dimanche 26 novembre 2017

VERNON SUBUTEX tome 3

LIVRE

Ce Tome 3 de Vernon Subutex m'a semblé moins percutant.
Moins d'intérêt,moins de fébrilité dans ma lecture,comme une lassitude qui s'est installée malgré des faits nouveaux:Vernon quitte un moment le groupe,un improbable héritage se fait miroiter,une vengeance s'accomplit,mais les personnages évoluent peu.
On les retrouve tels qu'on les avait rencontrés dans le tome 2,gravitant autour du charismatique disquaire.La description de certains personnages comme la Véro,Sylvie ou Dopalet...qui s'étend sur des pages m'a semblé moins pertinente,moins originale.
Cela étant,la belle écriture de Virginie Despentes est toujours au rendez-vous. 

vendredi 24 novembre 2017

THE SQUARE de Ruben Östlund

FILM

Palme d'or du festival de Cannes 2017.
Film désarçonnant,déroutant,imprévisible surtout... En effet,le spectateur est sans cesse surpris par la tournure des événements,par ce qui arrive à Christian,directeur du Musée d'art contemporain de Stockholm,propre sur lui,beau gosse,éloquent jusqu'au baratinage à qui on dérobe portefeuille et téléphone dans des circonstances rocambolesques.
On rit souvent et on est parfois mal à l'aise devant certaines scènes poussées à bout.
L'intention du cinéaste est sûrement de nous faire réagir,de venir nous chercher dans notre frilosité d'occidental,de nanti qu'il stigmatise à travers l'histoire.
Le personnage principal perd peu à peu de sa superbe,de son arrogance.Il devient réceptif aux autres (à l'étranger,au mendiant..),il s'humanise,s'amende,s'excuse aussi d'avoir traité un gosse de voleur.
On l'aura compris ,le film porte des valeurs et un beau message de solidarité.Il le fait avec drôlerie en poussant à l'extrême les situations,le propre d'une comédie.
Malheureusement,on sent trop cet aspect bien pensant,ce contenu moral.Certaines scènes n'en finissent pas,le film est trop long et la place laissée aux dialogues est excessive.
On n'en peut plus de cette logorrhée du directeur,des assistants...
Plus court et moins bavard,le film aurait gagné en intensité.

                                         



 

mardi 21 novembre 2017

A BEAUTIFUL DAY ou "You Were Never Really Here" de Lynne Ramsay

FILM

Si on en doutait encore,Joaquin Phoenix vient confirmer son immense talent.
Énorme,bouffi,barbu,complètement halluciné,l'acteur avec ses grands bras et ses larges épaules envahit l'écran,le remplit totalement.
C'est juste incroyable.Les trottoirs,le métro,les autos.. semblent flotter autour de lui.

On est vraiment dans la peau de ce Joe,homme ténébreux,torturé,emmuré dans ses émotions.Joe,sorte de tueur à gages à qui on confie d'improbables missions comme celle de délivrer la fille d'un sénateur récemment kidnappée.
Mission de tous les dangers bien sûr pour cet homme qui semble vivre à côté de sa vie,comme un somnambule,tant il est hanté par ses souvenirs d'enfant maltraité et de soldat traumatisé.De courts flashback les évoquent.
Il faut donc souligner la maîtrise de la mise en scène avec cette alternance de séquences lentes et de moments fulgurants d'une grande violence.La bande sonore,la musique participent aussi au suspens,car c'est bien un thriller auquel on est scotché dès les premiers plans trash.
Ce film est une très belle oeuvre d'art.Il confirme l'originalité et le talent de la cinéaste britannique qui parvient à nous toucher par une présence corporelle,par des regards intenses où se lisent douleur et impuissance. 
Deux prix ont récompensé le film au festival de Cannes:le prix d'interprétation masculine et le prix du scénario.
                                              
 




 

vendredi 17 novembre 2017

Tiens ferme ta couronne de Yannick HAENEL

LIVRE...COUP DE COEUR***

Embarqué sur une phrase extraite de Moby Dick du grand écrivain américain Herman Melville,l'écrivain se lance dans une fantastique aventure romanesque et y entraîne le lecteur ébahi.
Cette phrase,c'est:"l'intérieur mystiquement alvéolé de la tête du cachalot".
Une aventure qui commence par un voyage à New York où la rencontre avec le cinéaste Michael Cimino sera déterminante.L'écrivain,cinéphile passionné connaît tous ses films,il les a vus et revus,il les connaît de l'intérieur et en a approché la vérité,le sens sacré.

