lundi 22 juin 2015

L'art presque perdu de ne rien faire de DANY LAFERRIÈRE

LIVRE

L'écrivain haïtien,fraîchement élu à l'Académie Française nous propose une série de réflexions,chroniques,mini-anecdotes...
Il y fait l'éloge de la lenteur,de la sieste, de la lecture bien sûr... et autres plaisirs immobiles.
A lire par petites gorgées,tranquillement assis dans le jardin,par une belle après-midi d'été.
Le voyage est garanti,le dépaysement au rendez-vous.
C'est savoureux,chatoyant,plein de bon sens aussi.

Voici quelques extraits qui donnent le ton:

"Je me souviens de cet après-midi sans fin où je me trouvais sur la galerie de la maison de Petit-Goâve avec ma grand-mère. Sans rien à faire depuis trois heures : elle dégustant son café et, moi, observant les fourmis en train de dévorer un papillon mort. Arrive alors une voiture, couverte de poussière, venant de la capitale, qui passe sans même ralentir. J’ai eu le temps de croiser le regard de commisération de la femme assise à l’arrière. Elle semblait se demander quel goût pourrait avoir une vie sans cinéma, ni télévision, ni théâtre, ni danse contemporaine, ni festival de littérature, ni voyage, ni révolution ? Eh bien, il reste la vie nue....                                                Cette femme, dans la voiture poussiéreuse, n’avait pas remarqué qu’il se jouait, sur cette petite galerie, un spectacle pas moins absorbant que celui de la grande ville. J’observais les fourmis tandis que ma grand-mère me regardait. Je me sentais protégé par son doux sourire. La voiture pouvait poursuivre son chemin vers je ne sais quelle destination. Il reste cette scène qui traîne dans ma mémoire encore éblouie : celle d’une grand-mère et de son petit-fils figés dans l’éternel été de l’enfance. Nous ne faisions rien de mal cet après-midi-là."  p 23.

"... Ces rues bondées de taxis jaunes et de voitures de police offrent un spectacle qu'on a tous vu mille fois à la télé.New York c'est le plus gros téléviseur du monde ..." p 121.

Sur la lecture:
                                                                                                                                                                   " Mais le plus beau voyage dans le temps que je connaisse est celui que procure la lecture. On vous croit dans cette pièce, alors que vous vagabondez dans d'autres siècles. Et cela sans faire le moindre bruit.L'imaginaire crée un si vaste espace-temps qu'il élimine les notions de passé,de présent et d'avenir.
L'art est bien la seule tentative de réponse sérieuse à l'angoisse de l'homme face à ce monstre insatiable qu'est le temps" p 96.


La lecture est un acte mystérieux car ce n'est pas normal que je puisse si facilement convoquer Virgile chez moi un mardi matin. Je parle bien de Virgile, le gars de l'Antiquité. Beaucoup de gens doutent qu'on puisse parler aux morts alors qu'ils vivent entourés de livres. Et toute bibliothèque est un cimetière peuplé de morts qui pensent". 

"Je vais rarement chercher un livre précis dans une librairie.
J'attends que le livre se présente à moi." (super)  p 161.

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