jeudi 10 décembre 2020

Revenir à Vienne de Ernst Lothar


LIVRE

Nous sommes en 1946,l'heure pour le héros de ce récit,exilé depuis 8 ans à New York de regagner sa chère patrie,l'Autriche et Vienne,ville chérie de son enfance.Après l'euphorie du départ,la traversée en paquebot vers l'Europe,c'est le contact brutal avec une Europe en ruines.Au Havre,ensuite à Paris et l'arrivée à Vienne défigurée,méconnaissable.

A l'emballement,à l'excitation toute juvénile,succèdent la désillusion,le constat de réalité,la déception.Bien sûr,il marche à nouveau dans les rues de Vienne,il passe devant l'Opéra,retrouve le Volksgarten où enfant,il jouait au ballon devant la statue du poète Grillparzer( p157:"...il devait y avoir des roses en fleur à droite et à gauche...il s'arrêta devant les rosiers qui fleurissaient plus abondamment que jamais,et il respira à pleins poumons le parfum du souvenir") mais les quartiers sont dévastés et la belle cathédrale Saint-Étienne a été bombardée:"Les visages étaient maigres et hostiles,les maisons misérables ou en ruine,tout était infiniment gris." Même au cimetière, la tombe de son père a disparu,l'emplacement vide.

De même,une ambiance délétère règne chez les gens.Méfiance,rancoeurs,suspicions,voire règlements de compte sont au programme.Ils se déchirent,tous sont à fleur de peau.Les Viennois privés de tout sont soupçonneux,envieux vis-à-vis de ces exilés revenus au pays,apparemment en forme et nantis et que dire des familles dont les leurs ont été gazés par les Nazis.C'est terrible.

Dès lors,la jeune fille retrouvée,amour de sa jeunesse et restée à Vienne n'a-t-elle pas collaboré?n'a-t-elle pas été complaisante avec les Allemands,voire plus?C'est en tout cas ce que certains soupçonnent.Ce retour au pays natal,à Vienne commencé sous les meilleurs auspices se révèle de plus en plus problématiques et douloureux.

Le récit date de l'après-guerre.L'écrivain,proche d'Arthur Schnitzler et Stefan Zweig s'est inspiré de sa propre expérience.La traduction en français est récente:2019.L'écriture est d'une grande modernité,elle est légère,alerte,avec des passages pleins d'humour,de dérision (p64:"On trouverait bien le moyen de venir à bout de ces petites cicatrices blanches du visage...on était bien venu à bout d'Hitler..."!!!) et bien sûr,les thèmes et les leçons du passé ne peuvent qu'éclairer notre présent et notre avenir.

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