vendredi 30 janvier 2015

LE FILS de Philipp MEYER

                                        

    LIVRE 
 
Presque 700 pages pour nous raconter une saga familiale qui s'étend sur 3 générations au Texas.Ce récit s'articule en effet autour de 3 personnalités, 3 tempéraments forts: deux hommes et une femme.Nécessaire variété pour cette Somme,car à chaque chapitre, on change de personnage , mais aussi d'époque.

Le premier personnage , haut en couleur est le Patriarche,Eli,appelé aussi Le Colonel.
Enlevé par les Comanches à l'âge de 11 ans, il a appris d'eux  l'art du combat,de la chasse,leurs coutumes alimentaires,tribales,amoureuses...
Comment tanner des peaux,comment fabriquer des arcs et des flèches,comment voler des chevaux,  tuer et scalper? Cette vie sauvage est passionnante à découvrir.
Le petit-fils du Colonel ,Peter,lui,rompt avec son héritage culturel,idéologique et financier.Il n'en a que faire des découvertes pétrolières,du ranch de son grand-père.L'argent l'intéresse peu,lui qui tombe amoureux fou d'une hispanomexicaine,fille d'un "serviteur" assassiné par la descendance d'Eli.
Deux générations plus tard (Philipp Meyer a eu la judicieuse idée d'imprimer un arbre généalogique ,en début de livre...) ,Jeannie reprend les traditions,s'intéresse au pétrole.
Mais c'est un personnage féminin très atypique,peu engageant qui nous est proposé.Elle n'est que contradictions et désillusions.Éternellement insatisfaite,cherchant en même temps l'amour, l'amant,traversée de doutes,surtout de doutes sur elle,son charme,sa capacité à être aimée.Doutes sur ses choix financiers et amoureux,doutes sur ses enfants.Désintéressée,elle aime l'argent et en veut toujours plus,elle qui n'a jamais manqué de rien et a bâti une fortune pour ses héritiers.Tour à tour touchante et distante,voire complètement indifférente et inaccessible.Cette femme m'est apparue si démunie,démunie d'elle-même,des siens...En somme,une héroïne tragique,jouet du destin,héritière improbable d'une dynastie...On pense parfois et à raison à "DALLAS",la célèbre série télévisée.

Un extrait du début du roman pour illustrer ce personnage:

"...même enfant,elle avait été seule.La ville appartenait à sa famille.Elle trouvait les gens absurdes.Les hommes,avec qui elle avait des tas d'affinités,ne voulaient pas d'elle.Les femmes,avec qui elle n'en avait aucune,souriaient trop grand,riaient trop fort,et lui faisaient surtout penser à de petits chiens aux vies noyées dans la décoration d'intérieur et l'observation des tenues d'autrui.Il n'y avait jamais eu de place pour quelqu'un comme elle."

Grande maîtrise de la narration chez cet écrivain américain qui a expliqué à François Busnel dans "La Grande Librairie" comment il a vécu de l'intérieur,concrètement les épisodes indiens de son roman, en goûtant du sang de bison, en découpant des morceaux d'animal sauvage,en apprenant à fabriquer des flèches ,en vivant dans ce Texas sauvage et inhospitalier des "Llanno".
Les 3 types de narration varient,évitant la lassitude du lecteur:tantôt en JE(Eli),tantôt en ELLE(Jeannie),tantôt sous la forme d'un journal intime(Peter).
C'est un entrelacs intelligent de voix, d'événements,de tempéraments.
Une vraie réussite littéraire

                                           


Photo de PHILIPP MEYER. 



 

dimanche 25 janvier 2015

THE IMITATION GAME de Mortem Tyldum

                                     
                                         
FILM

Un film formidable sur un homme d'exception: ALAN TURING.
Mathématicien hors pair,petit génie précoce,passionné de mots croisés,ce solitaire,marginal a donc changé le cours de l'Histoire avec un grand H.
Grâce à une machine digne des laboratoires les plus sophistiqués,il est parvenu à décrypter des messages allemands codés.Les Alliés ont pu dès lors anticiper et déjouer des plans d'attaque de l'ennemi.La guerre 40-45 a alors connu un nouveau virage au profit des Alliés.

Le film réussit fort habilement à nous faire vivre l'aspect historique(quelques images impressionnantes du Blitz et des londoniens réfugiés dans le métro) ET individuel.
C'est l'écorché vif,le trop sensible,l'inhibé,l'asocial qu'un petit groupe va finir par accepter et soutenir.Ce sont aussi les instances militaires,politiques,impatientes d'un résultat concret sur le décryptage de la machine ENIGMA que le film met en scène.
Comment croire en cet hurluberlu?Comment  allouer les crédits nécessaires à sa machine? 
Pas toujours évident pour un politique de miser sur cet improbable personnage.
Et pourtant,"he did it". 
Une phrase très forte est redite à plusieurs reprises pendant le film:
"Parfois ce sont ceux dont on n'attend rien qui font des choses auxquelles nul ne s'attend"!!! 

Retenez le nom de cet acteur:Benedict Cumberbatch,remarquable de sensibilité et d'expressivité.Tout le casting est du reste convaincant et ce n'est pas pour rien que le film est nommé dans huit catégories différentes aux Oscars ... Wait and See.

Un site regorge d'infos sur ce personnage hors du commun,Alan TURING.Voici le lien:

 http://www.ccec.be/fichiers/programmes/2014a2015/19theimitationgame.html
 Et pour finir une image de cette fine équipe,dont une femme interprétée par Keira Knightley

                                      


  Enfin pour ceux qui pratiquent l'anglais,voici le concept du test de TURING,alias "The imitation game" (extrait d'un article de Wikipedia):

 The test was introduced by Alan Turing in his 1950 paper "Computing Machinery and Intelligence," which opens with the words: "I propose to consider the question, 'Can machines think?'" Because "thinking" is difficult to define, Turing chooses to "replace the question by another, which is closely related to it and is expressed in relatively unambiguous words." Turing's new question is: "Are there imaginable digital computers which would do well in the imitation game?" This question, Turing believed, is one that can actually be answered. In the remainder of the paper, he argued against all the major objections to the proposition that "machines can think".    

                                (caractères gras de moi).

samedi 24 janvier 2015

INTERSTELLAR de Christopher Nolan


                             
FILM

Un film de science-fiction nous plonge dans un futur proche ... ou lointain,en stigmatisant les dangers,dérives,limites de notre monde présent.
Dans "Interstellar" ,les Terriens menacés de famine à long terme,cherchent des portes de sortie vers l'univers sidéral,vers d'autres galaxies.
Une famille en particulier est le moteur humain d'une telle expérience.
Le père (un Matthew MacConaughey,toujours performant),un ancien pilote de la NASA  reconverti en agriculteur,reprend du service.L'enjeu est simple:trouver pour les humains un lieu de survie,fût-il transgalactique.Décision cruelle pour ce père qui laisse derrière lui sa famille et particulièrement sa fille,Murphy qui lui est si attachée.
Le film alterne intelligemment les deux lieux,terrestre et modulaire.Les images souvent sublimes,toujours spectaculaires donnent vie à des termes scientifiques tels que "trou noir,ondes gravitationnelles,faille spatio-temporelle..." 
L'émotion est aussi au rendez-vous,notamment dans une des dernières scènes ,un simple champ/contrechamp où père et fille entrent en contact grâce à la grande aiguille de leurs montres qui oscille et envoie des données en morse?

La thématique du Temps,de la temporalité  continue à intéresser Christopher Nolan.
Son premier film "MEMENTO" était à lire à l'envers.De même,"INCEPTION" sondait les états de conscience et le rêve ...
Un bémol,quand même , cette musique insipide qui colle si peu à l'histoire...ou bien est-on marqué par le Beau Danube Bleu qui donnait le tempo à "2001, l'odyssée de l'espace" de Stanley Kubrick. 


                                                   


dimanche 4 janvier 2015

HIPPOCRATE de Thomas Lilti

                                                           


FILM

Ce film mérite amplement la bonne réputation qui a accompagné sa sortie.
Il traite d'un phénomène bien d'actualité, puisqu'en France les fêtes de Noël se sont déroulées sur fond de grève des médecins et urgentistes: l'ambiance délicate, tendue,stressante du milieu hospitalier.
Le sujet est intelligemment traité sans tomber dans la caricature.C'est sûrement lié à l'excellent choix des acteurs,tous convaincants, crédibles,justes.
Je citerai notamment Marianne Denicourt et Reda Kateb, son personnage tout en nuance tient la route.Il y a aussi une vraie histoire qui pose la question incontournable de l'erreur médicale et de l'immense responsabilité des jeunes internistes.

Ce 20 février 2015, Reda Kateb a obtenu le César du meilleur acteur dans un second rôle.Bravo!!!

