurs motivations ...

Et donc tout est épluché: leurs origines, leurs professions, les circonstances de leur rencontre,leurs précédents voyages...etc

Là où ça devient insensé, c'est qu'ils ont droit à des questions INTRUSIVES sur leur vie intime, voire sexuelle.

Deux acteurs impeccables sous tension, gardant un calme relatif vu les enjeux des interrogatoires.

Une direction d'acteurs très réussie de ces 2 réalisateurs espagnols:Vasquez et Rojas.

Je recommande...vraiment.

 

Polars historiques de PHILIPPE KERR

 

PHILIPPE KERR

Avez-vous déjà lu un livre de cet écrivain prolifique,décédé en 2018 ?

D'origine écossaise,ce britannique est connu pour sa trilogie berlinoise et de nombreux autres romans de la série BERNIE GUNTHER,nom de ce détective privé,ex-policier qui mène des enquêtes dans l'Allemagne nazie d'avant-guerre et d'après-guerre.

Immense succès de librairie dans les années 90 et suivantes...Succès qui s'explique par les multiples facettes de ces thrillers historiques,mêlant l'enquête policière,le contexte de cette Allemagne,sa montée en puissance suivie de la chute après 1945.

De formidables portraits psychologiques des protagonistes historiquement célèbres ou fictifs

L'écrivain réussit à nous accrocher à ses enquêtes avec ses errements,ses ratés,ses bonnes surprises,en y insérant sa touche personnelle ... et beaucoup,...beaucoup d'humour.

C'est pétillant.

C'est écrit avec légèreté.

Quel talent!!!

Les 3 volets de LA TRILOGIE:Berlin:1936/ Berlin 1938/ Vienne 1947.

Cette trilogie est parue en BD: très réussi.

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Il y a aussi:

* La mort,entre autres***

*Les ombres de Katyn.

* L'offrande grecque....etc

 

                                                1ère de couverture de la BD: