dimanche 8 juillet 2018

LE LAMBEAU de Philippe LANÇON

LIVRE

Tu lis ce "roman" ... et tu ne te plains plus jamais!!!

PHILIPPE LANÇON,journaliste à Libé,grièvement blessé lors de l'attentat contre Charlie Hebdo,le 7 janvier 2015 partage ce drame terrible qui l'a laminé.
La veille,le matin,l'instant fatal,les secours,l'hôpital...et puis,et puis... la lente et douloureuse reconstruction faciale,l'invraisemblable série d'interventions chirurgicales entre confiance et désespoir.

L'écrivain parvient à garder son lecteur,car au-delà des détails concrets de ce chemin de croix médical,lui reviennent des souvenirs d'enfance,des sensations oubliées et ravivées,mais surtout ce sont des lectures-clés qui l'accompagnent lorsqu'il se rend au bloc:
PROUST ( la mort de la grand-mère),Thomas MANN (la Montagne Magique,p398),mais aussi KAFKA (Lettres à Milena)...Il s'accroche à ces livres,comme un naufragé à ses bouées de sauvetage.
La musique aussi lui est précieuse,celle de Bach.Certains films...
Ses proches,ses parents,sa compagne,ses amis sont là bien sûr,mais des liens humains d'une grande intensité se tissent avec le personnel hospitalier:les infirmières,les kiné,sa chirurgienne Chloé...Ces êtres qui l'accompagnent,le réconfortent,soulagent douleur physique autant que perdition mentale.
Car il ne sait plus exactement s'il appartient encore au monde des vivants... ou si une partie de lui s'en est allée avec les morts.
Cet entre-deux,ce purgatoire flottant,ce sas de décompression sont désormais son quotidien.
Et puis,...c'est le premier yaourt,p400...un "simple yaourt nature avec un peu de sucre".Première nourriture solide qu'il ingurgite depuis le 7 janvier...

Jamais misérabiliste,bouleversant d'humanité,ce livre est surtout remarquablement écrit.
( LE LAMBEAU est un terme qui désigne notamment "une greffe du péroné sur ce qui reste de mâchoire pour combler un déficit d'os."p249.)


Voici quelques extraits qui m'ont touchée:
"Il m’avait fallu atterrir en cet endroit, dans cet état […] pour sentir ce que j’avais lu cent fois chez des auteurs sans tout à fait le comprendre : écrire est la meilleure manière de sortir de soi-même, quand bien même ne parlerait-on de rien d’autre que de soi."

"Mes parents sont arrivés...je les ai regardés d'en bas et perpendiculairement ...Eux souffraient,je le voyais,mais moi,je ne souffrais pas,j'étais la souffrance."p129

Un souvenir du marché de Mogadiscio lui revient,celui d'une fillette avec une kalachnikov,p272...Voici ce qu'il écrit:
"Je me suis rappelé cet instant...je l'ai vu comme né d'un autre,parce que je n'étais absolument plus celui qui l'avait vécu."





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