On revient ensuite à Paris où on suit les péripéties du narrateur,ses rencontres,sa vie diurne ...et nocturne,ses excès en tous genres,mais aussi... ses interrogations,ses rêveries,sa quête personnelle à savoir la recherche de moments de grâce que recèle tout film,de moments où l'impossible se produit,où un geste prévisible se dérobe,geste du chasseur qui n'abat pas sa proie...moments de défaite,d'échec apparent aussi dont le film Fitzcarraldo est le symbole (Son héros tente de faire passer un bateau au-dessus d'une colline!!!)...  folie aussi dont le colonel Kurtz est la figure emblématique dans Apocalypse Now.

Ce roman est passionnant.Son écriture est à la fois simple et majestueuse.
Chaque phrase se déploie,s'étend et s'achève telle une vague qui nous submerge et nous laisse pantelants.

Le Prix Médicis 2017 vient de lui être attribué.
Philippe Cauché dans La cause littéraire écrit:"C'est un roman touché par la grâce."

On l'aura compris,l'écrivain est aussi un cinéphile averti qui par le biais d'un roman s'est fait plaisir.Plusieurs scènes culte de ses films favoris sont décrites,analysées,revisitées,ce qui ne peut qu'inciter le lecteur à entreprendre la même démarche,... ce que j'ai fait.

Voici quelques passages que j'ai aimés:

"J’ai dit qu’à l’époque j’étais fou -disons que j’étais possédé : les noms, les livres, les phrases, les films n’arrêtaient pas de vivre à l’intérieur de ma tête, ils se donnaient des rendez-vous pour former entre eux des extases, sans même que je puisse les séparer. J’étais littéralement habité par ce flux de noms, de phrases, de titres de livres et de films dont la circulation s’était progressivement substituée à mon souffle et à mes nerfs. […]
Chaque nom en allumait un autre, ça ne finissait jamais : je passais mes journées à me réciter des listes, des bouts de phrases, des citations, et tout se mettait en rapport et s’ouvrait démesurément, comme une terre sans limites, avec des flammes de bonheur qui s’arrachent au monde éteint.
On peut considérer, bien sûr, que j’étais malade, mais cette vie des noms dont j’étais chargé me rendait étrangement plus léger, comme si, à chaque instant, le daim blanc de Melville m’apparaissait. Voilà : je vivais au milieu d’un cortège de daims blancs, et en un sens, c’était cela ma folie, mais c’était aussi ma gloire, parce que dans ce cortège qui défilait dans ma tête, j’étais accueilli : évoluer parmi les noms me donnait des ailes.p26.


 Depuis mon retour de New York, j'avais la certitude de détenir un secret. Et j'étais assez fou pour croire qu'il circule à travers des films ; assez fou pour imaginer qu'il soit possible d'y accéder. Ce secret, je l'avais cherché à travers les films de Michael Cimino, et voici que la recherche s'élargissait encore, car la vérité est comme le corps immense des déesses : elle est là et pas là - on la voit et on ne la voit pas.
Moi, je la voyais [...] En suivant Melville à travers le monde, en chassant avec lui une baleine qui avait pris la place de Dieu... j'avais découvert qu'une étincelle s'allume au cœur de la destruction, et que cette étincelle suffit pour mettre le feu au monde.p47.


"Certains soirs, le velours glisse entre les voix comme si les étoiles s'allumaient dans nos gorges."

J’aime que mes journées soient complètement vides. Même si je ne fais rien, il faut qu’elles restent à disposition ; il faut que le matin, l’après-midi, le soir restent ouverts. Lorsque j’ai un rendez-vous, le désir d’annuler devient d’heure en heure irrésistible ; car alors la journée entière tend vers ce point qui la comprime, les angles se resserrent ;
il n’est plus possible de penser à autre chose, on n’a plus de solitude, on étouffe.p102."




 


lundi 13 novembre 2017

THE DEER HUNTER ou Voyage au bout de l'enfer de Michael CIMINO

FILM

C'est l'écrivain Yannick HAENEL légitimement récompensé du Prix Médicis pour son roman "Tiens ferme ta couronne" qui m'a incitée à revoir les films de Michael Cimino.
Il évoque plusieurs passages marquants de ces films,dont la fameuse scène où le chasseur Robert De Niro épargne le cerf qu'il visait,baisse son arme.Scène qui a lieu après le retour du Vietnam et fait écho à une autre partie de chasse où les héros fringants y allaient franco,sans états d'âme face à un animal à abattre.
"La couronne",c'est la couronne formée par les bois du cerf.

Et donc,je revois avec enchantement les films de Cimino accompagnant d'une certaine manière le cheminement entrepris par Haenel dans son roman où le héros programme une rencontre avec le cinéaste à New York.Rencontre qui est le fruit d'une nécessité.

Je retiens du film,mais aussi d'un autre film "La porte du paradis" un sens extraordinaire  de la narration,des scènes qui se répondent en écho au niveau du symbole en tout cas.
Une scène de bal de jeunes étudiants qui valsent en cercle au début du film annonce l'encerclement que des immigrants venus d'Europe de l'Est subiront, assaut circulaire des troupes de l'État bien décidé à éliminer ces "profiteurs",voleurs de bétail.
Autre point: les PERSONNAGES de ces films sont pour la plupart des êtres tendus,perdus aussi,pudiques,totalement intériorisés.Ils apparaissent indécis,emmurés dans leur désir,incapables de s'extérioriser.
Incapables de prononcer une parole libératoire.Tout est dans les regards.
L'amour,l'attirance semblent impossibles à se dire.Ils se lisent,s'avouent dans des regards croisés,toujours timides.Seule peut-être la jeune Ella jouée par Isabelle Huppert toute jeune et déjà si talentueuse parvient-elle à une certaine extériorité joyeuse dans le western américain.

                     
 

GET OUT de Jordan Peele

FILM***

Ce film américain est sorti en salle en mai 2017.Une réussite***
Il n'a franchement rien à envier aux films de Shyamalan ou Amenabar (Le sixième sens ou The others...).
Ici aussi,le suspense est finement distillé,à petites doses.
Ce thriller respecte les codes du fantastique avec cette gradation du malaise vers l'angoisse pure,cette dualité du réel/irréel,cette ambiance de plus en plus pesante ...et surtout un héros qui se demande s'il hallucine ou pas...

En effet,le personnage central joué par un acteur noir peu connu,Daniel Kaluuya,génial,est le témoin de plus en plus intrigué d'étranges phénomènes qui se produisent dans la maison de ses futurs beaux-parents où sa petite amie,blanche l'a emmené pour le week-end.
Sur ce fond de thriller fantastique,la question raciale est abordée avec finesse et parfois aussi drôlerie.
Le prologue,long plan séquence où l'on voit un noir se promener dans une banlieue habitée par des blancs annonce parfaitement le talent de ce cinéaste applaudi par le public américain.Ces premières minutes du film prennent tout leur sens à l'issue de l'histoire,évidemment.

mercredi 8 novembre 2017

VERA de Karl Geary

LIVRE

Premier roman de l'émigré irlandais Karl Geary.
Roman puissant, élégant, charmant à la voix narrative originale (le choix du TU qui trouble et qui implique aussi le lecteur...)
Rappelons-nous "La modification" de M.Butor...
L'écrivain irlandais a aussi été acteur (film de Ken Loach...) et maintenant scénariste.

Le sujet? un lien troublant et improbable se noue entre deux êtres dont la complicité et l'intimité transcendent les âges...
Inutile d'en dévoiler davantage,sauf que l'auteur songerait à Cate Blanchett pour incarner Vera si le roman devenait un film....