Pour ceux qui connaissent l'oeuvre de MARTIN WINCKLER , je recommande la lecture de son avis après le film.Voici le lien:

 
http://www.telerama.fr/cinema/martin-winckler-hippocrate-m-a-ramene-trente-ans-en-arriere,116426.php

dimanche 28 décembre 2014

LE PREMIER HOMME d'Albert CAMUS

                

  LIVRE 

Ce titre m'a toujours semblé si rébarbatif,peu engageant.
Récemment,lors de l'émission "La grande librairie" (Fr5) consacrée au livre qui a changé notre vie, un intervenant a évoqué  l'oeuvre de CAMUS et cet ouvrage posthume.
Il faut savoir qu'un manuscrit de +/- 140 pages de brouillon indéchiffrable a été retrouvé dans une sacoche après l'accident de voiture qui coûta la vie à l'écrivain.
J'ai donc commencé cette lecture pour mon plus grand bonheur.

Rien que le premier chapitre est une merveille. ( Je l'ai relu 3X!!!).En voici la teneur:

Un homme, une femme dans une charrette,quelque part en Algérie.
La pluie arrive,d'abord finement, ensuite en averses abondantes.
La femme a mal.On apprend qu'elle va accoucher...
L'homme prend les rênes pour accélérer le rythme.
Ils arrivent à une maison, nouvelle,leur maison.
L'homme part en quête d'un docteur dans ce bled qu'il ne connaît pas.
Quand il revient, un nouveau-né est là, un garçon. 

On l'aura compris, cet enfant , c'est Albert Camus qui s'appellera dans le roman,Jacques.
40 ans plus tard,l'enfant devenu homme se rend au cimetière de Saint-Brieuc saluer la mémoire de son père tombé au champ d'honneur( en octobre 1914 ).
D'abord indifférent, Jacques s'émeut quand il réalise l'âge auquel son père est décédé:30 ans.Plus jeune que lui qui en a 40.Du coup, c'est plein de compassion et de désir d'en savoir plus sur ce père ignoré que le fils avance.

S'ensuivent des pages magnifiques sur les lieux de cette enfance algérienne, sur les retrouvailles avec sa mère ....
Quel style si particulier, des mots toujours appropriés, signifiants,bien qu'inattendus.
En voici 2,3 exemples: 

" Et le flot de tendresse et de pitié qui d'un coup vint lui emplir le coeur n'était pas le mouvement d'âme qui porte le fils vers le souvenir du père disparu,mais la compassion bouleversée qu'un homme fait ressent devant l'enfant injustement assassiné -- quelque chose ici n'était pas dans l'ordre naturel et,à vrai dire,il n'y avait pas d'ordre mais seulement folie et chaos là où le fils était plus âgé que le père....  p35.

L'enfant,pris entre les deux déserts de l'ombre et du soleil,se mettait à tourner autour de la table ... en répétant:"Je m'ennuie!Je m'ennuie" ... p51

A l'hôtel,il demanda la chambre qu'il avait retenue,refusa les services de la femme de chambre qui avait une figure de pomme de terre et qui voulait porter son bagage... p31. 



samedi 20 décembre 2014

LE LOUP DE WALL STREET de Martin Scorsese



FILM

Un extrait du début du film est devenu culte !!! 
Si  vous le connaissez,réécoutez-le.
Si vous ne le connaissez pas,découvrez-le.

 https://www.youtube.com/watch?v=2YCHmOAbJBs
 ( clic droit et ouvrir avec Google : https://www.youtube )

BONNE  ANNÉE  CINÉMA    2015   à tutti. Nadine.

                     En route pour de nouvelles découvertes sensationnelles.

 

vendredi 19 décembre 2014

BLACK COAL,THIN ICE de Diao YINAN


                                                      
                                        
FILM

Ce polar à l'ambiance glauque,glaciale présente de grandes qualités visuelles.De nombreux plans séquences, des scènes de nuit principalement éclairées de lumières artificielles jaune/ocre,de longs silences dérangeants, beaucoup de lenteur ... et SURTOUT le visage totalement fermé et ambigu de l'héroïne du film, tout cela contribue à une ambiance sombre,proche d'un mauvais rêve.

Pour ce qui est de "l'enquête policière",je reste très interrogative.Comment réunir les pièces du puzzle,à savoir des morceaux de corps humains retrouvés sur des wagonnets de charbon,une veste en peau jamais récupérée chez un teinturier,des patins à glace comme arme du crime,un flic picoleur quelque peu chancelant ?

Trop de questions sans réponses:

Qui sont l'homme et la femme de la première scène? L'enquêteur et sa femme?
Quel est le sens de la séquence du salon de coiffure,théâtre d'une tuerie à la "Tarentino"?
Qui est l'assassin aux patins à glace?
Que cache le visage énigmatique l'épouse de la première victime?

Le film a visiblement plu au jury du dernier festival de Berlin ( 15 février 2014) qui l'a récompensé de L'OURS d'OR.L'acteur qui interprète l'enquêteur a lui obtenu L'OURS d'ARGENT du meilleur acteur.