dimanche 21 janvier 2018

LAIDLAW de William McILVANNEY

LIVRE

Lors de son passage à la Grande Librairie en octobre 2017,Pierre Lemaitre évoquait "Laidlaw" comme un des meilleurs polars qu'il ait lus.
On comprend cet avis et on y souscrit.
Ce polar paru en 1977 et un peu tombé dans l'oubli,vient d'être réédité dans la collection RIVAGES/NOIR.
L'intrigue policière n'a sans doute rien de très original.Une jeune fille a été assassinée et très vite,on apprend que le meurtrier se cache,recevant l'aide d'un ami.Tous deux sont homosexuels,ce qui pose la question du mobile.
L'intérêt de la lecture réside dans l'ambiance de cette ville de Glasgow,dans l'environnement social des protagonistes.On suit l'inspecteur Laidlaw,assisté du jeune Harkness dans les rues sombres,les pubs,les cuisines où se terrent le désarroi,le non-sens de vies en déshérence.
A eux de percer les secrets,d'entendre les non-dits.
Il y a par-ci par-là des trésors d'analyse psychologique.
La facture poétique de l'oeuvre est surtout remarquable.Les phrases sont travaillées au cordeau,soutenues par de belles images,parfois paradoxales,toujours soignées.
Un tel niveau d'écriture est suffisamment rare dans un roman policier pour être souligné.
En voici quelques exemples:
D'abord le constat du naufrage du mariage de LAIDLAW,flic dépressif mais opiniâtre:
 
"Maintenant les monstres étaient moins exotiques et, en même temps, plus difficiles à éviter. 
Il buvait trop, pas pour le plaisir, simplement il sirotait systématiquement comme on absorbe un poison lent. Son mariage ressemblait à un labyrinthe dont personne n'avait jamais dessiné le plan, une infinité d'habitudes, de blessures, de trahisons, autant de chemins sur lesquels Ena et lui-même avaient erré séparément, se rencontrant occasionnellement via les enfants. Il était policier , inspecteur de police et de plus en plus, il se demandait comment c'était arrivé.
Et il avait presque quarante ans."p13.


"Une nouvelle fois, il ressentit sa nature comme un paradoxe à la dérive.

Il était un homme violent en puissance et avait horreur de la violence, quelqu'un qui croyait à la fidélité et était infidèle, un homme d'action qui souhaitait la paix. Il fut tenté d'ouvrir le tiroir de son bureau où il gardait Kierkegaard, Camus et Unamuno comme on cache de l'alcool. Au lieu de cela, il soupira bruyamment et mit de l'ordre dans les papiers sur son bureau. Il ne pouvait rien faire d'autre qu'habiter les paradoxes."p14.

"Il (Harkness) en conclut que c'était l'effet Laidlaw. Une journée avec lui suffisait pour bouleverser toutes vos idées préconçues et vous rendre étranger à vous-même. C'est qu'il était compliqué, le gaillard, et si vous essayiez de vous adapter à ses complications, vous redécouvriez les vôtres."

Lors d'un interrogatoire des parents:
"...Leurs regards se croisèrent.Laidlaw et Harkness restèrent silencieux.
Ce n'était pas le moment de se mettre en travers.Ce regard,c'était vingt ans de mariage et ce qu'il contenait était bien plus compliqué que toutes les combines des services secrets.
Il n'était pas question d'une fille morte ni de la police.Il était question d'autres morts.
Il s'agissait de tout ce qu'une femme n'avait pu retirer d'une relation,et de la dignité qu'elle avait préservée en dépit de cela,il s'agissait de ce qu'un homme avait caché des promesses dont il ignorait probablement comment il avait pu les faire.
Il s'agissait d'orgueil préservé et d'orgueil perdu."p163. 


 

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