LIVRE
Quel grand écrivain que ce Sylvain Tesson!
Quel conteur!
Après "L'axe du loup",récit recommandé par Andreï Makine himself,je termine Berezina.
L'écrivain nous y emmène dans une folle équipée entreprise en 2012 avec 2 comparses sur les traces de Napoléon.Sa façon à lui de célébrer le bi-centenaire de cette bataille de la Moskova (Borodino pour les Russes),suivie de la catastrophique retraite de Russie de la Grande Armée.
C'est la construction de ce récit qui est si réussie.En effet,les rappels historiques,les jours,les lieux précis,les faits de 1812 sont subtilement mêlés au voyage entrepris 200 ans plus tard par nos jeunes "fous" aventuriers.Avec eux,on s'arrête dans une auberge où Napoléon bivouaqua,on contemple les plaines,les arbres,les routes enneigées que traversèrent les soldats français talonnés par les cosaques et les troupes de Koutouzov.
Avec eux,on revit la souffrance,le courage,le désespoir ...surtout l'héroïsme de ces soldats galvanisés par un seul homme.On se recueille devant le pont de la Berezina où des pontonniers ont construit dans l'urgence des ponts permettant le passage de soldats qui s'y sont engouffrés causant leur perte.Ces pontonniers mourant très vite dans une eau glacée.
On vit avec eux leurs ennuis mécaniques,leur lutte contre le vent et la neige qui souvent les aveuglent,les handicapent dans le side-car, moyen de transport qu'ils ont choisi pour refaire Moscou-Paris.4.000 kms de trajet.
Certains passages de cet incroyable récit de voyage relèvent de la grande,toute grande Littérature.Quelques exemples,notamment,sa magnifique définition de ce qu'est un haut-lieu (de mémoire):
Gras me toucha le bras :
" Ici, c'est un haut lieu, vois-tu.
_ Qu'est-ce qu'un haut lieu ? lui dis-je
_ Un haut lieu, dit-il, c'est un arpent de géographie fécondé par les larmes de l'Histoire, un morceau de territoire sacralisé par un geste, maudit par une tragédie, un terrain qui, par-delà les siècles, continue d'irradier l'écho des souffrances tues ou des gloires passées. C'est un paysage béni par les larmes et le sang. Tu te tiens devant, et soudain, tu éprouves une présence, un surgissement, la manifestation d'un je-ne-sais-quoi. C'est l'écho de l'Histoire, le rayonnement fossile d'un événement qui sourd du sol, comme une onde. Ici, il y a une telle intensité de tragédie en un si court épisode de temps que la géographie ne s'en est pas remise. Les arbres ont repoussé, mais la Terre, elle, continue à souffrir. Quand elle boit trop de sang, elle devient un haut lieu. Alors, il faut la regarder en silence car les fantômes la hantent. "p115.
"Comment devient-on ce que l'on est? C'était la question que le destin de Napoléon nous posait."p24.
"La neige faisait pleuvoir le silence sur la route."p63.
Quelques pages très touchantes aussi sont consacrées au calvaire enduré par les chevaux lors de cette retraite.Victimes innocentes,sacrifiées dans cet enfer de la guerre.
Sylvain Tesson ose aussi poser des questions essentielles dans les dernières pages du récit.
Sur Napoléon,sa lucidité ou son aveuglement,son humanité ou son insensiblité face à ces tonnes de souffrance. Génie militaire et civil certes,mais fou aussi,aveuglé par ce désir de grandeur ... de la France?
Réflexion aussi sur les valeurs d'hier et d'aujourd'hui,sur le service de la patrie,le sens de ces morts....Voici un dernier extrait:
" «Il y a deux siècles, des mecs rêvaient d’autre chose que du haut-débit. Ils étaient prêts à mourir pour voir scintiller les bulbes de Moscou.»
Quel grand écrivain que ce Sylvain Tesson!
Quel conteur!
Après "L'axe du loup",récit recommandé par Andreï Makine himself,je termine Berezina.
L'écrivain nous y emmène dans une folle équipée entreprise en 2012 avec 2 comparses sur les traces de Napoléon.Sa façon à lui de célébrer le bi-centenaire de cette bataille de la Moskova (Borodino pour les Russes),suivie de la catastrophique retraite de Russie de la Grande Armée.
C'est la construction de ce récit qui est si réussie.En effet,les rappels historiques,les jours,les lieux précis,les faits de 1812 sont subtilement mêlés au voyage entrepris 200 ans plus tard par nos jeunes "fous" aventuriers.Avec eux,on s'arrête dans une auberge où Napoléon bivouaqua,on contemple les plaines,les arbres,les routes enneigées que traversèrent les soldats français talonnés par les cosaques et les troupes de Koutouzov.
Avec eux,on revit la souffrance,le courage,le désespoir ...surtout l'héroïsme de ces soldats galvanisés par un seul homme.On se recueille devant le pont de la Berezina où des pontonniers ont construit dans l'urgence des ponts permettant le passage de soldats qui s'y sont engouffrés causant leur perte.Ces pontonniers mourant très vite dans une eau glacée.
On vit avec eux leurs ennuis mécaniques,leur lutte contre le vent et la neige qui souvent les aveuglent,les handicapent dans le side-car, moyen de transport qu'ils ont choisi pour refaire Moscou-Paris.4.000 kms de trajet.
Certains passages de cet incroyable récit de voyage relèvent de la grande,toute grande Littérature.Quelques exemples,notamment,sa magnifique définition de ce qu'est un haut-lieu (de mémoire):
Gras me toucha le bras :
" Ici, c'est un haut lieu, vois-tu.
_ Qu'est-ce qu'un haut lieu ? lui dis-je
_ Un haut lieu, dit-il, c'est un arpent de géographie fécondé par les larmes de l'Histoire, un morceau de territoire sacralisé par un geste, maudit par une tragédie, un terrain qui, par-delà les siècles, continue d'irradier l'écho des souffrances tues ou des gloires passées. C'est un paysage béni par les larmes et le sang. Tu te tiens devant, et soudain, tu éprouves une présence, un surgissement, la manifestation d'un je-ne-sais-quoi. C'est l'écho de l'Histoire, le rayonnement fossile d'un événement qui sourd du sol, comme une onde. Ici, il y a une telle intensité de tragédie en un si court épisode de temps que la géographie ne s'en est pas remise. Les arbres ont repoussé, mais la Terre, elle, continue à souffrir. Quand elle boit trop de sang, elle devient un haut lieu. Alors, il faut la regarder en silence car les fantômes la hantent. "p115.
"Comment devient-on ce que l'on est? C'était la question que le destin de Napoléon nous posait."p24.
"La neige faisait pleuvoir le silence sur la route."p63.
Quelques pages très touchantes aussi sont consacrées au calvaire enduré par les chevaux lors de cette retraite.Victimes innocentes,sacrifiées dans cet enfer de la guerre.
Sylvain Tesson ose aussi poser des questions essentielles dans les dernières pages du récit.
Sur Napoléon,sa lucidité ou son aveuglement,son humanité ou son insensiblité face à ces tonnes de souffrance. Génie militaire et civil certes,mais fou aussi,aveuglé par ce désir de grandeur ... de la France?
Réflexion aussi sur les valeurs d'hier et d'aujourd'hui,sur le service de la patrie,le sens de ces morts....Voici un dernier extrait:
" «Il y a deux siècles, des mecs rêvaient d’autre chose que du haut-débit. Ils étaient prêts à mourir pour voir scintiller les bulbes de Moscou.»
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